Dans ce monde imprécis et redoutable qui côtoie le nôtre — et que l'on nomme « ailleurs » — , des ombres évoluent, tantôt familières, tantôt inquiétantes. Ombres de rêves vécus ou de vies rêvées ? Tracés de la mémoire ou ébauches du destin ? La réponse peut être obsédante.
Mais si, à la faveur de sortilèges impromptus, certaines de ces ombres viennent s'abreuver de présent, soudain vivantes parmi les vivants, elles nous entraînent alors dans leur cercle hallucinant avans de nous abandonner, marqués par le sceau d'une « indicible peur ». A tout jamais.
1 - Pitié pour les ombres, pages 5 à 20, nouvelle 2 - Son époux regretté, pages 21 à 30, nouvelle 3 - Le Coffret, pages 31 à 40, nouvelle 4 - Passage du Dr Babylon, pages 41 à 50, nouvelle 5 - Métamorphose, pages 51 à 62, nouvelle 6 - La Montre, pages 63 à 72, nouvelle 7 - Les Vilaines de nuit, pages 73 à 80, nouvelle 8 - Les Petites filles modèles, pages 81 à 88, nouvelle 9 - Lumineuse dans la nuit, pages 89 à 96, nouvelle 10 - Et la vie s'arrêta..., pages 97 à 106, nouvelle 11 - L'Assassinat de Lady Rhodes, pages 107 à 116, nouvelle 12 - Nocturne, pages 117 à 126, nouvelle 13 - Donatienne et son destin, pages 127 à 134, nouvelle 14 - Fantôme es-tu là ?, pages 135 à 144, nouvelle 15 - Villa à vendre, pages 145 à 158, nouvelle
Critique tirée de la rubrique « Diagonales » signée par Alain Dorémieux
Quatrième recueil de Thomas Owen chez Marabout, après La cave aux crapauds, Cérémonial nocturne et La truie. Ce qui veut dire que l'essentiel de l'œuvre du grand conteur belge a été ces dernières années rendu disponible pour le public français Pitié pour les ombres rassemble une quinzaine de nouvelles relativement récentes (leur rédaction remonte en générai aux années cinquante ou soixante). Contrairement aux textes plus anciens de l'auteur (ceux qu'on trouvait principalement dans La cave aux crapauds et en partie dans Cérémonial nocturne), ils ne jouent pas tellement sur les registres de la terreur et de l'horreur ; ils sont plutôt des flâneries dans les domaines de l'inquiétude, et s'ils touchent à l'angoisse, c'est avec une nonchalance élégante. Mais qu'on ne s'y trompe pas : derrière cet air de ne pas y toucher, Owen garde l'art de susciter, en une phrase ou en quelques mots, le petit frisson qui fait que par la suite son lecteur cessera de se sentir à l'aise. Tout cela comme si de rien n'était, en sourdine, et en maniant au suprême degré l'ambiguïté et le sous — entendu, au point que dans certains contes c'est vraiment entre les lignes qu'il faut chercher le pourquoi des choses. Le fantastique à ce stade devient un exercice de virtuose : c'est à la fois la force d'Owen et sa limitation. Il n'a plus l'air de se sentir tellement concerné par ce qu'il écrit ; il s'adonne au fantastique en artiste et en dilettante. Il nous communique certes ses fantasmes et ses refoulements, mais avec une pudeur distanciée qui les met sous vitrine. On aimerait qu'il cède par moments à un peu plus de folie.