Une quête, une guerre, un anneau... Un petit gars aux pieds poilus nommé Fripon est embarqué par le magicien Grandpaf dans un truc de malade : sauver les Paires du Milieu du maléfique Salkon, le Seigneur Ténébreux, et de Saroulmal, le magicien rénégat.
Si vous êtes fan du chef-d'oeuvre de J.R.R. Tolkien, ou si vous voulez juste rigoler un bon coup — comme plusieurs millions de lecteurs à travers le monde — vous allez vous régaler. Ce célèbre pastiche convaincra aussi bien ceux qui aiment la Fantasy que ceux qui la détestent qu'ils ont dépassé ici l'ultime frontière, et qu'il n'est donc plus la peine de lire une autre parodie de ce genre.
Mais alors, plus jamais !
Henry N. Beard et Douglas C. Kenney ont fondé le Harvard Lampoon alors qu'ils n'étaient que de jeunes étudiants à Harvard. Comme il se doit, ils passaient leur temps à glander et à raconter des bêtises. Jusqu'à ce jour de 1969 où ils publièrent Lords of the Ringards. Grâce au succès de cette parodie, ils fondèrent leur société : le National Lampoon. Aujourd'hui, le Lampoon est une institution florissante, publiant à tour de bras livres et BD satiriques, et s'adonnant parfois au 7e art (Alarme fatale), car rien n'est sacré.
Il m'aura fallu lire Méditations sur la Terre du Milieu, découvrir que de grands auteurs de fantasy — et pas forcément des humoristes — avaient beaucoup apprécié, à sa sortie, Lord of the Ringards, pour me donner l'envie de lire cette parodie de l'un des livres les plus bouleversants que j'ai jamais lus : Le Seigneur des Anneaux. Avouons-le sans fard : j'avais un gros a priori. Comment, me disais-je, peut-on se moquer ainsi des Hobbits et les appeler Grossbits ? Comment ose-t-on rebaptiser la Comté : Constip ?
Eh bien en fait, on le peut parfaitement. Quelqu'un, je ne sais plus qui, a dit qu'on ne riait que de ce qu'on aimait. C'est visiblement ce qu'ont fait Henry N. Beard et Douglas C. Kenney, les auteurs de la caricature. Que le lecteur se rassure : nul n'est tenu d'acquiescer, ni de faire chorus.
Le problème n'est pas tant le choix de la parodie que le fait que le meilleur du Seigneur des Anneaux, soit absent de ce livre. Pas moyen, en effet, de s'inquiéter de ce qu'il adviendra de Fripon et de Cam, ni de pleurer la perte de Grandpaf. Ce qui revient à dire que l'intrigue, parce qu'on la connaît et qu'elle est affadie, n'a que peu d'intérêt. Pas moyen, non plus, d'admirer béatement les vers de mirliton de Bidon ou Degolas. Lord of the Ringards est totalement dépourvu de la plus petite trace de poésie. Or, nombreux sont ceux qui aiment Le Seigneur des Anneaux pour son lyrisme et son souffle épique.
Toutefois, on comprend volontiers qu'à une époque — 1969 — où les Guignols n'avaient pas encore envahi l'écran familial, la parution de Bored of the Rings (littéralement : Fatigué des Anneaux) ait pu apparaître comme hilarante et originale, y compris auprès des fans les plus enthousiastes de Tolkien. Le succès français — auquel les éditions Bragelonne ne s'attendaient pas — semble dû à une génération de lecteurs plus jeunes qui n'ont découvert l'œuvre de Tolkien ni par le livre, ni par la parodie, mais plutôt par le film de Peter Jackson, et encore, bien après les jeux de rôle.
Pour résumer, je dirais qu'on a là un livre drôle, parfois grossier, à réserver à ceux qui veulent rire avec le Seigneur des Anneaux et du Seigneur des Anneaux. L'abondance des jeux de mots donne l'envie de confronter le texte français à la version originale pour évaluer la part d'Alain Névant, le traducteur. Et que ceux dont ce type d'exercice n'est pas la tasse de thé passent leur chemin, tout simplement.