Léa Silhol fait partie de ces auteurs dont on peut d'emblée dire qu'ils ont « un style ». Dès les premières phrases, il est évident qu'elle aime travailler les mots et – comme l'annonce le titre de l'ouvrage – les tisser pour en faire un tissu poétique et sensuel, délicat et chamarré. « Une écriture où rien, jamais, n'est laissé au hasard. Où le symbole se mêle étroitement à l'image, le mythe à la réalité psychologique, le folklore à l'imagination. » écrit Natacha Giordano dans une intéressante postface qui réévalue chacun des contes du recueil.
On pourra probablement ne pas être sensible à sa manière de faire chanter les phrases, et dans ce cas, il sera difficile d'entrer dans ses histoires. Mais pour ceux qui se laisseront envoûter, Les contes de la tisseuse ressembleront aux chants des sirènes, d'une beauté irrésistible mais loin d'être innocente. Est-il utile de préciser que je fais partie des victimes, entièrement sous le charme ?
Chaque lecteur trouvera sans doute son propre intérêt dans ces nouvelles. Pour moi, leur attrait principal, outre l'écriture, réside dans la qualité de l'analyse psychologique. Qu'il s'agisse d'un monstre – une Gorgone... –, de Thanatos – la Mort elle-même – ou encore de Judas, Léa Silhol fait de ses personnages des êtres pensants et souffrants, capables de compassion et d'amour, des individus qui, bien qu'hors du commun, sont tout simplement bouleversants.
Le sous-titre, Cinq saisons et un élément, fait allusion à la façon particulière dont Léa Silhol a disposé ses nouvelles, par triptyques dédiés à chaque saison – y compris à une cinquième, le Temps –, tous traversés par l'eau, l'élément symbole de vie, de fluidité, peut-être l'élément féminin par excellence. Cette disposition pourrait paraître artificielle, mais elle s'impose sans peine, témoignant de l'unité du recueil. Pourtant, presque paradoxalement, chaque conte est riche d'une atmosphère si particulière qu'il est difficile d'en lire plusieurs à la suite : on préférera les déguster un par un, afin de s'en pénétrer et de profiter pleinement de leurs saveurs subtiles.
Bref, un magnifique recueil qui ne donne qu'une envie... celle de voir maintenant ce que le talent de Léa Silhol pourrait nous offrir à l'échelle d'un roman.
Les recueils de nouvelles de fantasy sont assez rares, pour ne pas dire inexistants. Difficile, donc, pour l'amateur curieux, de passer à côté de celui-ci. Léa Silhol, sans doute plus connue comme rédactrice de Requiem et pour son travail d'éditrice chez l'Oxymore, livre ici un ensemble de textes marqués par un élément fort de toute une symbolique : l'eau. Voilà un recueil fier de sa sensibilité féminine, qui s'adresse à ceux que la prose, voire l'écriture ampoulée, ne rebute pas ; car Silhol écrit, surécrit, peaufine chacun de ses contes, les encadre avec des morceaux de chansons, de textes mis en exergues. Ce qui sera sans doute perçu comme un défaut — d'ailleurs, dans certains textes, on n'échappe pas à la mièvrerie, une mièvrerie qui confine parfois au grotesque consommé — s'impose aussi comme une marque de fabrique. C'est dans le creuset des adjectifs et des tournures de phrases obsolètes que ces quinze histoires et un poème en prose semblent naître. Au final, de bons textes, d'autres moins bons avec, surtout, « La Gorgone enfant » et « La Loi du flocon », qui sortent du lot comme des fleurs de la neige. Malgré ses défauts, ce livre est sans aucun doute le meilleur ouvrage de fantasy jamais publié par les éditions Nestiveqnen. Si vous aimez l'écriture poétique et les figures féminines dominant les eaux du monde, ne passez pas à côté. Léa Silhol est une autrice à suivre qui, dans la simplification d'une écriture qui frôle encore trop souvent l'overdose, trouvera une voie royale. On attend maintenant un roman.