Dix ans... Dix ans que l'Orejona avait quitté la Terre, emportant dans ses flancs des milliers de femmes et d'hommes. Pas des astronautes, mais de simples passagers, exilés volontaires, auxquels on avait promis une nouvelle vie et qui commençaient à trouver le temps long. A bout d'espoir, certains se suicidaient. D'autres parlaient de mutinerie. Et tous étaient déterminés à faire halte sur la première planète venue, fût-elle hostile. Le commandant Pasternov, lui, refusait de les conduire à la mort, mais comment faire entendre la voix de la raison sur la nef des fous ?
Imaginez dix mille personnes, entassées depuis dix ans à bord d'un vaisseau spatial, l'Orejona. Pleines d'espoir, elles ont quitté la Terre à la recherche d'une planète habitable, mais peu à peu la dépression s'est installée malgré les efforts de Nadia McIntosh, la psychologue, et de Carol Pasternov, le comandant. Les suicides se multiplient. Pourtant l'espoir va enfin resurgir avec la découverte d'une planète. Mais celle-ci est-elle vraiment accueillante ? Ne ferait-on pas mieux de repartir dans l'espace, plutôt que de s'installer sur cette terre étrange ?
Une planète pour Copponi n'est pas vraiment un roman d'aventures, malgré les apparences. Pierre Gévart pose la question de savoir comment réagiraient des hommes et des femmes, subitement confrontés à une situation extraordinaire après dix ans d'enfermement. C'est un roman psychologique étonnant, où l'on retrouve certaines des passions de l'auteur, comme la géologie et surtout la politique. On regrette un peu de ne pas pouvoir explorer davantage la planète, de ne pas en savoir plus sur le sable mystérieux qui la recouvre, mais l'accent est mis sur la population de l'Orejona et l'intérêt du roman n'en est pas moins grand. L'intrigue est prenante et les personnages hauts en couleurs, bien que certains ne soient que sommairement esquissés.
La nouvelle qui accompagne Une planète pour Copponi est signée Claude Ecken. Un monde partagé nous ramène sur notre Terre de manière abrupte. Parce qu'il s'est fait voler son certificat d'identité, Brass perd brutalement tous ses droits, y compris celui de manger, boire et se faire soigner. Il tentera d'obliger Franck Grellène à l'héberger, à appeler un médecin, mais la domotique de l'appartement de celui-ci s'y oppose car Brass est « couvert de germes ». Un monde partagé est un texte percutant, construit comme une pièce de théâtre, avec des dialogues rapides et profonds. Une dénonciation du sort des SDF, par l'un des meilleurs nouvellistes français de SF.
À moins d'ignorer toute compassion, on ne sort pas indemne de la lecture de ce livre. Le roman et la nouvelle, chacun à sa façon, mettent le lecteur en face de sa propre condition d'être humain, avec tout ce qu'elle comporte d'égoïsme et de bassesse. Même si la leçon est rude, c'est le genre de livres qu'on aimerait lire plus souvent.
Lucie CHENU Première parution : 21/12/2006 nooSFere