Un linguiste hongrois nommé Budaï se rend à Helsinki où se prépare un congrès scientifique. Mystérieusement, son avion atterrit ailleurs, dans une ville immense et inconnue de lui. Plus troublant encore : la langue qu'on y parle lui est parfaitement inintelligible. Rien n'y fait, ni la science de Budaï — il maîtrise plusieurs dizaines de langues — ni ses méthodes de déchiffrement les plus éprouvées ne lui permettent de saisir un traître mot du parler local. Tandis qu'il cherche désespérément à retrouver sa route, le mur d'incompréhension se resserre chaque jour autour de lui. Avenues grouillantes de monde, métros, fêtes foraines, cultes religieux, défilés, émeutes : sous les apparences les plus familières d'une grande cité moderne, tout paraît absolument étrange et inhumain. Toujours au plus profond de l'incommunicabilité, Budaï fait un séjour en prison, connaît des amours éphémères, sombre dans la misère, se met à gagner sa vie comme portefaix et participe même à une insurrection à laquelle il ne comprend décidément rien.
Dès la première page, une angoisse sans nom, un sentiment d'étrangeté totalement inédit, étreignent le lecteur. Le piège se referme ensuite, nulle trêve n'est accordée. Cauchemar à la fois subtil et férocement drôle, Epépé, le chef-d'oeuvre de l'écrivain hongrois Karinthy, réveille en chacun de nous la plus forte des hantises : celle de devenir étranger au monde que nous connaissons le mieux.
Ferenc Karinthy (1921-1992) fut à la fois journaliste, dramaturge, romancier... et champion de water-polo. C'est en 1970 que cette figure majeure de la littérature hongroise publia son chef-d'oeuvre, Epépé, traduit depuis dans le monde entier.