Margaret ATWOOD Titre original : The Handmaid's Tale, 1985 Première parution : Toronto, Canada : McClelland and Stewart, 1985ISFDB Cycle : La Servante écarlate vol. 1
Née à Ottawa, elle a beaucoup voyagé et vit maintenant à Toronto avec le romancier Graeme Gibson et leur fille. Auteur de neuf livres de poèmes, d'une étude sur la littérature canadiennne et de huit romans, elle a conquis une réputation internationale.
On l'appelle Defred. Quoique son nom, dans la machine normalisatrice qu'est devenue la société de Gilead, n'ait plus aucune importance. Ni sa personnalité. Aux yeux des fanatiques qui ont édifié le système, seul compte son ventre.
Dans ce monde clos à coups d'interdictions et de diktats religieux, la maternité est réservée aux servantes, réduites à cette seule fonction. Sinon, c'est la déportation dans les colonies irradiées où croupissent les Antifemmes, bêtes noires du régime. Alors Defred se contraint à la soumission. Lutte pour oublier qu'elle était libre, autrefois, dans un pays qui s'appelait encore l'Amérique...
Un réquisitoire sans appel contre tous les intégrismes ; la peinture, implacable et minutieuse, d'un monde qui pourraît être le nôtre, si...
Avec la publication simultanée du Dernier homme (inédit critiqué in Bifrost 38) et de La Servante écarlate (réédition en poche), Margaret Atwood fait un retour remarqué sur le devant de la scène éditoriale française.
C'est l'occasion de (re)découvrir l'extraordinaire travail de cette Canadienne presque sexagénaire, dont la virulence du propos est encore aujourd'hui un sujet d'émerveillement.
Véritable roman politique et militant, au meilleur sens du terme, La Servante écarlate est un texte atypique, terrifiant et volontiers orwellien. Pendant féministe du célébrissime 1984, son intrigue tourne avant tout autour du mécanisme du pouvoir, et de l'acceptation lâche qui le produit. En l'occurrence, Atwood construit son roman comme une arme de guerre féministe, aussi incorrecte qu'assassine à l'égard de toutes les formes de dominations (y compris masculines).
A travers l'histoire de Defred, femme-objet vêtue de rouge et dont la fonction officielle n'est rien d'autre que reproductive, Atwood dissèque la mécanique totalitaire avec une douloureuse lucidité. Résumons : le pays subit une dictature théocratique autoritaire qui réprime tout et n'importe quoi. Pour une raison inconnue, les femmes n'enfantent plus guère, menaçant de fait la survie même de l'humanité. Celles qui possèdent encore la capacité d'être enceintes sont réquisitionnées par le gouvernement. Commence alors une épouvantable existence de recluse, de prisonnière sexuelle et politique, alors que certains dignitaires les fécondent régulièrement pour renouveler la race. Dès lors, Defred n'est somme toute pas autre chose qu'une matrice, sans âme, sans esprit, sans rien. Constamment surveillée, perpétuellement soumise à une discipline patriarcale impitoyable, Defred se souvient du monde tel qu'il était avant. Le monde où son amant s'appelait Luke, le monde où elle pouvait lire, boire, chanter, le monde où elle avait encore une petite fille...
Terriblement sombre, d'une violence extrême (une violence sourde et toujours pudique, donc plus efficace), intelligent et superbement mené, La Servante écarlate n'est évidemment pas qu'un simple manifeste. C'est une interrogation grave, un signal d'alarme lancé en 1985, mais dont l'écho est encore vivace aujourd'hui. A la manière d'un Orwell dont la lecture est aujourd'hui plus que jamais nécessaire, Atwood signe tout simplement un grand livre, dérangeant et fondamental. A ne pas manquer. Et à cacher au fond d'un carton avant qu'on interdise définitivement toute forme de libre pensée.
Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)La Servante écarlate
, 1990, Volker Schlondorff The Handmaid's Tale
, 2017, Bruce Miller (Série)