T. J. BASS Titre original : The Godwhale, 1974 Première parution : États-Unis, New York : Ballantine Books, janvier 1974ISFDB Traduction de Françoise MAILLET
LIVRE DE POCHE
(Paris, France), coll. SF (1ère série, 1977-1981) n° 7050 Dépôt légal : 4ème trimestre 1979 Réédition Roman, 416 pages, catégorie / prix : 4 ISBN : 2-253-02308-6 Format : 11,0 x 16,5 cm✅ Genre : Science-Fiction
Maquette : Pierre Faucheux / APF / Photo Gérard Ruffin.
Pris dans les houles violentes, presque aveugle sous l'agglomérat de calcite et de coquillages. Les deux cents mètres de sa coque galbée étaient à présent cachés sous un amas de palmes et de fougères.
La mer était venue renforcer cette entrave avec un ciment de coraux morts et de basalte.
« Rorqual Maru » pleurait sur son passé, sur ces années gâchées à jamais.
Le « Rorqual Maru » était un râtisseur de plancton sans plancton, un moissonneur sans récolte que la Grande Société Terrestre avait abandonné à la mort des océans. C'est en vain qu'il avait fouillé les continents. Il n'y avait plus ni faune ni flore marines.
Mais d'autres années passèrent. Et le miracle se produisit. Les mers revinrent. Les océans s'emplirent à nouveau de vie. Et « Rorqual Maru » se dit qu'elle devait reprendre du service... Alors même que l'humanité l'avait oublié.
Dans cette très grande fresque (dont la première partie était déjà connue par les larges extraits parus dans Galaxie n° 107, 110, et 111), l'idée d'une population terrestre atteignant 3500 milliards est effectivement suggérée par le grouillement de personnages à peine différenciés, auxquels on a d'autant plus de mal à s'attacher que, si les Néchiffres de la Fourmilière sont veules et mous, les Egotiens qui lui échappent et qu'elle pourchasse (Broncos, Entre-les-Murs, Océanides) sont frustes et sans pitié ; tous sont des pantins de leurs glandes (tendresse lutéale et dureté folliculaire des « pouliches ») et de leurs gènes (« quatre-orteils » amorphes, « cinq-orteils » rebelles), voire (dans le deuxième tome) semi-mécanisés ; ce sont d'ailleurs des machines (Curedent, Gitar) qui ont le plus de personnalité, et les dieux en qui reposent tous les espoirs (Olga dans le premier tome, Rorqual le dieu-baleine dans le deuxième) sont des machines. Tous les détails, même les plus incroyables, s'appuient sur de remarquables connaissances scientifiques, cependant que l'ensemble a l'élan épique des grandes légendes, dont il est d'ailleurs nourri : Jonas et sa baleine, Moïse guidant son peuple vers la Terre promise, le Joueur de flûte de Hamelin (la traductrice écrit « Hameln », mais à ce compte il faudrait parler de Jonah et de Mosché !). Pourtant tout éclat lyrique ou épique est banni : tout, jusqu'au plus atroce, est décrit sur le même ton détaché et froid, à peine relevé par endroits d'une petite pointe d'humour noir. C'est qu'il n'y a pas de place pour la morale dans cette vision d'une humanité en expansion, dont la Fourmilière et ses adversaires ne sont que deux stades obéissant à un déterminisme tout aussi inhumain. Si bien que l'admiration du lecteur ne va pas sans quelque malaise.