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Conséquences d'une disparition

Christopher PRIEST

Titre original : An American Story, 2018
Première parution : Londres, Royaume-Uni : Gollancz, 6 septembre 2018   ISFDB
Traduction de Jacques COLLIN
Illustration de Aurélien POLICE

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 679 suivant dans la collection
Date de parution : 7 octobre 2021

Réédition
Roman, 432 pages, catégorie / prix : 8,60 €
ISBN : 978-2-07-290331-1
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture

[texte de présentation sur le site de l'éditeur]

2000. Ben Matson noue une relation passionnée avec Lilian Viklund. Il ne le sait pas encore mais, dans moins d’un an, la jeune femme aura disparu. Plus de vingt ans après, le décès de Kyril Tatarov, un scientifique de renom que Matson a jadis interviewé, fait la une des journaux, alors que les débris de ce qui ressemble à un avion sont retrouvés dans l’Atlantique, à une centaine de miles des côtes américaines. Ces deux événements, a priori sans rapport, replongent inexorablement Ben dans les souvenirs de son histoire avec Lil. Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre la disparition de la jeune femme, celle de Tatarov et celle d’un avion inconnu ? Et le monde que nous connaissons serait-il en train d’en subir les conséquences ?

Christopher Priest entremême avec brio les différents fils de son histoire et l'Histoire. Conséquences d'une disparition propose une perspective nouvelle sur un événement récent et marquant de l'histoire contemporaine : les attentats du 11 septembre 2001.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition DENOËL, Lunes d'Encre (2018)

Ben Matson, un journaliste scientifique anglais vit tranquillement en famille dans l’île écossaise de Bute. Mais sa vie a été marquée par un drame : Lil, son précédent amour, qui travaillait dans le milieu littéraire new-yorkais, a disparu le 11 septembre 2001 dans l’avion qui s’est écrasé sur le pentagone. Cette disparition n’est pas sans contradiction : elle était en cours de divorce d’avec Martin Viklund, un membre haut placé du ministère de la défense, lequel nie l’existence de cette procédure de divorce et affirme que Lil travaillait de temps en temps avec lui pour le gouvernement. Et différents événements de sa vie ramènent Ben au 11 septembre : son beau-père, avocat d’un consortium d’assureurs, est mort d’une crise cardiaque la veille d’une réunion à Washington alors qu’il défendait des familles de victimes. Un scientifique américain que Ben avait interviewé, Kyril Tatarov, le convoque pour un nouvel entretien dans une base militaire américaine en Ecosse, entretien secret au cours duquel Tatarov lui parle de Lil, de Viklund et du 11/9, qui serait en relation avec ses recherches. Enfin, l’épave d’un avion est remonté de l’Atlantique, sur la côte est des Etats-Unis, mais rapidement les journalistes sont écartés et le gouvernement annonce que c’est un bateau de la deuxième guerre mondiale.

Après trois romans plus ou moins liés à l’Archipel du Rêve, Christopher Priest change radicalement de sujet en s’attaquant à l’histoire proche : les attaques du 11 septembre et les contradictions des versions officielles. Mais comme le dit l’auteur dans la postface : « Conséquences d’une disparition est évidemment une fiction, un roman. Il ne s’agit pas de journalisme d’investigation. Néanmoins, le narrateur est un journaliste, et il enquête. Les opinions de Ben Matson ne sont pas nécessairement les miennes, mais nous avons en grande partie fait les mêmes recherches ». Nous sommes donc loin des romans putassiers qui utilisent les théories complotistes les plus absurdes ou d’une paranoïa généralisée à la X Files. Pour explorer cette attaque terroriste, Le romancier utilise plutôt le registre de l’intime : cette histoire d’amour brisée qui continue de hanter Ben, ces relations humaines, personnelles ou professionnelles, qui le ramènent aux différents aspects de l’attentat, ces contradictions qu’il perçoit, ces manquements qu’il ne s’explique pas (Mais pourquoi Lil ne lui a pas envoyé de message lorsque l’avion a été détourné alors qu’elle disposait de portables ?) et qui le font douter de la version officielle. 


A cette mise en place minutieuse autour du 11 septembre s’ajoute évidemment une touche typiquement Priestienne : un jeu fin avec la réalité, une interrogation lancinante sur la fiabilité des personnages et des événements. C’est amené suffisamment discrètement pour qu’un lecteur méconnaissant le genre passe à côté, mais pour les amateurs de l’écrivain c’est un plaisir supplémentaire. Conséquences d’une disparition ne parle pas que de la disparition évidente (et suggérée par la couverture) des deux tours, mais aussi de celles d’un amour, de la mémoire, de la vérité et leur remplacement par une nouvelle réalité issue de diverses manipulations et altérations. Comme souvent avec Priest, on ressort avec plus d’interrogations et de questions qu’avant la lecture, on se demande si l’on a bien compris où l’auteur voulait nous emmener, s’il voulait vraiment nous emmener quelque part, et on a envie de relire le roman pour y trouver quelque chose qui aurait pu nous échapper. C’est aussi cela le plaisir de lire un auteur hors-normes, et c’est ce qui fait de chaque roman de Christopher Priest une expérience unique.

René-Marc DOLHEN
Première parution : 6/9/2018
nooSFere


Edition DENOËL, Lunes d'Encre (2019)

 Tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le 11 septembre 2001, lors de l’effondrement des deux tours. Mais de quoi se souvient-on exactement ? Moins des évènements que de sa propre histoire intimement mêlée.
 Ben Matson a perdu dans le drame celle dont il était amoureux : Lilian se trouvait dans l’avion qui s’est écrasé au Pentagone. Elle était sur le point de divorcer de Martin Viklund, éminent représentant du département de la Défense. Sauf qu’elle n’émarge pas dans la liste officielle des passagers et que son mari lui avait demandé de ne pas prendre l’avion — mais elle avait appelé son amant au moment d’embarquer. Cependant, elle avait aussi tu d’autres détails qu’elle n’avait pas jugé utile de révéler ou qu’elle désirait volontairement cacher. À la même époque, Ben, en tant que journaliste scientifique, avait interviewé Kyril Tatarov, un célèbre mathématicien d’origine russe, à l’Hydro, un hôtel thérapeutique devenu une ambassade américaine. Tatarov devait mystérieusement disparaître en 2006, puis réapparaître sans jamais révéler ce qu’il s’était passé, laissant courir les rumeurs à son sujet. L’une d’elles, romantique, est devenue un film que Ben, qui avait promis de garder le silence sur les vraies raisons, a scénarisé pour des raisons financières. Mensonges, dissimulations, chacun compose ses petits arrangements avec la vérité.
 Vingt ans plus tard, marié et père de deux enfants, Ben, longtemps traqueur obsessionnel des zones d’ombre du 11 septembre et de la personnalité trouble de Viklund, apprend qu’on a repêché en mer un avion qui pourrait être celui que Lilian a emprunté, annonce vite qualifiée de méprise, les restes étant soi-disant ceux d’un sous-marin. Il n’en faut pas davantage pour que le passé revienne, tel un boomerang, à son esprit. D’autant que d’autres déclarations le troublent, comme celle de sa belle-mère, à la mémoire chancelante, qui se souvient, dans un éclair de lucidité, avoir accompagné son futur gendre à l’Hydro en compagnie de Lilian. Une impossibilité manifeste, car Ben ne la connaissait pas encore. Une fois de plus, la réalité se délite devant l’accumulation de détails contradictoires.
 Quand Christopher Priest s’attaque au 11 septembre, c’est moins comme enquêteur que comme comptable des distorsions du réel engendrées par l’onde de choc. L’examen attentif des faits révèle des zones d’ombre qui font douter de la version officielle même ceux qui rejettent les théories du complot. Priest démontre que quiconque entreprend de faire le tri dans une telle masse d’infor-mations bascule dans un trou noir informationnel qui empêche à jamais la restitution de la vérité. « La mémoire est notre seule réalité » affirme celle qui, justement, a les souvenirs qui se brouillent.
 En mêlant l’histoire intime à celle d’un événement au retentissement planétaire, l’auteur donne à voir la fragilité du réel, davantage tributaire des interprétations que des faits bruts. Pis : la traque de la vérité achève de brouiller la réalité, raison pour laquelle les chapitres, loin de figer les évènements avec précision, déclinent un présent sans date, « En ce temps-ci », et un passé enchâssé dans de vagues « En ces temps-là » suivis de deux années faisant office de fourchette temporelle, un flou volontaire, analogue à l’esprit des mathématiciens, qui accordent davantage d’importance à la beauté ou à l’élégance d’un théorème qu’à son exactitude. C’est la raison pour laquelle l’histoire croise la trajectoire de Tatarov, dont le travail consistait à traduire en algorithme un théorème voulant que « si une situation peut être considérée comme réelle, alors elle aura des conséquences réelles ».
 Chacun « donne aux opinions leur propre dynamique » à partir de l’interprétation qu’il en fait : c’est ce que démontre le présent roman de façon subtile, à la progression mesurée, presque nonchalante, jusqu’à se faire glaçante en fin de récit. Le diable est dans les détails, et une fois de plus, Christopher Priest démolit nos certitudes au terme d’une enquête implacable. On trouvera en filigrane une critique des réseaux sociaux, lesquels, dans la confusion entre éducation et information déjà dénoncée par Platon, ont pour conséquence de donner « le pouvoir à ceux qui n’avaient pas la sagesse de diriger ». Comment ne pas entendre non plus un écho de l’actualité dans ce récit partiellement autobiographique, Priest ayant déménagé sur les lieux qu’il décrit pour fuir les conséquences du Brexit ? Dans un monde où les simulacres et les faux-semblants ne cessent de se multiplier, la lecture de Christopher Priest, acharné à décoller les bords disjoints du réel, est plus que jamais salutaire.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/1/2019
Bifrost 93
Mise en ligne le : 4/7/2023

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