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Moi, un robot

Maurice LIMAT


Illustration de René BRANTONNE

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation précédent dans la collection n° 170 suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1960
Première édition
Roman, 186 pages, catégorie / prix : 2,50 NF
ISBN : néant
Format : 11,5 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction


Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Critiques

    Que ce soit sous son nom ou sous la signature Limel, Maurice Limat doit avoir signé quelques centaines de volumes : romans d'aventures, policiers, d'espionnage ou de SF, la plupart destinés à la jeunesse. Depuis quelque temps, il est devenu un des auteurs du Fleuve Noir, et voici le sixième ouvrage qu'il donne à cette collection. La lecture de ses romans laisse, en général, la même impression bizarre : mélange de satisfaction et de déception. Aucun n'est réussi, aucun n'est complètement manqué, et pas un n'est réellement indifférent. Voici un auteur qui, le plus souvent, se maintient juste un peu au-dessus du niveau des tâcherons de la SF… comme X et Y… alors qu'on s'attend toujours à le voir se hisser au niveau d'un Wul ou du Steiner de « Aux armes d'Ortog ». Mais chaque fois cette attente est déçue. Et cependant, l'auteur ne manque pas d'idées ; les propos qu'il prête à ses personnages, la couleur spiritualiste de ses récits, tout cela n'est point sot ; mais la forme reste lourde, empâtée, les descriptions restent sans éclat et sans mystère, l'écriture est souvent négligée, les idées, excellentes en soi, apparaissent banales, quand ce n'est pas vulgaires. Certains défauts sont sans doute dus au fait d'avoir écrit trop longtemps pour les jeunes, et presque uniquement pour eux ; mais Maurice Limât aurait avant tout besoin de consacrer plus longtemps à la rédaction de ses livres. 

    « Moi, un robot » confirme ce jugement. C'est toujours le vieux thème de la lutte entre l'homme et la machine, mais habilement renouvelé. Ici les robots se disent « les Hommes, les Fils du Dieu du Cosmos ». Les hommes se croient des robots, de simples mécaniques créées pour soulager le travail de leurs maîtres. Parfois des hommes se révoltent, mais ne vont pas au-delà de cette révolte. Andrès, le héros, ira seul au-delà. Il prendra conscience de sa nature d'être pensant, du fait qu'il est plus qu'une simple mécanique bien conditionnée. Comme tel, il sera réceptif à un appel venu de la Terre, montant d'un silence de mille siècles. Un homme du passé, veillé par une machine, réveillé de son hibernation, lui apprendra comment les hommes furent dépossédés par les machines. Non par la violence, mais par leur veulerie, par le refus de plus en plus marqué de se livrer aux tâches pénibles ou fatigantes. Avec l'assistance de son guide, en conjuguant les ressources de la science et de l'occultisme, Andrès libère les hommes en déchaînant les pluies qui corrodent et court-circuitent les mécaniques (une idée de Jean Painlevé dans le numéro spécial de « Vu », 1933). 

    Les hommes libérés prennent conscience de leur force, qui est le doute, et qui, au rebours de la certitude, permet seul l'évolution. Pourtant Ella, la compagne d'Andrès, contemplant côte à côte une carcasse de robot et un squelette humain, se demande ! où est la différence une fois que le temps a détruit les apparences extérieures.

    Fermant le livre, nous sommes non pas déçus mais secrètement frustrés. Nous imaginons le roman qui eût pu être écrit, que nous pressentons parfois, que la lourdeur de l'écriture n'a pas permis de dégorger. Ainsi du passage de la « Nébuleuse Pourpre », cet univers conscient voulant atteindre l'existence et se créer. Une fois encore nous avons l'impression de manier un médaillon à peine ébauché en cherchant à retrouver l'effigie parfaite. C'est là un regret que ne nous laissent pas un Jimmy Guieu ou un Richard-Bessières. Et comme tel, comme d'autres Fleuve Noir de ces derniers temps, « Moi, un robot », si décevant soit-il, dépasse « L'homme double », « Druso », pour ne rien dire des « Confluents » ou des « Faits d'Eiffel ».

Jacques VAN HERP
Première parution : 1/2/1961 dans Fiction 87
Mise en ligne le : 29/1/2025

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions, Super-luxe (1979)

 
     ET POUR QUELQUES SUPER LUXES DE PLUS

     En place pour un nouveau et rapide check-up de la collection Lendemains Retrouvés, le dernier datant déjà d'une dizaine de mois (Fiction 296 exactement, comme le temps passe !).
     Après un curieux début où il est question de planètes symétriques et qui n'est pas sans rappeler le méconnu film de Robert Parrish Danger : planète inconnue (Journey to the far side of the sun — 1969), Le rideau de Brume d'André Caroff s'enlise dans un space-opera totalement abracadabrant et dénué d'intérêt.
     Au suivant, comme dirait Brel ! Rééditer les romans de Maurice Limat est une plaisanterie de bien mauvais goût. Le carnaval du cosmos s'acharne — et parvient — à gâcher une idée (le vol de visages par des Non-Vivants) qui aurait pu donner quelque chose sous une plume moins détestable. Quant à Moi, un Robot il s'agit d'un ouvrage extrêmement déplaisant qui, à travers la révolte opposant les Humains à leurs maîtres Robots, est, en fait, un sinistre manifeste pour l'élimination de tout ce qui n'a pas d'« âme ». Sous couvert d'humanisme, bien entendu.
     A rééditer de telles nullités, la collection Lendemains Retrouvés ne se justifierait absolument pas... s'il n'y avait, heureusement, les autres, les Steiner, Suragne, Vandel, Thirion, Wul... Quoique pour Wul on arrive au bout du rouleau, Odyssée sous contrôle étant le dernier des cinq romans de l'auteur dont le Fleuve possède encore les droits 1. C'est aussi le dernier des onze romans écrits par Wul à la fin des années cinquante pour la collection Anticipation, une classique histoire d'espionnage interstellaire, distrayante sans plus et qu'un coup de théâtre final sauve de la grisaille.
     Wul nous quitte et Thirion arrive, non avec un inédit comme pourrait le faire penser la coquille du copyright (1979 au lieu de, 1971), mais avec la reprise d'un de ses meilleurs romans, Sterga la Noire. Le commodore Jord Maogan a disparu du côté de la planète-usine Sterga. Or celle-ci appartient au groupe industriel Mac Dewitt, troisième société mondiale qui produit à elle seule 30% du produit cosmique brut, trust stellaire que le génocide n'arrête pas et qui ne songe qu'à « exploiter les planètes jusqu'à l'os pour les quitter ensuite ». Parti à la recherche de Maogan, Stephan Drill devra faire face aux robots méduses de Sterga la Noire et à la féroce milice de Mac Dewitt, mais aussi affronter une extraordinaire réalité qui le mènera aux confins de la folie. Un solide space-opera politique aux intonations vanvogtiennes et une réédition qui, celle-là, s'imposait. A quand Ysée-A et Métrocéan 2031 ?
     Curieux Steiner que cette Menace d'Outre-Terre, récit rocambolesque et teinté de surréalisme où les individus, perdant une dimension, deviennent plats comme des limandes et où les Omégas, entités d'un univers parallèle, s'amusent à se métamorphoser continuellement. L'oreille de Kurt Dupont, alter ego de Steiner et futur collaborateur à Hara-Kiri (mensuel), pointait déjà sous le vernis pseudo-scientifique de rigueur à l'époque !
     Quittant les bouges de Targa la Maudite, Mal lergo le dernier des Phasiens, Fayol Rhaâ « la chose qui vit » et Phyrgom le Loksien se dirigent vers les montagnes d'Agur, là où sont cachées les fabuleuses richesses de Crayor. Mais cette course au trésor cache un terrifiant secret et l'expédition se terminera de tragique manière. Quelque peu marginal par rapport à la thématique habituelle de l'auteur, Mal lergo le dernier est un mineur mais très honnête Suragne, fertile en rebondissements.
     Jean-Gaston Vandel, on le sait, est le pseudonyme de Jean Libert et Gaston Vandenpanhuyse, deux vieux amis d'enfance nés à la même année (1913) à Bruxelles. Des Chevaliers de l'espace (1952-FNA n° 7) au Troisième Bocal (1956 — FNA n° 77), nos deux auteurs ont écrit vingt romans pour la collection Anticipation, puis se sont tournés vers l'espionnage, sous le nom de Paul Kenny. La réédition actuelle des œuvres de Jean-Gaston Vandel dans la collection Lendemains retrouvés 2 permet de redonner à cet auteur, tombé quelque peu dans l'oubli, l'importance qu'il mérite.
     L'humanité court à sa perte, telle est l'obsession de Vandel. Gangrenée par la guerre, la folie des hommes, le mauvais usage de la Science, elle risque de ne pas accéder au Troisième Age, celui des Lumières et de toutes les Félicités. Ne faisant pas confiance dans le peuple, Vandel fait appel aux extra-terrestres pour sauver la Terre (Les Ktongs des Titans de l'énergie, Avorus et les siens dans Incroyable Futur) ou à une « force occulte et élitaire » (Le satellite artificiel, suite des Chevaliers de l'espace). Dans son excellente et très longue étude sur l'auteur 3, Jean-Pierre Andrevon met en lumière les lignes de force du « désir » politique profond de Jean-Gaston Vandel :
     « — Les dictatures sont renversées, non par le peuple mais par une force d'avant-garde consciente de son élitisme ;
     — Les dictateurs sont remplacés par un autre chef absolu mais qui, lui, œuvre pour le bien ;
     — Le centralisme dictatorial est remplacé par le mondialisme ». Bref, toutes les caractéristiques d'un dangereux révisionnisme qui accepte d'asservir l'homme « pour son bien » et le confine dans ce qu'Ira Levin a appelé un « Bonheur insoutenable ». Mais, indispensablement replacé dans le contexte des space-opera bellicistes et impérialistes des Fleuve Noir de l'époque, cette recherche du « meilleur des mondes » possibles peut être assimilée à un touchant humanisme, « dont la naïveté est à la mesure de la grandeur » 4.
     Il faut redécouvrir Vandel.

Notes :

1. A savoir : Retour à O, La peur géante, L'orphelin de Perdide, Terminus 1 et Odyssée sous contrôle (Lendemains Retrouvés n°* 20, 26, 52, 44 et 61).
2. 8 titres sont déjà réédités : Territoire robot. Bureau de l'invisible, La foudre Anti-D, Les chevaliers de l'espace. Fuite dans l'inconnu. Les titans de l'énergie. Le satellite artificiel et Incroyable futur — (Lendemain* Retrouvé* n°* 12, 22, 28, 47, 53, 58, 65 et 70).
3. Jean-Gaston Vandel, écrivain progressiste » in Alerte ! 3.
4. Par contre, revendiqué en 1979, un tel révisionnisme est proprement inacceptable. C'est pourtant le propos de Doubi Epstein dans le récent les extra-terrrestres arrivent Samedi (Kessenïng), très médiocre premier roman qui louche du côté de Wise (Le jour où la terre s'arrêta) et patauge dans le sous-Vandel.

Denis GUIOT
Première parution : 1/11/1979
dans Fiction 305
Mise en ligne le : 1/2/2012

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