Boualem SANSAL Première parution : Paris, France : Gallimard, 20 août 2015
GALLIMARD
(Paris, France), coll. La Blanche Dépôt légal : décembre 2015, Achevé d'imprimer : 30 décembre 2015 Roman, 288 pages, catégorie / prix : 19,50 € ISBN : 978-2-07-014993-3 Format : 14,5 x 20,4 cm Genre : Science-Fiction
L’Abistan, immense empire, tire son nom du prophète Abi, « délégué » de Yölah sur terre. Son système est fondé sur l’amnésie et la soumission au dieu unique. Toute pensée personnelle est bannie, un système de surveillance omniprésent permet de connaître les idées et les actes déviants. Officiellement, le peuple unanime vit dans le bonheur de la foi sans questions.
Le personnage central, Ati, met en doute les certitudes imposées. Il se lance dans une enquête sur l’existence d’un peuple de renégats, qui vit dans des ghettos, sans le recours de la religion...
Boualem Sansal s’est imposé comme une des voix majeures de la littérature contemporaine. Au fil d’un récit débridé, plein d’innocence goguenarde, d’inventions cocasses ou inquiétantes, il s’inscrit dans la filiation d’Orwell pour brocarder les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.
Né en 1949, Boualem Sansal vit à Boummerdès, près d'Alger. Son œuvre a été récompensée par de nombreux et prestigieux prix littéraires, en France et à l'étranger.
Ex-æquo avec Hédi Kaddour mais Grand Prix du Roman de l’Académie française 2015 quand même, pardonnez du peu, 2084 – La Fin du monde est resté un moment dans les tuyaux pour épingler le prix Goncourt, ce qui lui aurait permis, comme chacun le sait, de devenir le presse-papiers tendance de l’année 2016. Raté.
Néanmoins, cette parution et le vent qui se fait autour permettent, une nouvelle fois, d’apprécier la déchéance du SPLIF. SPLIF ? Le Super Paysage LIttéraire Français, voyons ! Celui où l’on a définitivement rangé les vrais penseurs (Deleuze, Foucault, Bourdieu) dans la naphtaline pour célébrer de vulgaires commentateurs d’actualité le samedi soir en seconde partie de programme, sans parler de la troisième… Le SPLIF, qui refuse le statut de vraie littérature à la science-fiction dans laquelle se cachent pourtant d’autres vrais penseurs (pensée pour Ayerdhal, qui va bien nous manquer)… Le SPLIF, où l’on voit émerger, tout à coup, comme l’idée d’une suite au bouquin d’Orwell par un auteur algérien de langue française fustigeant (encore un peu de novlangue, Madame la Baronne ?) les excès de foi auxquels on assiste dans le Monde Arabe.
« (…) il fallait tout renommer, tout réécrire de sorte que la vie nouvelle ne soit d’aucune manière entachée par l’Histoire passée désormais caduque, effacée comme n’ayant jamais existé. »
Boualem Sansal – 2084 – La Fin du monde
Alors que le lecteur s’attend à lire une dystopie dans la lignée de 1984, il se fait balader dans un conte affreusement voltairien où tous les noms ont été changés, mais dont le manque cruel de dialogues accentue le côté anxiogène. Orwell n’est ici utilisé que comme une structure formelle, un canevas prêt à l’emploi où l’idéologie religieuse emprunte les habits du totalitarisme avec un talent certain mais sans surprise aucune. Aux deux tiers du bouquin, on a très envie de crier : « Mais je le savais déjà, tout ça ! » et, surtout, de passer à autre chose tant Boualem Sansal apporte peu de choses au concept original d’Orwell. On est en effet en droit de se demander à qui s’adresse ce (petit) pâté indigeste, tant son côté didactique et son manque profond d’originalité ne peuvent qu’agacer le lecteur d’anticipation qui finira à coup sûr par conclure que, finalement, la SF fait bien de se tenir en dehors du SPLIF. Relisez plutôt l’original, le 1984 d’Orwell dont on dit tout et n’importe quoi, ces derniers temps.
Grégory DRAKE Première parution : 1/1/2016 Bifrost 81 Mise en ligne le : 27/12/2022