Panique à la Scala
Dino BUZZATI
Titre original : Sessanta racconti, 1958 Traduction de Michel BREITMAN
Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Pavillons
Dépôt légal : 1989 Première édition Recueil de nouvelles, 300 pages, catégorie / prix : 98 FF ISBN : 2-221-05857-7  Genre : Imaginaire
Critiques
On a tant traduit Buzzati, que le public francophone pouvait craindre d'attendre indéfiniment de nouveaux textes, ainsi que le guetteur du Désert des Tartares suppute l'irruption improbable d'un ennemi chéri. Peut-on encore dénicher des proses signées Buzzati, qui ne soient ni fonds de tiroir, ni curiosités de seconde zone ? On pense que oui chez Robert Laffont, où l'on vient d'extraire vingt-quatre nouvelles d'un recueil italien de 1958 (Sessanta raconti). Panique à la Scala est déjà un beau titre générique, et le texte qu'il désigne tout particulièrement ne déçoit pas le lecteur. Véritable morceau de bravoure littéraire, que cette peinture au vitriol de la bourgeoisie milanaise de l'immédiate après-guerre, surprise dans sa comédie du savoir et de la richesse. Petit monde autarcique, confit dans ses rites culturels, qui fonctionne à l'autosatisfaction tout en prenant son vieillissement pour de la permanence. Mais il suffit que le spectre d'une révolution soit ne fût-ce qu'évoqué, pour que les masques tombent. Alors, les veuleries de chacun reviennent à la surface : la bourgeoisie s'affole, telle une meute prise au piège, dans le décor clinquant d'une salle d'opéra. Panique à la Scala, texte puissant autour duquel gravitent vingt-trois autres récits dont on ne peut pas dire qu'ils étaient tous indispensables. Beaucoup d'entre eux souffrent d'inachèvement, ou d'une certaine gratuité. Ainsi en va-t-il d'Une ombre au Sud, texte inaugural construit sur une image forte — l'apparition récurrente d'une énigmatique silhouette arabe, censée représenter la nostalgie d'Afrique taraudant le narrateur — mais dont l'exploitation tourne plutôt court. Ainsi en va-t-il d'une floppée de textes bien enlevés, mais sans plus. La peste automobilistique, Œil pour œil, Le problème du stationnement — et même un Conte de Noël ! — sont d'agréables divertissements. Selon toute vraisemblance, ils furent initialement destinés à égayer la page « temps libres de l'un ou l'autre quotidien, mais passer avec succès l'épreuve de la mise en recueil est une tout autre histoire... Panique à la Scala est-il la meilleure entrée à l'œuvre de Buzzati ? Assurément non. Cela dit, ne boudons pas trop notre plaisir... Il y a dans ce livre plusieurs proses succulentes, à condition de partager les goûts acides de Buzzati. Des paraboles si l'on veut, en gardant à ce terme sa connotation balistique : une manière de donner à diverses révolutions mentales la courbe harmonieuse d'une écriture qui jamais n'hésite. Alain DARTEVELLE Première parution : 1/6/1989 dans Fiction 409 Mise en ligne le : 22/10/2003
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