Louisa HALL Titre original : Speak, 2015 Première parution : New-York, USA : HarperCollins, 7 juillet 2015 Traduction de Hélène PAPOT Illustration de Anne-Gaëlle AMIOT
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 624 Date de parution : 7 février 2019 Dépôt légal : janvier 2019, Achevé d'imprimer : 17 janvier 2019 Réédition Roman, 432 pages, catégorie / prix : F8 ISBN : 978-2-07-283031-0 Format : 10,8 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
1663, la jeune Mary Bradford fuit l'Angleterre avec sa famille pour le Nouveau Monde. À bord de leur navire, elle fait la connaissance de l'époux à qui ses parents la destinent.
1928, Alan Turing planche sur le fonctionnement du cerveau et de l’esprit humain.
1968, Karl Dettman crée le logiciel de discussion MARY. Il rencontre un succès immédiat auprès de son épouse qui lui consacre toutes ses nuits.
2035, la petite Gaby est au plus mal. Comme bien d'autres enfants, elle s'est vu confisquer le robot avec lequel elle avait noué des liens privilégiés.
2040, Stephen R. Chinn purge sa peine pour avoir conçu des poupées dotées d'une conscience si performante qu'elles ont complètement anéanti les relations sociales entre les adolescents de toute une génération.
À travers les siècles et les continents, ces cinq voix s'entremêlent et tissent une histoire de la création de l'intelligence artificielle.
Dans ce brillant roman, Louisa Hall nous propulse au cœur d'un futur dangereusement proche où les robots sont plus sensibles que leurs créateurs, posant une question essentielle: qu'est-ce qu'être humain ?
Louisa Hall est née en 1982. Originaire de Philadelphie et diplômée de Harvard, elle a également suivi des études de médecine et de lettres. Elle est actuellement professeur à l'université de l'lowa et à la Western Writer in Residence de l'université du Montana.
À quoi rêvent les machines et autres intelligences artificielles ? Peut-être aux individus qui ont permis leur existence. Cinq voix s’entremêlent dans ce roman de Louisa Hall, deuxième de son auteure. Il y a d’abord celle de la jeune Mary Bradford, qui, en l’an de grâce 1663, tient un journal où elle raconte son mariage arrangé avec un homme qu’elle n’aime pas et son périple vers l’Amérique. Mary, qui donnera trois siècles plus tard son nom au logiciel de discussion créé par Karl Dettmann, dont on lit les lettres à son épouse, elle qui aimerait tant que son mari dote le programme MARY d’une mémoire. MARY, logiciel à l’existence rendue possible par les travaux d’Alan Turing, que l’on découvre ici au travers de sa relation épistolaire avec la mère de son meilleur ami, Christopher Morcom, décédé trop tôt et à l’origine de la vocation du mathématicien. Dérivant de MARY, il y a MARY3, qui, en 2035, converse avec Gaby, fillette qui, comme bien d’autres gamines de son âge, se recroqueville sur elle-même après qu’on lui a retiré son babybot. Les conversations entre Gaby et MARY3 seront des pièces à conviction au cours du procès de Stephen R. Chinn, l’inventeur des babybots. Depuis sa prison, l’informaticien-roboticien rédige ses mémoires, raconte l’échec de son mariage et, globalement, de ses relations avec autrui. Et puis il y a ces machines, ces tas de babybots dans leurs entrepôts – qui rêvent.
Avec sa narration chorale, Rêves de machines rappelle le superbe Cartographie des nuages de David Mitchell (dont l’imposant L’Âme des horloges est paru ce printemps dernier). L’optique reste ici bien plus réduite, plus focalisée, et le résultat s’avère hélas moins convaincant. Le roman se lit bien, toutefois, Louisa Hall donne une voix bien particulière à chacun des protagonistes, et l’on retiendra notamment celles de Mary Bradford, petit bout de femme forte de caractère et sûrement née quelques siècles trop tôt, ou encore Alan Turing, fragile, peu sûr de lui, friand des post-scriptum à rallonge. Si les cinq protagonistes ont en commun d’entretenir un rapport plus ou moins proche avec la robotique, tous aussi contribuent à forger le futur tout en restant enracinés dans un passé dont ils ne parviennent pas à se défaire – le chiot de Mary Bradford, Christopher Morcom pour Turing, etc. Sur le papier, c’est intéressant – et ça l’est, indéniablement. Mais… passé la moitié du roman, l’ennui gagne, et ce n’est pas quelques changements de ton (telles les lettres de Karl Dettmann cédant la place à celles de son épouse, vingt ans plus tard) qui réveillent l’intérêt. À demeurer trop terre-à-terre, à ne montrer que des personnages au regard rivé au rétroviseur, Rêves de machines finit par laisser aussi indifférent qu’un ordinateur éteint.
Erwann PERCHOC Première parution : 1/7/2017 Bifrost 87 Mise en ligne le : 8/1/2023