Je suis trans'. J'ai visité une quantité de planètes, et j'ai vu bon nombre de saloperies. Mais rien de comparable. Ça tenait de l'araignée, tout en pattes à crochets, du homard pour la cuirasse, et du taureau par la taille. Ça avait des yeux, huit en tout, qui s'agitaient au bout d'un fouillis de tiges. Et dans la gueule, deux crocs qui jutaient un liquide épais et verdâtre. Un vrai monstre de science-fiction, digne de ces vieux magazines qu'on peut consulter dans les biblio-musées.
Avec ce roman (le premier d'une carrière ténue commencée en 1956 dans Fiction, puis interrompue assez brutalement vers 1963), Julia Verlanger revient sur scène en femme qui, ignorant délibérément la montée des littératures féminines et féministes, ne se place pas dans le sillage de Bradley, Merrill ou Sargent, mais de Moore ou de Brackett : son cadre est délibérément rétro (du space-opera entrelardé d'heroic-fantasy) et surtout son héros, Gyall, qui se raconte a la première personne (O identification !), est un mâle hardi et musculeux qui n'a rien à envier a Northwest Smith ou Eric John Stark, et fait montre (mais sans doute l'auteur parle-t-il par sa bouche) d'un mépris incommensurable envers les « pédés » et autres « tantouses »... S'il est vrai que Verlanger n'a pas envie de dire sur aujourd'hui, ce qu'elle régurgite d'hier est assemblé avec un talent certain. Le passage, par son héros et sa patronne-maitresse des « portes sans retour » (installées par qui ? dieux ou grands galactiques, on ne sait trop, et la fin, un peu rapidement amenée, reste volontairement floue, ménageant peut-être une suite...) est l'occasion pour l'auteur d'enchainer une série de nouvelles (la tyrannie d'un proche futur, le passé mythique et barbare, les « pirates de l'espace », le zoo humain) qui toutes lui permettent de brosser, avec conviction et un grand bonheur visuel, des décors archétypaux. Avec ce plaisant mais mineur livre d'aventures, la collection Masque-Fantastique se démasque une fois de plus : où est le fantastique annoncé ?