Guenièvre : la Reine de Bretagne est la suite de Guenièvre : l'enfant reine. Arthur est au faîte de sa puissance et Guenièvre l'aime plus que jamais, mais elle aime aussi Lancelot, ce que personne n'ignore à Camelot. Ils attendent avec impatience la venue des neveux et du fils d'Arthur, et tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si Arthur n'avait deux sœurs : Morgause et Morgane.
Même s'il n'est pas rare que Morgause et/ou Morgane soient représentées comme des sorcières, de mauvaises femmes, alors que Guenièvre incarne la bonté, le début du roman est assez caricatural. En fait, les côtés agaçants de Guenièvre : reine de Bretagne tiennent en partie à cet équilibre délicat entre la cohérence historique et le roman courtois dans la tradition duquel s'inscrit Nancy McKenzie. À cela s'ajoute une difficulté de traduction : les dialogues, en effet, oscillent curieusement entre un langage familier moderne et un autre, archaïque et châtié. On obtient une Guenièvre changeante, tantôt Haute-Reine de Grande Bretagne, tantôt fillette intimidée, qui s'agenouille et fait la révérence devant tout un chacun, pour un oui, pour un non, dans les braies qu'elle porte pour monter à cru comme dans sa robe d'apparat, et peut, au cours d'une même conversation, tutoyer Arthur en lui lançant des allusions coquines et le vouvoyer en l'appelant « mon seigneur ». François Truchaut, le traducteur, n'a certes pas eu la tâche facilitée par le « you » anglais, mais il s'en tire avec honneur : jonglant entre le « tu » et le « vous » au gré des situations, il restitue le texte dans un français très agréable à lire.
A mesure qu'on avance dans l'œuvre, le manichéisme des personnages s'estompe, car il est heureusement contrebalancé par une réflexion sur la vie, le destin et la liberté au travers des ressentis des protagonistes et de leurs réactions aux multiples prophéties. Mordred, en particulier, se révèle fort intéressant, et les évolutions psychologique de Lancelot sont amenées avec justesse.
Finalement, ce roman devient peu à peu passionnant, épique et émouvant à la fois, et même, par instants bouleversant. On ne se lasse pas de cette histoire tant de fois racontée, réécrite de tant de façons différentes. Arrivé à la fin, on aura deux idées en tête : lire les autres livres de Nancy McKenzie et découvrir le cycle de Mary Stewart (jusqu'ici non traduit, hélas) auquel Nancy McKenzie rend hommage. Basé sur les personnages de Merlin et Mordred, ce cycle est considéré comme l'un des plus grands du genre aux USA.
En attendant, souhaitons que les éditions du Pré aux Clerc publient un jour Queen of Camelot, paru en 2002 aux USA, qui revient sur la relation maternelle que Guenièvre entretient avec Mordred, et aussi Prince of Dreams, vision « McKenzienne » de Tristan et Iseult. À moins que les éditions Pygmalion ne s'en chargent, puisque ce sont elles qui ont publié, en deux volumes, Grail Prince (La Prophétie de la Dame du Lac et Les Sortilèges du Désir), dont le narrateur est Galaad.