Rome tonne, Londres gronde, c'est la fin du monde. Ballotté d'un repli temporel à l'autre, Oswald Bastable est projeté en 1941, pendant la Grande Guerre. La Troisième Flotte du Japon anéantit Singapour, fracassant pour toujours le rêve utopique de l'Angleterre.
Mais Bastable, ce mélange de Rip van Winkle et du Hollandais Volant mâtiné de Juif Errant, a déjà connu trois variantes de notre monde. À chaque fois, il a été témoin du plus épouvantable holocauste : ce n'est pas forcément l'Apocalypse. La paix peut revenir. Faire tout sauter et recommencer à zéro peut être une bonne idée.
Le Tsar d'acier — un ancien pope à tendances messianiques dont le vrai nom est Joseph Vissarionovitch Djougatchivili — va nous arranger tout ça. Son surnom lui vient de l'antique casque métallique qui lui masque le visage. On le soupçonne de ne pas être un homme, mais une sorte d'automate. Peu importe, il a de si belles idées pour le monde ! Non, le plus étonnant, c'est qu'à son bras, Bastable retrouve la belle Una Persson.
L'aventure continue, plus fantastique que jamais.
Si Michael Moorcock est un maître du roman d'aventures, c'est parce qu'il a, bien sûr, toute l'imagination nécessaire, et même un peu plus : pour le souffle épique et l'ampleur visionnaire, on ne fait pas mieux. Il n'est à l'aise que dans des univers décadents et baroques, prophète d'une fin du monde goguenarde et bariolée.
Cette reprise en trois volumes de ce qui était au CLA : Les aventures uchroniques d'Oswald Bastable, permettra à de nombreux amateurs de découvrir une nouvelle facette du talent de l'auteur d'Elric de Nécromancien. Moorcock semble en vogue actuellement, puisque cette réédition suit de près la réédition en J'Ai LU du Chien de guerre, initialement paru chez Seghers, ouvrage qui ne manque pas de ressemblance avec la trilogie.
On y trouve le récit à la première personne, authentifié par le fait qu'il s'agirait de documents retrouvés et retravaillés par Moorcock. L'auteur s'effaçant derrière l'adaptateur (surtout lorsqu'il affirme que le premier récit fut dicté par le narrateur à son grand-père et seulement édité par lui) permet d'authentifier l'histoire. La méthode n'est pas nouvelle, mais donne déjà le ton de ce qui va suivre : une série d'incroyables aventures d'un officier anglais projeté de 1902 dans un univers parallèle, qui ne correspond en rien à celui que nous avons connu. Des dirigeables britanniques dominent ce monde en proie aux luttes politiques, des chrononautes sillonnent les pays et Hiroshima explose en 1973...
Cependant, ce récit alerte et brillamment raconté a pour but de mener une réflexion sur notre époque contemporaine et ses déchirements, passant du colonialisme anglais au socialisme russe. La réussite de Moorcock est de parvenir à un équilibre parfait où le discours ne parasite jamais la fiction, mais s'y mêle adroitement.
Il fournit en même temps un récit habilement mené grâce à un style qui passe allègrement du ton du suspense à celui de l'humour, qui se révèle tour à tour passionnant, grave ou sarcastique, ironique.
Ce n'est pas seulement le destin d'Oswald Bastable qui intéressera le lecteur, mais aussi celui d'autres personnages rencontrés au hasard des péripéties, comme cette mystérieuse voyageuse temporelle, Miss Una Persson, qui rencontre Moorcock pour lui faire lire la suite des aventures de Bastable rédigées par son grand-père. La façon également dont l'auteur parvient, alors que le récit se clôt sur lui-même, a avoir des nouvelles de son personnage principal ne cesse également de susciter la curiosité et permet en même temps de rappeler quelques données historiques pour mieux apprécier le parallèle qui sera fait par la suite.
Passionnant et intelligent.
note nooSFere : cette critique concerne les 3 romans de la série des aventures uchroniques d'Oswald Bastable, « Le seigneur des airs » Galaxie-bis n° 123, « Le Léviathan des terres » Galaxie-bis n° 125 et « Le Tsar d'acier » Galaxie-bis n° 127
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesFrancis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000) pour la série : Oswald Bastable / Nomade du temps