Chuck PALAHNIUK Titre original : Fight Club, 1996 Première parution : New York, USA : W. W. Norton & Company, 18 août 1996ISFDB Traduction de Freddy MICHALSKI
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 95 Dépôt légal : février 2008 Retirage Roman, 304 pages, catégorie / prix : F9 ISBN : 978-2-07-042240-1 ✅ Genre : Science-Fiction
Couverture : afiche de Fight Club, film de David Fincher (détail).
Laisse-moi te parler de Tyler. Tyler dit : les choses que tu possèdes finissent toujours par te posséder. C'est seulement après avoir tout perdu que tu es libre de faire ce dont tu as envie. Le fight club t'offre cette liberté.
Première règle du fight club : Tu ne parles pas du fight club.
Deuxième règle du fight club : Tu ne parles pas du fight club.
Tyler dit que chercher à s'améliorer, c'est rien que de la branlette. Tyler dit que l'autodestruction est sans doute la réponse.
Métaphore acide et jubilatoire d'un monde au bord du chaos, perdu faute de révolution, Fight club a été porté à l'écran en 1999 par David Fincher, le réalisateur de Seven et Alien 3. Le DVD du film est édité par Fox Pathé Europa.
Chuck Palahniuk, qui vit actuellement à Portland, est diplômé de l'université de l'Oregon. Son premier roman, Fight club, a fait l'effet d'une bombe à sa publication en 1996. Survivant et Monstres invisibles, tous deux disponibles aux Editions Gallimard, ont depuis confirmé l'originalité de son talent.
Première règle du fight club : tu ne parles pas du fight club.
Deuxième règle du fight club : tu ne parles pas du fight club.
Le critique est pourtant bien obligé de passer outre ces recommandations pour faire partager son enthousiasme pour ce livre. Cela faisait longtemps que je n'avais pas été « soufflé » par un roman, comme un immeuble peut l'être par une explosion, et en même temps dérangé par sa lecture. Pourtant j'y suis allé à reculons, en commençant par le film qui en a été tiré. Les bandes-annonces de l'époque donnaient le sentiment qu'on avait affaire à un film de « baston entre hommes » et il m'a fallu attendre d'être bloqué un soir dans une minuscule chambre d'hôtel pour regarder ce film, sur un écran de 36 cm, en me disant, qu'après tout, on pouvait faire confiance au réalisateur de Seven. Quelle claque ! Même sur un écran de taille réduite, le film possédait un souffle et une énergie peu communs, et surtout, était à cent lieues du marketing qui en avait été fait. C'est donc intrigué par son adaptation au cinéma que j'ai décidé de m'attaquer au roman.
Fight Club, c'est d'abord un trio de personnages : le narrateur — dont on ne connaîtra jamais le nom — , employé de bureau insatisfait, Tyler Durden, révolté et nihiliste, et Marla Singer, paumée suicidaire et seule femme d'une œuvre très masculine. Ces trois-là n'étaient pas vraiment faits pour se rencontrer, mais ils partagent une même analyse de la — de leur — situation, une même vision du monde. Et elle n'est pas rose. Le constat est accablant : « nous sommes la merde et les esclaves de l'histoire. Je voulais détruire tout ce que je n'aurais jamais de beau », confie le narrateur (p. 176). Plus loin (p. 177) : « il faut que je règle la note pour les déchets nucléaires (...) et les boues toxiques étalées sur les champs d'épandage d'ordures une génération avant ma naissance » ou encore « Je voulais brûler le Louvre. (...) C'est mon monde, maintenant. C'est mon monde, ici, mon monde, et tous ces gens anciens sont morts. » Ils sont le prolétariat des années 2000 : « Tu as une classe entière de jeunes hommes et femmes forts et solides, et ils veulent donner leur vie pour quelque chose. Ils travaillent dans des métiers qu'ils haïssent, uniquement pour pouvoir acheter ce dont ils n'ont pas vraiment besoin » (p. 215).
C'est Tyler qui a l'idée en premier lorsqu'il propose au narrateur, un soir, sur un parking, de le frapper de toutes ses forces. Le premier fight club est né, où tous ces déçus du système se retrouvent soir après soir pour combattre, à mains nues, sans chemise et sans chaussures. Et le concept se répand à travers les États-Unis comme une traînée de poudre. Il y a bientôt des fight clubs dans toutes les villes de tous les états. Toute une génération qui se reconnaît dans la rue, au bureau ou dans les transports en commun, à une pommette défoncée, des dents perdues, ou encore des points de suture. Pourquoi se battre ainsi ? Quand son patron demande au narrateur ce qu'il fait de ses week-ends pour revenir le lundi avec un visage en si triste état, l'autre lui répond (p. 66) : « C'est juste que je ne veux pas mourir sans quelques cicatrices. » Est-ce que ça change quoi que ce soit ? Non, bien sûr : « Rien n'était résolu quand le combat était fini, mais plus rien n'avait d'importance. » Durden veut que les membres des fight clubs arrivent à cet état d'esprit où plus rien n'a d'importance, ce qui lui permettra de passer à la phase suivante de son plan : le Projet Chaos. Là où le fight club est un engagement individuel, le Projet Chaos est l'utilisation pour un projet collectif de cette force acquise par chacun quand, justement, plus rien n'a d'importance. Après un acte révoltant, le narrateur se contente de commenter (p. 162) : « Et dire que j'étais quelqu'un de si gentil, jadis. » Le nihilisme des personnages n'a rien de romantique, comme c'est trop souvent le cas quand la littérature met en scène la révolte. Ici, le Projet Chaos a pour but de tout flanquer par terre, pas au nom d'un idéal supérieur, mais tout simplement parce que ça suffit.
Le premier roman de Palahniuk (il en a écrit deux autres depuis) intrigue (le dédoublement de personnalité du narrateur), révolte (les bagarreurs du fight club qui se transforment en terroristes et en assassins du Projet Chaos) et dérange (malgré le personnage de Marla, c'est un monde sans femme, la révolte semble n'être que masculine), mais il ne laisse pas indifférent. Comme le dit Tyler Durden (p. 203) : « Attirer l'attention de Dieu en étant mauvais valait mieux que de ne pas attirer l'attention du tout. Peut-être parce que la haine de Dieu est préférable à son indifférence. »