C'est dans une des villes-tavernes de Targa la Maudite que l'aventure commence, pour Mal Iergo.
Targa, planète perdue, planète tabou d'un inquiétant système solaire. Targa, sur laquelle se retrouvent tous les déchets, tous les parias de toutes les races, les trafiquants de toutes sortes...
Et qui est Fayol Rhaa, l'horrible « chose qui vit » ? Pourquoi s'est-il exposé toute une vie durant aux terribles radiations de Targa ? L'histoire qu'il conte à Mal Iergo est-elle vraie ? Et cette course au trésor ne cache-t-elle pas quelque chose de plus terrifiant encore ?
Cette course, qui va mener Mal Iergo, le dernier de sa race, à travers les territoires maudits de Targa, vers un destin inéluctable...
Critiques
Avec Mal Iergo le dernier Pierre Suragne, jeune auteur de vingt-cinq ans, confirme les promesses que son premier roman, La septième saison, laissait entrevoir. Plus question cette fois de brûlants problèmes comme la pollution ou le colonialisme, mais un space-opera solidement taillé dans le moule archétypal des récits américains de l'Age d'Or. Le décor : Targa, une planète rongée de radiations à la suite d'un ancien conflit nucléaire, où le temps de survie est limité, mais où se rencontrent tous les parias de la galaxie. Le héros : Mal Iergo, un des rares survivants (le dernier peut-être) d'un autre monde, Pha, autrefois puissant, mais dont la population a été massacrée. Etre humanoïde en apparence, mais télépathe et ayant une morphologie d'insecte, Iergo, qui a perdu tous ses crédits dans les bouges de la planète maudite, se met au service de Fayol Rhaa, épave vivante que les radiations tuent à petit feu, qui convoite un mystérieux trésor caché au fond d'une jungle inaccessible et ayant appartenu aux Crayors, premiers habitants de la planète.
Le roman nous fait suivre les péripéties de l'expédition, qui regroupe, outre le cadavre vivant et Mal Iergo, un grand chien bleu qui se révélera être plus qu'un animal, et un Locksien, Phyrgom, brute aux chairs grises et au cerveau épais. Le récit, volontairement linéaire, est très bien monté et sait faire la part entre les embûches naturelles, animales et humaines, et les conflits psychologiques qui éclatent entre Fayol Rhaa et Mal Iergo, chacun cherchant à se débarrasser de l'autre une fois atteint le but de l'expédition. Le trésor convoité se révèle d'ailleurs bien différent de ce que le Phasien Iergo imaginait, et ce serait frustrer le lecteur que de raconter la fin dramatique de l'aventure, qui peut au demeurant donner lieu à une suite.
Si ce second roman de Pierre Suragne n'est pas aussi original, quant à ses thèmes, que le premier, et s'il n'y a, pour le chroniqueur de service, pas grand-chose à en dire, la note attribuée se situe pourtant nettement au-dessus de la moyenne du Fleuve Noir : l'auteur est à classer à côté de G. J. Arnaud (avec qui il est pour l'instant à égalité de volumes et de talent), sur la ligne de départ de ces jeunes loups (ou jeunes zorls) de la série Anticipation.
En place pour un nouveau et rapide check-up de la collection Lendemains Retrouvés, le dernier datant déjà d'une dizaine de mois (Fiction 296 exactement, comme le temps passe !).
Après un curieux début où il est question de planètes symétriques et qui n'est pas sans rappeler le méconnu film de Robert Parrish Danger : planète inconnue (Journey to the far side of the sun — 1969), Le rideau de Brume d'André Caroff s'enlise dans un space-opera totalement abracadabrant et dénué d'intérêt.
Au suivant, comme dirait Brel ! Rééditer les romans de Maurice Limat est une plaisanterie de bien mauvais goût. Le carnaval du cosmos s'acharne — et parvient — à gâcher une idée (le vol de visages par des Non-Vivants) qui aurait pu donner quelque chose sous une plume moins détestable. Quant à Moi, un Robot il s'agit d'un ouvrage extrêmement déplaisant qui, à travers la révolte opposant les Humains à leurs maîtres Robots, est, en fait, un sinistre manifeste pour l'élimination de tout ce qui n'a pas d'« âme ». Sous couvert d'humanisme, bien entendu.
A rééditer de telles nullités, la collection Lendemains Retrouvés ne se justifierait absolument pas... s'il n'y avait, heureusement, les autres, les Steiner, Suragne, Vandel, Thirion, Wul... Quoique pour Wul on arrive au bout du rouleau, Odyssée sous contrôle étant le dernier des cinq romans de l'auteur dont le Fleuve possède encore les droits 1. C'est aussi le dernier des onze romans écrits par Wul à la fin des années cinquante pour la collection Anticipation, une classique histoire d'espionnage interstellaire, distrayante sans plus et qu'un coup de théâtre final sauve de la grisaille.
Wul nous quitte et Thirion arrive, non avec un inédit comme pourrait le faire penser la coquille du copyright (1979 au lieu de, 1971), mais avec la reprise d'un de ses meilleurs romans, Sterga la Noire. Le commodore Jord Maogan a disparu du côté de la planète-usine Sterga. Or celle-ci appartient au groupe industriel Mac Dewitt, troisième société mondiale qui produit à elle seule 30% du produit cosmique brut, trust stellaire que le génocide n'arrête pas et qui ne songe qu'à « exploiter les planètes jusqu'à l'os pour les quitter ensuite ». Parti à la recherche de Maogan, Stephan Drill devra faire face aux robots méduses de Sterga la Noire et à la féroce milice de Mac Dewitt, mais aussi affronter une extraordinaire réalité qui le mènera aux confins de la folie. Un solide space-opera politique aux intonations vanvogtiennes et une réédition qui, celle-là, s'imposait. A quand Ysée-A et Métrocéan 2031 ?
Curieux Steiner que cette Menace d'Outre-Terre, récit rocambolesque et teinté de surréalisme où les individus, perdant une dimension, deviennent plats comme des limandes et où les Omégas, entités d'un univers parallèle, s'amusent à se métamorphoser continuellement. L'oreille de Kurt Dupont, alter ego de Steiner et futur collaborateur à Hara-Kiri (mensuel), pointait déjà sous le vernis pseudo-scientifique de rigueur à l'époque !
Quittant les bouges de Targa la Maudite, Mal lergo le dernier des Phasiens, Fayol Rhaâ « la chose qui vit » et Phyrgom le Loksien se dirigent vers les montagnes d'Agur, là où sont cachées les fabuleuses richesses de Crayor. Mais cette course au trésor cache un terrifiant secret et l'expédition se terminera de tragique manière. Quelque peu marginal par rapport à la thématique habituelle de l'auteur, Mal lergo le dernier est un mineur mais très honnête Suragne, fertile en rebondissements.
Jean-Gaston Vandel, on le sait, est le pseudonyme de Jean Libert et Gaston Vandenpanhuyse, deux vieux amis d'enfance nés à la même année (1913) à Bruxelles. Des Chevaliers de l'espace (1952-FNA n° 7) au Troisième Bocal (1956 — FNA n° 77), nos deux auteurs ont écrit vingt romans pour la collection Anticipation, puis se sont tournés vers l'espionnage, sous le nom de Paul Kenny. La réédition actuelle des œuvres de Jean-Gaston Vandel dans la collection Lendemains retrouvés 2 permet de redonner à cet auteur, tombé quelque peu dans l'oubli, l'importance qu'il mérite.
L'humanité court à sa perte, telle est l'obsession de Vandel. Gangrenée par la guerre, la folie des hommes, le mauvais usage de la Science, elle risque de ne pas accéder au Troisième Age, celui des Lumières et de toutes les Félicités. Ne faisant pas confiance dans le peuple, Vandel fait appel aux extra-terrestres pour sauver la Terre (Les Ktongs des Titans de l'énergie, Avorus et les siens dans Incroyable Futur) ou à une « force occulte et élitaire » (Le satellite artificiel, suite des Chevaliers de l'espace). Dans son excellente et très longue étude sur l'auteur 3, Jean-Pierre Andrevon met en lumière les lignes de force du « désir » politique profond de Jean-Gaston Vandel :
« — Les dictatures sont renversées, non par le peuple mais par une force d'avant-garde consciente de son élitisme ;
— Les dictateurs sont remplacés par un autre chef absolu mais qui, lui, œuvre pour le bien ;
— Le centralisme dictatorial est remplacé par le mondialisme ». Bref, toutes les caractéristiques d'un dangereux révisionnisme qui accepte d'asservir l'homme « pour son bien » et le confine dans ce qu'Ira Levin a appelé un « Bonheur insoutenable ». Mais, indispensablement replacé dans le contexte des space-opera bellicistes et impérialistes des Fleuve Noir de l'époque, cette recherche du « meilleur des mondes » possibles peut être assimilée à un touchant humanisme, « dont la naïveté est à la mesure de la grandeur » 4.