Je commencerai par signaler « Les savants dans l’arène », de Maurice Vernon (Ed. Métal, série 2000), qui eût été un excellent roman si la facture avait été un peu plus soignée. La construction, pourtant, est bonne et j’ai bien aimé le procédé, vieux comme le monde d’ailleurs (et que Dumas excellait à employer), qui consiste à commencer chaque chapitre par un petit retour en arrière (pour expliquer ce qui s’est passé « entre temps »). Quant au sujet, eh bien, il n’est pas mauvais du tout. Dans un monde aux trois quarts détruit par des guerres et des expériences atomiques, une partie de la population, les Opposants, s’est juré de massacrer jusqu’au dernier les savants rendus responsables de la situation. Ce qu’on ignore, toutefois, c’est que le nouveau maître de la planète détient prisonniers plusieurs centaines de ces savants et les fait travailler pour asseoir sa domination. Néanmoins, l’un d’eux s’évade et décide de déclencher la lutte pour s’emparer du pouvoir. Il a inventé un émetteur psychique dans lequel il place tous ses espoirs. Ce que cet ambitieux n’a pas prévu, toutefois, c’est qu’une de ses propres créatures se révolterait à son tour contre lui et se placerait à la tête des véritables libérateurs. Mais si construction et découpage sont bons, le style, lui, m’a paru relâché et c’est dommage. Tel quel, le roman n’en sera pas moins accueilli avec faveur par les aficionados n’attachant pas trop d’importance à l’écriture.
« Vingt pas dans l’inconnu », de F. Richard-Bessière (Fleuve Noir), est une variante du célèbre « Homme chez les microbes », de Maurice Renard. On y voit des savants, enfermés dans une soucoupe volante qui s’est abattue dans la jungle africaine, rapetisser jusqu’à passer dans un univers infiniment petit, puis dans un second encore plus petit et ainsi de suite, pour finalement émerger dans un Nième infiniment grand, avant de pouvoir réintégrer notre propre vallée de larmes et non sans avoir vu un bloc de métal contenant notre univers tout entier. Le roman débute comme un ouvrage d’exploration, mais au troisième chapitre nous sommes en pleine A. S. que nous ne quittons plus jusqu’à la fin. Les explications scientifiques sont ingénieuses, l’écriture correcte et le tout se lit sans que jamais l’intérêt faiblisse.
« La guerre des ondes », de Keller-Brainin (Ed. Grand Damier), est un roman pessimiste, car on y assiste à la fin du monde. Par la faute d’un savant, décidé à venger sur l’humanité la mort de sa femme adorée, l’équilibre se trouve rompu entre la Terre et la Lune et notre satellite va s’abattre sur la planète, causant sa perte. Le sujet a été souvent traité, notamment par R. C. Sheriff dans « Le manuscrit Hopkins » et Jacques Spitz dans « L’agonie du globe ». L’ouvrage de MM. Keller-Brainin ne détrônera pas leurs grands précurseurs. Il n’est pas dénué de mérites, mais j’ai souvent ressenti l’impression d’une construction hâtive. Les personnages, à peine esquissés, ne suscitent ni intérêt ni sympathie. La dramatique conclusion elle-même tombe un peu à plat, du fait de son caractère négatif. Les auteurs nous ont prouvé, avec leur premier ouvrage d’A. S., de quoi ils étaient capables, c’est pourquoi leurs deux derniers m’ont plutôt déçu.
Tout ça en Superluxe, du numéro 47 au numéro 56, soit 10 titres parus de mars à septembre 78 1. Deux constations pour débuter : Primo, plus un seul titre inédit, uniquement des rééditions puisées dans le stock quasi-inépuisable des collections Anticipation et Angoisse. Secondo, le score est sans appel, Les Lendemains retrouvés battent Les Horizons de l'au-delà par 8 à 2.
Le D.H. Keller de la Halte du destin n'a rien à voir avec celui de La guerre du lierre, auteur américain des années trente dont la nouvelle précitée est au sommaire des Meilleurs récits d'Amazing Stories 1926/32 (J'ai Lu). Non, celui-là est bien français puisque ce n'est autre que François Richard, directeur depuis 1951 de la série Anticipation au Fleuve Noir et élément du binôme Richard-Bessière. Ecrit en 1961, La halte du destin est un honnête produit de série sur le thème de la manipulation psychique à distance. Avec Glace sanglante de l'ami Steiner (une dramatique histoire de trésor dans les brumes de la lande bretonne) il donne une bonne image de ce que fut la regrettée collection Angoisse.
Passons rapidement sur L'ordre vert de Jimmy Guieu, sinistre roman dans lequel l'auteur lâche ses Templiers, Gilles Novak en tête, contre les vils Hongs à la solde de Pékin. Péril jaune pas mort ! Ecrit en 1955, Vingt pas dans l'inconnu c'est un peu, la puérilité et le pesant didactisme en moins, Les Conquérants de l'Univers quittant le système solaire pour explorer l'infiniment petit. Richard Bessiére reprend le principe de base de The girl in the Golden Atom de Ray Cummings (paru en 1919 dans ALL-Story weekly) et fait voyager ses héros, non dans une pièce de monnaie comme Brick Bradford (BD de William Ritt et Clarence Gray), mais dans le canon d'un revolver. Se laisse lire, sans plus.
C'est toujours avec plaisir que l'on retrouve dans la collection Lendemains Retrouvés la signature de Jean-Gaston Vandel, l'humaniste du Fleuve Noir des années 50. Ainsi le pacifisme des Chevaliers de l'Espace, même s'il n'est pas exempt d'une certaine mièvrerie, fait plaisir à lire. Quant à Fuite dans l'inconnu il traite avec générosité du thème classique des mutants, dans la grande lignée des Slans vanvogtiens. Vingt-quatre ans séparent ce livre du Crépuscule des Surhommesde Guy Charmasson, paru récemment chez Marabout et abordant lui aussi le même thème ; et pourtant si ce n'étaient les copyrights, on pourrait croire les livres contemporains, ce qui est tout à la gloire de Vandel 2.
La planète introuvable et Le cri des Durups de Bruss sont deux romans bâtis rigoureusement suivant le même schéma. Deux races d'humanoïdes s'allient pour résister à une troisième, non humanoïde et tournée vers la destruction systématique. Cette lutte de l'humain contre le non-humain vecteur de mort, tel est aussi le thème du premier roman de Francis Carsac paru au rayon Fantastique Ceux de Nulle part. Les Hortolars et les Durups brussiens sont en effet les frères des Misliks éteigneurs de soleil, créés par Francis Carsac, c'est-à-dire l'image de l'Autre, de l'Ennemi, contre lequel tout humain croit devoir se liguer. Un thème trop connu et aux connotations peu sympathiques que l'on regrette de trouver sous la plume de Bruss, d'habitude plus inspiré (Signalons malgré tout la première partie très originale de La Planète introuvable : Visitée plusieurs fois par des expéditions scientifiques, la planète Brull, nouvellement découverte, offre à chaque fois aux astronautes ébahis un aspect tout à fait différent, tant sur le plan géographique, géologique, climatique que sur celui des civilisations qui y vivent !).
C'est tout pour aujourd'hui. Prochain Check-up dans quelques mois ; bien sûr, l'article sera intitulé « Et pour quelques super luxes de plus » !
Notes :
1. Rassurez-vous, chers lecteurs, je sais encore compter jusqu'à dix ! Car il faut inclure dans cette liste L'Orphelin de Perdidede Stefan Wul et La Vermine du Lion de Francis Carsac qui ont fait l'objet de critiques séparées (Fiction 293 pour le Wul et, en principe, le numéro que vous avez dans les mains pour le Carsac). 2. ... Mais peu flatteur pour Charmasson qui, reprenant un thème ultra-classique ne se préoccupe en aucune façon de le renouveler (Si ce n'est par l'actualisation des connaissances scientifiques). Une regrettable banalité d'inspiration pour un premier roman plutôt décevant. Attendons le second !