A l'horizon, un soleil rouge. Sur un mur en ruine, quelques traces d'une fresque à demi effacée. Il n'y a plus de loi. Seulement la hantise du suicide. Et quand Michel résiste, arrive celui-qui-pousse-à-mourir-ceux-qui-ne-peuvent-le-faire-seuls. A Zéro la Fange, la ville souterraine, les habitants sont parqués dans des cubes où ils mènent une vie végétative. Dehors, l'affreuse terre grise, les arbres rabougris, les zonards repoussants au corps pustuleux. Plus de bêtes. Rien à manger — que des hommes. Alors, on viole. On fait mal. On tue. Plus de flics, ni rien. Ou plutôt, les flics sont passés dans la clandestinité. Savent-ils encore pourquoi ? Enfin me voici. Moi, Mlil. La bête, là-bas, tuerait ses petits si elle me voyait arriver. Voyons, quand est né le dernier enfant ? Hol avait fourni l'implant, la vieille Hag avait prêté sa matrice. Du passé, tout ça. Un passé même pas vécu, mais reconstitué. Un jour je m'embraserai, et il n'y aura plus rien sur les coussins souples. Enfin le bonheur. Peut-être...
Pierre Christin, né en 1938, est mondialement célèbre comme scénariste de deux bandes dessinées : Valérian et Légendes d'aujourd'hui, illustrées par Mézières et Bilal. Il a aussi écrit une thèse sur le fait divers et enseigne la communication à l'Université de Bordeaux III. Les Prédateurs enjolivés sont le récit d'une course folle vers la fin des temps, où l'auteur s'affirme comme le John Brunner français.
Pas un roman mais un peu plus qu'un recueil de nouvelles, ces sept longs textes forment une chronique discontinue de la mort de la Terre, qui démarre à l'horizon 80 et s'achève à quelques millénaires d'ici. Ça émerge des eaux désormais inévitables de Tunnelou Tous à Zanzibar, ça prend de la force du côté de La planète Shayol et de Limbo(mutilations-mutations) et ça se dissout dans les brillances froides à la Delany ou Clarke. Mais, au — delà de ces références obligées qui prouvent que l'auteur connaît ses classiques sur le bout des doigts, nous frappe son professionnalisme sans défaut : originalité de thématiques particulières (ab-humains hyper- spécialisés de C'est alors que les rats..., nouveau consensus social de Mais qu'elle était verte...), dialogues-monologues échappant au didactisme, progression dramatique ménageant le mystère jusqu'au final, force des évocations visuelles (souvent référencées elles aussi : Et dans la douce chaleur d'un repas de famille, le meilleur récit sans doute, renvoie à certaines séquences des films de Fellini ou de Pasolini). De plus, la cruauté désabusée de Christin, son pessimisme absolu (la fin de l'homme est sursignifiée par les métamorphoses biologiques et génétiques qu'il s'impose à lui-même, comme s'il voulait quitter au plus tôt son enveloppe) provoquent chez le lecteur une horreur nauséeuse et une fascination morbide qui imposent durablement les visions, leur donnent cohérence et crédibilité : l'auteur a su où, et comment taper juste.