William Hope HODGSON Titre original : The Boats of the "Glen Carrig", 1907 Première parution : Angleterre, Londres : Chapman & Hall, octobre 1907ISFDB Traduction de Jacques PARSONS
EURÉDIF
(Saint-Pierre les Nemours, France), coll. Playboy n° 15 Dépôt légal : 2ème trimestre 1984 Roman, 192 pages, catégorie / prix : 19,50 FF ISBN : 2-7167-1157-7 Format : 11,5 x 18,0 cm✅ Genre : Fantastique
Publié en édition club, en même temps que les pirates fantômes et la maison au bord du monde, aujourd'hui réédités, Les canots du « Glen Carrig » était devenu introuvable. Après la réédition de La chose dans les algues (même collection), voici donc enfin complétée la collection en français des oeuvres principales du grand auteur fantastique anglais.
Une nouvelle fois, la mer est omniprésente avec son cortège d'horreurs et de monstruosités surnaturelles. Et, comme toujours chez Hodgson, elle est génératrice de l'épouvante tapie dans les algues, au centre de cette Mer des Sargasses, lieu géométrique de toutes les terreurs, labyrinthe mi-solide, mi-liquide duquel tout peut surgir.
[critique commune de 3 publications des Nouvelles Editions Oswald]
On a déjà présenté cette nouvelle collection, qui touche au Fantastique, à la SF, à l'Aventure et qu'illustre J.M. Nicollet. Voici deux réimpressions et un inédit, qui marquent que le fantastique poursuit sa reconquête de notre univers.
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Les canots du Glen Carrig, fut publié en 1971 au CLA avec La maison au bord du Monde et les pirates fantômes. Dans la lignée de La chose dans les algues republié chez Neo. Une mer/monde, dont les composantes proviennent de Stevenson et annoncent Lovecraft (la couverture de Nicollet est particulièrement en accord avec le type d'horreur proposée). Des monstres ( ?) en tout cas « d'étranges habitants » hantent ces pages. La fascination du lecteur se situe en contre point du désir de fuite éperdue qui saisit les héros.
Les rescapés d'un naufrage abordent un rivage où une « chose » monstrueuse et des arbres carnivores les obligent à fuir, puis une île perdue au milieu d'une mer d'algues — que l'on suppose être la fameuse Mer des Sargasses. Des crabes géants, des pieuvres monstrueuses et d'effroyables humanoïdes aux faux-airs de poulpe leur mènent la vie dure...
Le rappel biographique de la préface de Brian Stableford et la bibliographie sont très utiles pour resituer la place des Canots du Glen Carrig dans l'œuvre et la vie de William Hope Hodgson. Ce premier roman publié fut en réalité écrit après Le Pays de la nuit — son vrai premier roman — , La Maison au bord du monde et même Les Pirates fantômes. En effet, Hodgson connaissait bien la mer, pour s'être fait embaucher comme mousse dès l'âge de quatorze ans et être resté dans la marine marchande pendant huit années. Selon Stableford, « la cruauté du quotidien des marins [...] le choqua profondément. Les cauchemars dont il devait souffrir en conséquence ne le quittèrent jamais. » A son retour définitif sur la terre ferme, Hodgson se mit ainsi à écrire des récits d'horreur maritime pour les pulps, des histoires adaptées « aux attentes formatées directeurs de magazines de l'époque », censées refléter celles du lectorat. C'est pourquoi il lui fut plus facile de faire publier Les Canots du Glen Carrig, au ton plus conforme à ses écrits habituels, que ses précédents manuscrits, beaucoup plus ambitieux, plus « visionnaires », mais également plus difficiles d'accès.
L'horreur des Canots est plus terre-à-terre — mer-à-mer serait plus exact — que l'horreur « cosmique » éprouvée dans Le Pays de la nuit ou dans La Maison au bord du monde. Pourtant, comme au cours de ces deux autres voyages, l'homme ne se heurte pas à une volonté maléfique, à une malédiction divine ou démoniaque. Si la faune et la flore sont monstrueuses et hostiles, c'est que l'homme n'est tout simplement pas à sa place en ce lieu. Il n'est rien d'autre qu'une proie parmi d'autres dans un univers sauvage et dangereux mais vide de dessein et de sens.
Pour être moins ambitieux, Les Canots du Glen Carrig n'en est pas moins un ouvrage au suspense très efficace, qui se lit d'une traite, notamment dans sa version française où la traduction allège le style volontairement archaïsant et parfois jugé maladroit de l'auteur — comme le souligne également la préface. Pour le lecteur français, seule la construction de l'intrigue peut paraître curieuse : le premier épisode, qui raconte dans les quatre premiers chapitres l'arrivée sur un premier rivage, semble inachevé et sans grand rapport avec la suite qui se déroule au sein de la mer d'algues. En revanche, les chapitres suivants font preuve d'une grande unité, alors même que l'intrigue glisse progressivement de l'horrifique pur vers une robinsonnade où les naufragés doivent déployer des trésors d'ingéniosité pour secourir d'autres rescapés prisonniers d'un navire retenu depuis sept ans par les algues.
Ainsi, fort de son expérience en « horreurs maritimes » acquise grâce à ses publications en pulps, Hodgson fait de ce roman un modèle incontournable du genre : un classique.