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La Fontaine pétrifiante

Christopher PRIEST

Titre original : The Affirmation, 1981
Première parution : Faber and Faber, 25 mai 1981   ISFDB
Cycle : L'Archipel du rêve vol. 1 

Traduction de Jacques CHAMBON
Illustration de Wojtek SIUDMAK

POCKET (Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy précédent dans la collection n° 5346 suivant dans la collection
Dépôt légal : mars 1990
Roman, 288 pages, catégorie / prix : 7
ISBN : 2-266-03169-4
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
Un cottage isolé dans la campagne anglaise. Un jeune écrivain, Peter Sinclair, qui cherche à reconquérir son équilibre gravement ébranlé. Une solution : écrire. Raconter sa vie, pour voir clair en lui-même.
Mais l'écriture se met à dériver toute seule. Peter Sinclair se retrouve en train d'écrire une fiction. Pour chercher sa vérité intérieure ? Pas seulement ; car la fiction vient parasiter la réalité. L'Angleterre autour de lui, plongée dans une apocalypse lente, vainement accrochée aux bouées crevées de ses valeurs, s'efface peu à peu devant un autre univers avec sa Mer Centrale, sa cité de Jethra et son Archipel du Rêve, ce foisonnement d'îles exotiques – dont Collago, où la Loterie offre aux heureux gagnants l'accès à l'immortalité...
Roman sur l'acte d'écrire, journal d'un fou, transposition du mythe d'Orphée et d'Eurydice, rêverie poétique sur l'eau et la terre, méditation sur la mémoire et la mort, La fontaine pétrifiante fait irrésistiblement penser à Jorge Luis Borges.

Christopher Priest a été révélé par un extraordinaire roman, Le monde inverti, que beaucoup d'amateurs tiennent pour un sommet du genre. Avec Futur intérieur, il nous offre un nouveau voyage à travers les incertitudes du réel et, de nouveau, une extraordinaire performance d'écriture.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition GALLIMARD, Folio SF (2003)

     Avec La Fontaine pétrifiante, adaptation commerciale du titre original L'Affirmation (détail qui a plus d'importance qu'il n'y paraît, nous y reviendrons), Christopher Priest annonçait un tournant littéraire qui s'est depuis confirmé de livre en livre. Non que Le Monde inverti ou Futur intérieur, ses précédents romans, soient conventionnels ! Mais Priest inscrivait encore ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, même si le classicisme apparent de sa science-fiction ne trompait que les lecteurs distraits...
     Dans ce roman, cependant, Priest s'intéresse de moins en moins à ce qu'on appellera, pour dire vite, la quincaillerie du genre. Ses nouvelles, en particulier les splendides récits de L'Archipel du rêve, annonçaient déjà ce choix d'une SF littéraire, cultivée, au style impeccable (on saluera à cette occasion le travail de Jacques Chambon, remarquable traducteur, très sensible au ton de l'œuvre de Priest).
     Soulignons-le : il y a bien longtemps que L'Affirmation (ou La Fontaine...) était en gestation : Priest faisait déjà dire à l'un des personnages de La Négation (nous y voilà !), l'une des nouvelles de L'Archipel du rêve : « Il caressait l'espoir d'écrire, et d'écrire probablement un livre dans le genre de L'Affirmation ». Cet aveu, glissé au sein d'une fiction, produit des années après une autre fiction qui offre, en retour, une lecture différente des récits antérieurs. Comment mieux souligner qu'on est confronté à un authentique projet et à des univers aux résonances multiples ?
     La Fontaine pétrifiante, qui se présente dans les premiers chapitres comme la biographie de Peter Sinclair, Londonien de la fin des années 70, devient récit de science-fiction lorsque Sinclair gagne à la « loterie Collago ». Un prix incroyable dans cette société en crise, marquée par une guerre qu'on devine avoir été cruelle : l'immortalité ! Sinclair doit donc se rendre dans l'archipel du rêve, dans l'île de Collago, pour y recevoir son traitement... Une occasion de rompre avec son passé ?
     Peu à peu, les récits, qu'on suppose être l'un le réel et l'autre la fiction, s'interpénétrent et se parasitent à un point tel qu'on en vient à douter de cette interprétation facile. Les points de repère perdent progressivement de leur évidence et le lecteur, d'abord déstabilisé puis envoûté, erre d'une vérité possible à l'autre, là où il n'y a sans doute que fausses pistes et faux-semblants. Les personnages de la fiction, des projections métaphoriques du réel selon l'auteur (qui met à l'évidence beaucoup de lui-même dans ce roman aux forts accents autobiographiques), prennent peu à peu autant de crédibilité, d'épaisseur, que leur modèle. Bientôt le trouble envahira toute l'œuvre.
     La Fontaine pétrifiante, loin de n'être qu'un (remarquable) exercice de style, est une interrogation sur la mémoire et sur l'écriture elle-même, sur leur interdépendance. Le réel et la fiction entretiennent ici de bien étranges rapports, car, comme Priest le rappelle, il « entre dans l'essence de toute prose d'être une forme d'imposture. »
     Ce roman laissera sans doute de marbre les lecteurs totalement réfractaires à la (bonne) littérature générale et aux récits au rythme lent. Tant pis pour eux ! La Fontaine pétrifiante est un livre exceptionnel et Christopher Priest un authentique écrivain que la science-fiction peut s'enorgueillir de compter dans ses rangs.

Stéphanie NICOT (lui écrire)
Première parution : 1/6/2003
dans Galaxies 29
Mise en ligne le : 21/1/2007


Edition CALMANN-LÉVY, Dimensions SF (2001)

     Nous sommes à la fin des années 70. La Grande-Bretagne, confrontée à l'échec de son système social, amorce une régression que Peter Sinclair, l'anti-héros de La Fontaine pétrifiante, vit au quotidien. Il a perdu son emploi et il sait qu'il sera bientôt mis à la porte de son appartement, sans espoir de trouver une nouvelle location. On comprend à des allusions voilées qu'il vient de traverser une crise sentimentale au terme de laquelle son ex-compagne a tenté de se suicider. C'est alors qu'il rencontre un ami de son père, qui lui confie les clefs de sa résidence secondaire, en échange de quelques travaux de rénovation.

     Sinclair se retrouve donc seul, isolé au fin fond de la campagne anglaise dans cette maison trop vaste, où il va rapidement définir les limites de son territoire. Loin de le stabiliser, cette situation nouvelle lui offre l'occasion de donner libre cours à ses continuelles ratiocinations et auto-analyses pessimistes. Bientôt, il ressent le besoin impérieux de coucher son histoire sur le papier. Après quelques tentatives infructueuses, il décide d'adopter la forme d'une fiction. C'est alors qu'émerge de son imagination l'univers des Iles, déjà utilisé par Priest dans un recueil de nouvelles, L'Archipel de rêve. Etrange mélange de SF et d'exotisme traditionnel, transposition onirique du quotidien, ce monde prend une consistance étonnante en plein cœur de l'environnement anglais contemporain.

     L'arrivée de sa sœur va provisoirement arracher Sinclair à son univers fantasmatique. L'aide familiale lui offre alors une possibilité de réinsertion sociale. Poussé par sa parente, il renoue même avec son ancienne amie. Louable intention, mais funeste erreur  : la réunion des ingrédients qui ont conduit à la première crise ne peut que produire le même tragique résultat. De toute façon, pour Sinclair, il est trop tard  : monolithique, incapable d'infléchir son mode de raisonnement névrotique, il s'enfonce de plus en plus dans son univers schizoïde, sans espoir de retour. La fontaine pétrifiante, curiosité naturelle de son monde fantasmatique, où les objets quotidiens se couvrent de calcaire, est la métaphore même de cette cristallisation irréversible de son esprit.

     La psychologie de Sinclair, vue de l'intérieur, est très finement suggérée. Le ton est juste, l'univers angoissant de la névrose est restitué avec un réalisme à la limite du supportable. Jamais on ne ressent de compassion pour ce personnage froid, destructeur, absorbé par lui-même comme par un gouffre, que ses tendances schizoïdes transforment peu à peu en étranger universel.

     Le récit se déroule dans les deux « réalités  » où évolue le personnage, mais une construction particulièrement rigoureuse permet au lecteur de ne jamais perdre le fil de l'action. Le propos est lacunaire  : Sinclair n'explique et ne décrit que ce qu'il veut (ou que ce qu'il perçoit)  ; cependant on devine très vite que sa vision du monde diverge sensiblement de celle des autres témoins de son histoire  ; les pistes et les éléments d'interprétation, habilement distillés par l'auteur, nous donnent la possibilité de reconstituer progressivement le véritable drame qui se joue au fil des pages, jusqu'à la conclusion, faussement ouverte.

     La Fontaine pétrifiante est de loin la meilleure oeuvre de Christopher Priest. merveilleusement servie de surcroît par la traduction de Jacques Chambon. Quoique d'une approche difficile, c'est un grand roman, qui comblera les amateurs de SF autant que de littérature générale.

Robert BELMAS (lui écrire)
Première parution : 2/8/2001
nooSFere


Edition CALMANN-LÉVY, Dimensions SF (1982)

     Au terme d'une série d'épreuves psychologiques et familiales difficiles à supporter. Peter Sinclair éprouve le besoin de quitter Londres pour se retirer dans un cottage isolé ; là, il entreprend de rédiger son autobiographie pour se retrouver lui-même. Mais le résultat le déçoit. Peu à peu, il s'éloigne du récit objectif et transpose les scènes, les situations, les personnages. L'autobiographie se transforme en fiction codée. Londres devient Jethra, le monde devient l'Archipel du Rêve. Cet univers analogique ne se contente pas, cependant, d'une existence de papier, mais déborde bientôt du manuscrit pour se mêler au réel. Peter Sinclair oscille entre deux mondes qui déteignent l'un sur l'autre, et le roman de Priest lui-même se redouble en un incessant jeu de miroirs.
     Curieusement, Peter Sinclair se débrouille parfaitement pour évoluer dans ce chaos structuré ; les deux univers, après tout, sont son espace intérieur familier. Il s'ensuit que La fontaine pétrifiante, en dépit de la double ligne de narration, paraît tout à fait linéaire. La technique d'écriture n'est pas déconcertante mais fascinante : le lecteur s'enfonce dans cette mise en abîme permanente, avec le sentiment d'atteindre le fond (ou le sommet) de ce dont la fiction est capable. Suivant les traces d'un Dick ou d'un Borges, Priest rend littéralement le récit indicible, et met en évidence ses mécanismes, ses présupposés et son efficace. On peut regretter que la traduction ne conserve pas le titre anglais (The affirmation), qui constitue un autre jeu de miroirs en rapport avec la nouvelle La négation 1, et met à son tour en abîme le livre même en tant qu' « œuvre de Christopher Priest. » Au total, un roman plus romanesque que nature, incomparablement puissant et captivant, certainement le meilleur Priest à ce jour.

Notes :

1. in L'archipel du rêve. coll. « Titres SF » (Lattes).

Emmanuel JOUANNE
Première parution : 1/1/1982
dans Fiction 325
Mise en ligne le : 5/1/2007

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