À quoi bon tenter de résoudre un meurtre quand tout le monde va mourir ?
Concord, New Hamsphire. Hank Palace est ce qu'on appelle un flic obstiné. Confronté à une banale affaire de suicide, il refuse de s'en tenir à l'évidence et, certain qu'il a affaire à un meurtre, poursuit inlassablement son enquête. Hank sait pourtant qu'elle n'a pas grand intérêt puisque, dans six mois il sera mort. Comme tous les habitants de Concord. Et comme tout le monde aux États-Unis et sur Terre. Dans six mois en effet, notre planète aura cessé d'exister, percutée de plein fouet par 2011GV1, un astéroïde de six kilomètres de long qui la réduira en cendres. Aussi chacun, désormais, se prépare-t-il au pire à sa façon. Dans cette ambiance pré-apocalyptique, où les marchés financiers se sont écroulés, où la plupart des employés ont abandonné leur travail, où des dizaines de personnes se livrent à tous les excès possibles alors que d'autres mettent fin à leurs jours, Hank, envers et contre tous, s'accroche. Il a un boulot à terminer. Et rien, même l'apocalypse, ne pourra l'empêcher de résoudre son affaire.
Toilettes d’un McDonald’s de Concord, New Hampshire. Dans lesquelles on retrouve Peter Zell, un agent d’assurances insignifiant. Pendu. Tout semble indiquer un suicide. Sauf que Hank Palace, jeune policier fraîchement promu officier, n’y croit pas. Son instinct pointe une incohérence. Ceci étant, son instinct, tout le monde s’en moque. D’abord parce qu’il n’est qu’un bleu sans expérience dont les attitudes semblent tout droit sorties du manuel du parfait petit policier. Et puis, surtout, il va mourir dans quelques mois. Et avec lui la majorité des habitants de notre planète. Car l’astéroïde 2011GV fonce vers la Terre, et la collision est inévitable. Alors un mort de plus ou de moins, hein ?
L’idée, quoique déjà vue, est plutôt bien menée. La société se délite progressivement après l’explosion de notions comme le bien commun et l’épargne en prévision du futur. Terminés les « Je ferai ça aux prochaines vacances », les « J’aurai le temps pendant ma retraite » et les « Je le lirai plus tard ». Les priorités sont révisées. Maintenant c’est chacun pour soi. Certains individus abandonnent leur routine et tentent de réaliser leurs fantasmes. D’autres survivent en se raccrochant à des habitudes qu’ils rêvent immuables. Beaucoup, enfin, refusent de laisser 2011GV décider de l’heure de leur sortie et précipitent leur fin. Si les États n’avaient pas donné des pouvoirs exceptionnels à l’armée, tout ne serait qu’anarchie. Le port d’armes est sévèrement puni par la loi, tout comme le trafic de drogues. Or, avec cette épée de Damoclès fonçant droit vers la planète bleue, les peines de prison de quelques mois deviennent des condamnations à vie. Ce qui en fait réfléchir plus d’un, et évite que tout ne s’écroule définitivement.
C’est là l’intérêt principal de Dernier meurtre avant fin du monde, la réflexion que le roman développe sur les conséquences d’une catastrophe annoncée sur nos comportements, individuels et collectifs. Pour le reste… Plus on tourne les pages, plus le lecteur se demande lui aussi « A quoi bon ? ». Le personnage principal, lisse et agaçant à force d’objectivité (un collègue lui demande s’il ne vient pas d’une autre planète, on comprend vite pourquoi), semble vivre hors du monde tant il paraît imperméable aux événements – on est presque surpris quand il tombe amoureux. Bref, la mayonnaise ne prend pas, et l’intrigue, tout juste correcte, peine à maintenir l’intérêt. À vrai dire, on en vient à se féliciter de la brièveté (relative) du texte, qui se lit malgré tout assez vite. De là à attendre avec impatience la sortie du deuxième volume de cette trilogie dont le dernier tome est paru aux États-Unis en juillet dernier, il y a un pas, peut-être même deux…
Raphaël GAUDIN Première parution : 1/4/2015 Bifrost 78 Mise en ligne le : 17/5/2020