[Critiques des livres suivants :
- Les savants dans l'arène de Maurice Vernon, Ed Métal, série 2000 n° 17
- Vingt pas dans l'inconnu de F. Richard-Bessiere, Fleuve Noir, Anticipation n° 60
- La guerre des ondes de Keller-Brainin, Ed Grand Damier, Cosmos n° 2]
Je commencerai par signaler « Les savants dans l’arène », de Maurice Vernon (Ed. Métal, série 2000), qui eût été un excellent roman si la facture avait été un peu plus soignée. La construction, pourtant, est bonne et j’ai bien aimé le procédé, vieux comme le monde d’ailleurs (et que Dumas excellait à employer), qui consiste à commencer chaque chapitre par un petit retour en arrière (pour expliquer ce qui s’est passé « entre temps »). Quant au sujet, eh bien, il n’est pas mauvais du tout. Dans un monde aux trois quarts détruit par des guerres et des expériences atomiques, une partie de la population, les Opposants, s’est juré de massacrer jusqu’au dernier les savants rendus responsables de la situation. Ce qu’on ignore, toutefois, c’est que le nouveau maître de la planète détient prisonniers plusieurs centaines de ces savants et les fait travailler pour asseoir sa domination. Néanmoins, l’un d’eux s’évade et décide de déclencher la lutte pour s’emparer du pouvoir. Il a inventé un émetteur psychique dans lequel il place tous ses espoirs. Ce que cet ambitieux n’a pas prévu, toutefois, c’est qu’une de ses propres créatures se révolterait à son tour contre lui et se placerait à la tête des véritables libérateurs. Mais si construction et découpage sont bons, le style, lui, m’a paru relâché et c’est dommage. Tel quel, le roman n’en sera pas moins accueilli avec faveur par les aficionados n’attachant pas trop d’importance à l’écriture.
« Vingt pas dans l’inconnu », de F. Richard-Bessière (Fleuve Noir), est une variante du célèbre « Homme chez les microbes », de Maurice Renard. On y voit des savants, enfermés dans une soucoupe volante qui s’est abattue dans la jungle africaine, rapetisser jusqu’à passer dans un univers infiniment petit, puis dans un second encore plus petit et ainsi de suite, pour finalement émerger dans un Nième infiniment grand, avant de pouvoir réintégrer notre propre vallée de larmes et non sans avoir vu un bloc de métal contenant notre univers tout entier. Le roman débute comme un ouvrage d’exploration, mais au troisième chapitre nous sommes en pleine A. S. que nous ne quittons plus jusqu’à la fin. Les explications scientifiques sont ingénieuses, l’écriture correcte et le tout se lit sans que jamais l’intérêt faiblisse.
« La guerre des ondes », de Keller-Brainin (Ed. Grand Damier), est un roman pessimiste, car on y assiste à la fin du monde. Par la faute d’un savant, décidé à venger sur l’humanité la mort de sa femme adorée, l’équilibre se trouve rompu entre la Terre et la Lune et notre satellite va s’abattre sur la planète, causant sa perte. Le sujet a été souvent traité, notamment par R. C. Sheriff dans « Le manuscrit Hopkins » et Jacques Spitz dans « L’agonie du globe ». L’ouvrage de MM. Keller-Brainin ne détrônera pas leurs grands précurseurs. Il n’est pas dénué de mérites, mais j’ai souvent ressenti l’impression d’une construction hâtive. Les personnages, à peine esquissés, ne suscitent ni intérêt ni sympathie. La dramatique conclusion elle-même tombe un peu à plat, du fait de son caractère négatif. Les auteurs nous ont prouvé, avec leur premier ouvrage d’A. S., de quoi ils étaient capables, c’est pourquoi leurs deux derniers m’ont plutôt déçu.
Igor B. MASLOWSKI
Première parution : 1/12/1955 dans Fiction 25
Mise en ligne le : 7/4/2025