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Journal des années de poudre

Richard MATHESON

Titre original : Journal of the Gun Years, 1991
Première parution : New York, USA : M. Evans and Company, octobre 1991
Traduction de Brigitte MARIOT
Illustration de Benjamin CARRÉ

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre
Date de parution : 6 novembre 2003
Dépôt légal : novembre 2003, Achevé d'imprimer : octobre 2003
Première édition
Roman, 272 pages, catégorie / prix : 20 €
ISBN : 2-207-25210-8
Format : 14,0 x 20,5 cm
Genre : Hors Genre



Quatrième de couverture
Après plusieurs années durant lesquelles leurs routes ne se sont pas croisées, le journaliste Frank Leslie rencontre par hasard son ami Clay Halser dans un saloon. Clay est une véritable légende de l'Ouest, la presse l'a surnommé « le Prince des Pistoliers ». Il a survécu à la guerre de Sécession, a été hors la loi un temps, marshal fédéral ensuite, avant de sombrer dans le désespoir et le jeu. À peine âgé de trente ans mais usé jusqu'à la trame, Clay n'a plus rien d'un homme ; il ressemble à une créature de la nuit. Alors que Frank est sur le point de demander à son ami quels sont les événements qui l'ont vampirisé à ce point, celui-ci est assassiné, laissant derrière lui une femme qui ne le pleurera pas, une fille de trois ans et un journal — quelques cahiers qui décrivent la vie quotidienne d'un homme confronté à la violence, condamné à payer au prix fort son entrée dans l'Histoire.
 
Avec Journal des années de poudre, fantastique western ou peut-être western fantastique, Richard Matheson dresse un portrait impitoyable de la conquête de l'Ouest. Ici, les cow-boys sentent la poussière et le sang, et les armes à feu ne sont pas toujours d'une fiabilité à toute épreuve.
Critiques

    « Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende ! » Les amateurs de western auront reconnu ici sans mal la réplique du film L’Homme qui tua Liberty Valance. Une citation qui correspond idéalement au roman de Richard Matheson. Journal des années de poudre s’attache en effet à l’itinéraire de Clay Halser, une de ces légendes dont les aventures enjolivées composent l’ordinaire des dime novels, contribuant à forger le mythe du Far West. Surnommé par la presse le Prince des Pistoliers, Clay n’était pourtant au départ qu’un jeune homme plein d’espoir, parti chercher l’aventure à l’Ouest après avoir participé à la Guerre civile. Sans véritables qualités, si ce n’est celle de donner la mort sans coup férir, une tâche dont il s’est acquitté avec talent pour le compte de l’Union, il flirte d’abord avec l’illégalité avant d’endosser le costume funèbre de marshal. En dépit de la faible espérance de vie des gardiens de l’ordre, Clay se découvre très vite des dispositions pour la fonction, profitant d’être du bon côté de la loi pour régler ses comptes.

    Faux roman fantastique mais authentique western, Journal des années de poudre n’aurait que peu d’intérêt si Richard Matheson se contentait de raconter le parcours violent et tragique d’un as de la gâchette. On renverra d’ailleurs les amateurs de noir et d’Ouest sauvage vers Deadwood de Pete Dexter, amplement plus convaincant sur ces deux points.

    Individu ordinaire, un brin naïf, Clay Halser ressemble beaucoup à Wild Bill Hickok dont il croise la route à deux reprises. Matheson reviendra par la suite sur cette figure emblématique de l’Ouest avec The Memoirs of Wild Bill Hickok. En attendant, les aventures de Clay pillent sans vergogne quelques épisodes de l’histoire de la « frontière » américaine, notamment la guerre du comté de Lincoln. Fort heureusement, le récit profite d’un dispositif narratif astucieux, peut-être un tantinet lassant sur la longueur, présentant la mythification de Clay comme un processus de déshumanisation implacable. Récupéré après sa mort, le récit du pistolero, couché par écrit dans son journal intime, fait ainsi l’objet d’une publication posthume. Une version corrigée et retouchée (toutes les bordées d’injures sont coupées) qui, selon son ami le journaliste Frank Leslie, tente de rendre justice au pistolero en rétablissant la vérité sur sa vie. Bien entendu, la vérité se dessine entre les lignes, conférant à ce Journal des années de poudre une dimension introspective inattendue.

    Mais le cœur du récit de Matheson se situe autour des notions de fiction et de réalité. Littéralement vampirisé par sa légende, dépossédé de son identité, Clay n’est finalement qu’un pantin, victime de ses pulsions, qui nourrit avec la fiction une relation exclusive et ambiguë.

    Bref, avec Journal des années de poudre, Richard Matheson nous livre un western dépourvu de toute vision archétypale cherchant surtout à atteindre une forme de démystification, celle du Far West et de ses héros de papier.

Laurent LELEU
Première parution : 1/4/2017 dans Bifrost 86
Mise en ligne le : 13/12/2022


     Un western dans une collection fantastique, quelle horreur ! Brûlons immédiatement auteur, éditeur, traducteur et correcteurs avant de vouer leurs âmes maudites et malfaisantes aux 666 abysses des enfers. Non ? Bon...

     Drôle d'idée, donc, de la part de la collection « Lunes d'encre » que d'éditer Journal des années de poudre d'un certain Richard Matheson... Drôle d'idée, mais finalement pas si inadéquate, dans la mesure où la politique maison vise à défendre des auteurs, et que le Richard Matheson en question n'est globalement pas si inconnu dans le petit monde des littératures de l'imaginaire. Drôle d'idée, peut-être, mais le western a cette petite tradition « pulpesque » qui n'est pas sans rapport avec la S-F la plus académique, ce qui fait que bon, que voulez-vous ma bonne dame...

     Bref, le lecteur lambda est en droit de s'interroger, mais également en droit de lire ce livre qui n'a d'autre ambition que le simple divertissement. Et s'il s'agit immanquablement d'un Matheson mineur, la fan ultime ne pourra pas s'empêcher de l'ajouter aux œuvres complètes, tandis que le néophyte trouvera ici une porte d'entrée adéquate au « mystère Matheson »... De quel mystère s'agit-il ? Tout simplement de la technique (qui relève de la magie pure et simple) propre à l'auteur qui veut que toute personne qui lise un de ses bouquins ait le plus grand mal à lâcher la chose avant la fin... Pour ça, rien que pour ça, n'importe quel Matheson vaut le coup.

     Et l'histoire, au fait ?

     Prenez l'Ouest sauvage, ajoutez-y un peu de poussière, du réalisme (mais pas trop quand même), deux ou trois colts et un fusil à canon scié. Secouez. Voilà.

     Journal des années de poudre conte les aventures de Clay Halser. Des aventures sanglantes que le lecteur découvre via le journal d'Halser, légèrement amputé par le journaliste qui a récupéré les cahiers après la mort brutale de l'auteur. De cet amas de papier, quelques 300 pages sont extraites, 300 pages qui résument le monde des cow-boys à elles seules. Honneur hypocrite, brutalité gratuite et stupide, mort et déchéance forment les cercles vicieux dans lesquels évolue Clay Halser, légende de l'Ouest malgré lui, tour à tour Marshall, acteur (dans la troupe de théâtre narrant ses aventures — tout comme l'a un jour fait Monsieur Buffalo Bill himself), redresseur de torts, mais avant tout pauvre type victime de la renommée. Car les légendes sont fatiguées, fatiguées de perdre femmes et enfants, fatiguées de bouffer de la poussière et du plomb, fatiguées d'avoir continuellement peur et de voir leurs rares amis crever en saignant.

     A la fois pathétique et loufoque, l'histoire de Clay Halser est une relecture somme toute vivifiante de l'Ouest, semblable (d'une certaine manière) à la vision décapante d'un Sergio Leone.

     Oui, certes, la chose ne va pas très loin, mais dans la catégorie roman de gare efficace, il est difficile de faire mieux. Avis.

Patrick IMBERT (site web)
Première parution : 1/4/2004 dans Bifrost 34
Mise en ligne le : 9/5/2005


     Le prince des pistoleros
     Richard Matheson, né en 1926 dans le New Jersey, est toujours « alive and well », comme on dit dans son pays. Ce célèbre auteur de SF et de fantastique quitterait-il son domaine de prédilection ? Journal des années de poudre est un western, genre qui, c'est certain, n'est plus à la mode aujourd'hui.
     Cet ouvrage fait cependant montre d'originalité : par sa structure narrative d'une part ; par son héros d'autre part.
     C'est un journaliste qui rapporte l'histoire. En introduction, il dit comment il vient d'assister à la mort du marshall Clay Halser, véritable légende de l'ouest. Chargé de débarrasser ses affaires, il découvre parmi elles un journal tenu par le héros décédé. L'épurant de ses coquilles, il le livre selon un choix subjectif à la connaissance du public.
     Il est terrible, Clay Halser. Sa rapidité et sa précision au tir en font un des plus redoutables pistoleros du Far West. Oscillant sans cesse entre banditisme et défense de la loi, ce redoutable tueur se révèle un simple jeune gars naïf ballotté par l'existence. Son journal décrit une galerie de personnages pas tristes : cow-boys voleurs, alcooliques, femmes en mal d'aventures, tueurs, joueurs, arnaqueurs. Bref, l'action décrit la vie trépidante d'hommes et de femmes dans une époque de violence. La légende de l'ouest, tu parles ! Envies et passions font de cette époque un profond cauchemar.
     C'est bien du Matheson, après tout.

Jean-François THOMAS (lui écrire)
Première parution : 3/2/2004 24 heures
Mise en ligne le : 1/5/2004


     Comme pour Bradbury, la collection Lunes d'encre propose simultanément un énorme volume correspondant à la réédition de classiques de l'auteur — Légendes de la nuit, qui regroupe quatre romans de Matheson parmi les principaux — et un court roman plus récent, encore inédit en France.
     Comme pour Bradbury, force est de constater que l'inédit est loin de valoir les chefs d'œuvre du maître, à commencer par ses nouvelles.

     Signalons d'emblée que le Journal des années de poudre ne devrait pas figurer sur nooSFere, car s'il s'agit bien d'un western qui n'a absolument rien de fantastique comme le suggère faussement la quatrième de couverture. Ce n'est pas bien grave, car c'est évidemment la qualité du texte qui prime. Or, aussi sympathique soit-il, l'intérêt de ce journal qui raconte le parcours de Clay Halser, un individu ordinaire devenu une légende vivante, un as de la gâchette au destin parallèle à celui de Wild Bill Hickock, demeure très moyen.

     Les cahiers de ce journal ont été recueilli par un journaliste nommé Franck Leslie, qui s'est permis d'en corriger les fautes (seul le premier jour nous donnant un échantillon de la prose originale), de les couper et de les commenter. Le propos avoué de Leslie est de montrer que Halser est un « pur produit de son époque », que sa violence est le fait de la société où il a vécu... Il est difficile de savoir si Matheson souscrit à cette thèse, mais le roman tend plutôt à nous démontrer le contraire : l'histoire de Clay Halser est universelle et pourrait se situer dans l'antiquité comme un lointain futur. Il est un pur produit de l'humanité avant que d'être « de son époque ». C'est d'ailleurs sans doute ce que veut réellement signifier Matheson, qui a peut-être malicieusement dissimulé ses motivations d'auteur sous celles qu'affiche le journaliste-narrateur.
     La force du roman est en réalité de nous montrer un homme accablé par sa réputation — qu'elle soit bonne ou mauvaise, selon les endroits. Comme le dit Hickock : « Nous sommes victimes de notre notoriété. Nous ne sommes plus des humains, mais des créations de l'imagination. Les journalistes nous ont dotés de qualités qu'aucun homme ne peut posséder. Pourtant, les gens nous haïssent à cause de ces qualités inexistantes (...) Nous sommes des morts vivants. » (p.256-257)

     Cette lente et implacable déshumanisation constitue donc la véritable intrigue du roman. Hélas, elle en occupe principalement le dernier tiers et les deux premiers tiers paraissent en regard assez fades et inutilement longs.
     De plus, les interventions répétées du journaliste sont assez vite irritantes, car ses commentaires souvent superflus — par exemple pour ajouter une précision qui aurait facilement pu être omise ou trouver sa place dans le texte commenté, ou encore pour nous raconter les chapitres qu'il a choisi de ne pas retranscrire in extenso — ont la fâcheuse faculté d'éjecter le lecteur du récit 1.
     Un autre choix qui n'amuse que les premières pages est de suggérer la pruderie du journaliste-narrateur en censurant tous les jurons et termes sexuels, ce qui parsème ce f... texte de b... D... et autres f... de p... 2

     Du fait de la forme choisie — le journal intime qui avait si bien réussi à Matheson pour son premier texte 3 — et de ces f... parti pris pour le moins agaçants, le lecteur est ainsi maintenu à distance du récit et en fin de compte, malgré son intrigue tragique potentiellement forte, ce Journal des années de poudre ne demeure qu'un livre anecdotique, à ne lire que bien après les Légendes de la nuit sus-citées et après l'intégrale des nouvelles disponible chez Flammarion ou chez J'ai lu.

Notes :

1. Comme le feraient des notes de bas de pages trop fréquentes (note du traducteur)
2. Du coup, c'est vite ch... (note de l'auteur)
3. Le fameux Journal d'un monstre (note du rédacteur)

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 8/12/2003 nooSFere

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