Pamela SARGENT Titre original : The Shore of Women, 1986 Première parution : New York, USA : Crown Publishers, novembre 1986ISFDB Traduction de Nathalie GUILBERT
Birana, vingt ans, est exclue d'une cité des femmes — une enclave — pour une faute grave. Pour les femmes, qui ne tuent pas, il n'y a pas de pire châtiment. Livrée au monde extérieur, sauvage, barbare, brutal, de la nature et des hommes, elle n'a aucune chance de survivre.
Car depuis l'holocauste nucléaire, femmes et hommes vivent séparés : les femmes dans leurs villes, où elles ont préservé la civilisation et la technologie ; les hommes dans les prairies et les forêts, où ils errent par bandes.
Maintenus dans l'ignorance et la vénération de la Dame grâce à des "sanctuaires" où ils reçoivent comme des bénédictions l'illusion électronique de satisfactions érotiques, ils sont parfois "appelés" à donner leur sperme. Dès qu'un garçon peut marcher, il est impitoyablement chassé des enclaves et remis, après effacement de ses souvenirs, aux soins d'un homme qui devient son tuteur.
Que peut attendre Birana la civilisée d'hommes qui la tiennent pour une déesse jusqu'à ce qu'ils découvrent sa faiblesse ? Résistera-t-elle longtemps à Arvil, partagé entre l'adoration et le désir, l'amour et la destruction de sa foi ? Tout en l'homme répugne à Birana. Mais...
Dans ce splendide roman où alternent les points de vue de Birana et d'Arvil, de la femme et de l'homme, Pamela Sargent exprime un féminisme intelligent et sensible qui tend à la réconciliation des sexes.
On dit que les lecteurs de science-fiction sontrarement des lectrices. Voici un livre pour les femmes. Et pour leurs compagnons.
La Terre, il y a des siècles, a été ravagée par une guerre nucléaire due à la violence des hommes, et les femmes, douées de sensibilité, pacifistes et porteuses de vie, ont chassé les mâles des villes. C'est le point de départ du roman. Les hommes sont des brutes assoiffées de sang méritant à peine le titre d'humains, au contraire des femmes qui possèdent la technologie et le comportement d'êtres supérieurs, bien loin de la violence et de la barbarie.
Il est toujours très difficile de construire un roman sur ces thèmes sans tomber dans le caricatural. L'auteur s'en sort honorablement, tout en nuances, malgré des échouements sans gravité sur quelques-uns des écueils qui parsèment ce genre quelque peu démonstratif.
Les hommes, relégués à l'extérieur, ont tout oublié, depuis les sciences jusqu'à l'existence des femmes elles-mêmes. Ils sont soumis par le biais du culte de la Dame, dont les sanctuaires, répartis dans le monde, sont des centres reliés télépathiquement aux villes. Les Mères de la cité peuvent y sélectionner ceux qui présentent un comportement et un patrimoine génétique favorables à la reproduction et à l'amélioration de l'espèce humaine.
La structure même de cette civilisation féminine présente quelques subtiles failles qui faussent son cadre idyllique et donnent au récit la crédibilité qui le sauve de la caricature. La description des clans et tribus des hommes est un peu plus grossière, moins élaborée que celle des cités féminines, mais leur sexualité est évoquée tout en finesse, ce qui est très rare et fort remarquable.
Pour donner de l'envergure à cette aventure, Pamela Sargent traite les problèmes des cités par le biais de personnages secondaires impliqués dans l'errance des protagonistes. Elle nous montre ainsi les dessous d'une société dont la survie est finalement due au sacrifice de certaines femmes qui acceptent de faire naître des hommes, de les élever durant les premières années et ensuite, une fois qu'ils sont chassés à l'extérieur, de les surveiller et de les réprimer quand ils osent quitter le stade barbare de la société néolithique pour s'organiser en villages et faire renaître l'agriculture. Malheureusement, cette tension sous-jacente à l'équilibre des cités est seulement effleurée et jamais approfondie. C'est dommage, car un traitement plus fouillé de cet aspect aurait donné une autre ampleur au roman.
De fait, en 700 pages, l'auteur n'a jamais réussi à m'émouvoir ni à m'impliquer. Je ne me suis pas ennuyé, loin de là, mais cette absence d'ambition dans l'élaboration dramatique fait que jamais le monde créé ne prend vie. Il reste morne, et une fois le livre fermé, il s'éteint, au contraire de Chroniques de Pays des Mères d'Elisabeth Vonarburg, qui traite le même sujet de manière autrement plus efficace (c'est d'ailleurs un des plus beaux romans de SF que j'ai jamais lus). Finalement Le Rivage des femmes est un livre honorable, bien fait, sensible, mais sans passion. Pour ne pas finir sur une note trop négative, je reconnais que ce genre de thème est souvent très diversement ressenti, selon la sensibilité propre du lecteur.