Dan Simmons, maître en tous genres
L'auteur d'Hypérion s'essaie au drame (para)psychologique. Atterrissage réussi.
Le savoir-faire de Dan Simmons est redoutable. Quels que soient les genres auxquels il s 'attaque, son talent en intègre aussitôt toutes les lois, thèmes et ficelles. Cette exceptionnelle faculté de synthèse place chacun de ses livres au rayon des classiques. En science-fiction, l'on oubliera pas de sitôt Hypérion, prodigieux amalgame de mille pages, ou, dans un autre registre, L'échiquier du mal, un thriller fantastique à la Stephen King, à peine moins foisonnant.
Le blues de l'astronaute
Les larmes d'Icare et L'homme nu, ses deux derniers récits traduits en français, confirment la virtuosité du romancier américain. L'on y retrouve sa puissance d'évocation, sa clarté, ses nuances de psychologue scrupuleux. Mais aussi l'impression qu'il suit des traces connues.
Impossible, par exemple, de ne pas évoquer J. G. Ballard en lisant Les larmes d'Icare. Cette histoire de cosmonaute déprimé, qui incarne tous les rêves déçus par l'abandon des grands projets explorateurs de la NASA, fait inévitablement songer à Souvenirs de l'ère spatiale (1982) et autres fables nostalgiques de l'écrivain britanique. Au lyrisme post-atomique de Ballard, Simmons prèfère cependant la narration réaliste. Car son livre n'est pas une anticipation, mais une fiction contemporaine et intimiste. L'on s'émeut volontiers des errances existentielles de son héros arraché du ciel et qui peine à retrouver une place parmi les siens : un fils tombé sous la coupe d'un gourou, d'anciens compagnons de vol aussi désemparés que lui, une jeune et patiente amie dont il ne sait accepter la terrestre complicité. Ce roman désillusionné aurait pu tourner à la complainte ; Dan Simmons en a fait une quête d'identité passionnante.
La solitude du télépathe
Autre voyage initiatique, L'homme nu renoue avec la science-fiction. Ici, c'est avec L'oreille interne (1972), de Robert Silverberg, que la comparaison s'impose. Vingt ans après son aîné et avec une égale sensibilité, Simmons dit l'angoisse d'un télépathe, unique prodige dans la foule des humains normaux. Incapable de se soustraire au terrible bruit de fond que composent toutes les pensées humaines, le héros fuit vers une impossible solitude.
C'est moins l'originalité de Dan Simmons que son efficacité qui impressione le lecteur. Son imaginaire est riche de trop d'influences pour que s'en dégage lisiblement sa propre créativité. Vite propulsé parmi les auteurs à succès, il se maintient sur le podium en produisant à volonté de nouveaux best-sellers qui se dévorent d'une traite. Malgré leur goût de déjà lu.