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1 Dix-huit ans après la prime publication de
Charlie aux USA, paraissait au Japon, en 1998, donc,
Crossfire de Miyabe Miyuki, imposant polar récemment publié par les éditions
Philippe Picquier. Et le moins que l'on puisse dire c'est que l'auteur japonaise y rend un sincère hommage à Stephen King : comme Charlie, Aoki Junko (l'héroïne/la méchante, au choix) a le pouvoir de mettre le feu ; comme le docteur Wanless, l'ancien policer Skipper émiette ses cigarettes plutôt que de les fumer ; comme Andy McGee, Kôichi a le pouvoir de pousser les gens à agir contre leur gré ; quant au code de l'ordinateur d'Aoki, ce n'est rien moins que Firestarter, le titre original de
Charlie...
Au-delà de l'hommage,
Crossfire est un bon roman policier, doublé d'un bon livre fantastique, triplé d'une très intéressante vision de la société japonaise contemporaine. Un livre dense (avec toutefois quelques « plages calmes ») où l'aspect policier pèse davantage que l'aspect fantastique/science-fictif. On y suit une équipe de police à la poursuite d'Aoki Junko ; car celle-ci, de massacre en massacre, agit comme une super justicière en mission. Le livre rebondit à peu près toutes les cent pages (en fait, à peu près à chaque fois qu'on commence à s'ennuyer), partant alors dans une direction surprenante et pourtant cohérente avec ce qui a précédé (on est loin de certains twists de thriller hollywoodien qui ne résistent à aucune analyse, même polie). A bien y réfléchir,
Crossfire pose exactement les mêmes questions, soulève exactement les mêmes draps sales que la série
Dexter : justice défaillante, notion de « juste punition », peine de mort, présomption d'innocence, avocats trop malins ; seul petit problème,
Dexter va beaucoup plus loin et se révèle donc au final plus intéressant (digression pour digression, juste un petit aparté sur les livres de Jeff Lindsay,
Ce cher Dexter,
Dexter revient,
Les Démons de Dexter ; les deux premiers sont sympathiques mais souffrent de la comparaison avec la série ; le troisième, qui verse dans le fantastique, est... une mauvaise blague ?). Bien que prenant, terriblement dépaysant puisqu'il nous plonge au cœur de la société japonaise et de ses services de police,
Crossfire n'arrive pas au niveau de son modèle
Charlie, sans doute parce que Miyabe Miyuki ne possède pas l'énorme moteur narratif de Stephen King — elle reprend son souffle régulièrement et son style est plat, assez désincarné, monotone, ce que n'arrangent guère quelques maladresses manifestes dans la version française.
Crossfire a été adapté au cinéma en 2000 par Shusuke Kaneko (titre anglais :
Pyrokinesis), le réalisateur du médiocre
Azumi 2.