NESTIVEQNEN
(Paris, France), coll. SF n° (7) Dépôt légal : avril 2003, Achevé d'imprimer : avril 2003 Première édition Anthologie, 320 pages, catégorie / prix : 18,60 € ISBN : 2-910899-71-3 Format : 13,0 x 20,0 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Qui est ce bluesman éternel qui se cache dans le passé à Memphis, Egypte ?
Quel est le message de ce prophète des temps futur qui cite The Offspring ?
Quelle est cette musique infernale qui pousse un banal camioneur à se transformer en serial-killer ?
L'avènement de la société des loisirs précipitera-t-il la fin de notre culture ?
Autant de questions auxquelles dix-huits auteurs inspirés par des groupes aussi marquants que The Offspring, Pink Floyd, The Ramones, Elvis Presley, Genesis ou The Sisters of Mercy ne pouvaient que repondre par une gamme de textes aussi large
Avec Rock Stars, Patrick Eris nous communique l'envie d'explorer des textes inspirés des musiques rock dans toute leur variété. Il a fait pour cela appel à 18 auteurs francophones et anglosaxons.
Pour la première fois, une anthologie autour de la musique met en scène des légendes du rock, fait revivre des stars du passé ou s'inspire directement des paroles de groupes célèbres pour nous concocter des histoires qui se déclinent dans les styles de la science-fiction, du fantastique ou de la fantasy.
Caza illustrateur de la génération rock a illustré magnifiquement cette thématique musicale.
1 - Patrick ERIS, Sur les accords de l'imaginaire, pages 5 à 9, préface 2 - Jean-Marc LIGNY, Les Chants de glace, pages 11 à 30, nouvelle 3 - Johan HELIOT, A la Bastille, gabba gabba Hey !, pages 31 à 55, nouvelle 4 - David Frederick BISCHOFF, Songe d'une nuit de solstice (In the bleak mildsostice, 1997), pages 57 à 77, nouvelle, trad. Mélanie FAZI 5 - Denis LABBÉ, Rhapsodie métallique, pages 79 à 92, nouvelle 6 - Mélanie FAZI, En forme de dragon, pages 93 à 109, nouvelle 7 - Thierry DI ROLLO, Quelques grains de riz, pages 111 à 130, nouvelle 8 - Patrick ERIS, Doctor Jeep (2003), pages 131 à 137, nouvelle 9 - Sylvie MILLER & Philippe WARD, Le Survivant, pages 139 à 151, nouvelle 10 - Brian STABLEFORD, Le Dit de Judas (Judas Story, 1975), pages 153 à 174, nouvelle, trad. Thomas BAUDURET 11 - Michel PAGEL, La Route de Memphis, pages 175 à 184, nouvelle 12 - Léo HENRY, L'Envers du Diable, pages 185 à 200, nouvelle 13 - Jean-Michel CALVEZ, Analogies, pages 201 à 221, nouvelle 14 - Jess KAAN, Nitro, pages 223 à 249, nouvelle 15 - Jean-Jacques KILLIAN, Stratocaster, pages 251 à 262, nouvelle 16 - Léo LAMARCHE, Le Code-barre de l'Antéchrist, pages 263 à 278, nouvelle 17 - Laurent FÉTIS, Trancers, pages 279 à 300, nouvelle 18 - Brian HODGE, La Chair dans la machine (Meat in the Machine), pages 301 à 314, nouvelle, trad. Thomas BAUDURET 19 - Patrick ERIS, Dictionnaire des auteurs, pages 315 à 320, dictionnaire d'auteurs
Critiques
S'il existe un certain nombre de romans (que vous trouverez cités dans ces pages) ayant le rock pour toile de fond ou pour sujet principal, les anthologies sur ce thème ne sont pas légion, du moins en France. On peut donc déjà remercier Patrick Eris — auteur de polars et de fantastique, grand amateur de musiques binaires et également parolier, voire chanteur à ses heures — d'avoir comblé un vide relatif dans les littératures rock'n'rolliennes.
Après une courte introduction (un peu trop courte, hélas) narrant les noces sulfureuses du rock et de la SF — où, en fait, il parle plutôt des agapes entre le rock et le fantastique, son genre de prédilection — , il donne donc la plume à dix-sept auteurs avec pour objectif de parler de rock, sous une forme ou une autre : quatorze français (dont lui-même) et trois anglo-saxons (David Bischoff, Brian Stableford et Brian Hodge). Chacun accomplit sa mission avec plus ou moins de bonheur et, bien sûr, en profite pour parler de ce qu'il aime, ainsi tous les goûts sont dans ce recueil : Elvis, Pink Floyd, les Ramones, la techno, l'indus, la Fender Stratocaster (instrument emblématique !), « Eleanor Rigby » des Beatles, le heavy metal (Offspring), les Sisters of Mercy, etc.
Si les critiques de l'époque (et mon avis personnel) s'accordent à dire que Johan Heliot a fourni le meilleur texte en organisant la rencontre improbable des Ramones et... Aristide Bruant dans « A la Bastille, Gabba Gabba Hey ! », pour le reste, le lecteur aimera un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout selon ses propres goûts musicaux et domaines de prédilection. On regrettera toutefois un grand absent : Roland C. Wagner, le plus rock'n'roll des auteurs français.
Il est des passions qui permettent de tout supporter. Si le lecteur ne partage pas celle des auteurs de cet ouvrage, il pourra être rebuté par le manque occasionnel de raffinement littéraire, ou la pauvreté des intrigues suscitées par ce recueil de figures imposées.
Mais la musique est vecteur d'émotion, et peut vous emporter dans le sillage de l'auteur. Problème : l'émotion est nostalgique ; comment décliner l'admiration du passé sur un mode SF ? Michel Pagel relève le défi à coups d'humour et de paradoxe temporel — La Route de Memphis, est mon texte préféré dans ce livre. Thierry Di Rollo exploite aussi le voyage dans le temps, et nous plonge dans l'ego d'un protagoniste répugnant. Voyage fascinant à sa manière. David Bischoff se tire du piège nostalgique par la description ethnologique, mais Jean-Jacques Killian frise le ridicule à force d'iconifier une guitare. Jean-Michel Calvez est sans doute le plus symptomatique : son texte, naïf, est saturé de nostalgie pour la musique électronique... analogique ! La technophilie vit du changement, ne s'arrête pas à une époque ; l'obsession de Calvez en est perverse au point d'être sympathique.
L'intensité émotionnelle préside aussi à la religiosité inversée de la Musique du Démon. Le rock, dit-on, pousse à la violence, et les derniers textes du recueil en particulier jouent un crescendo de brutalité sur fond de variantes contemporaines du rock, avec Jess Kaan en parangon de l'excès. La violence touche aussi les musiciens, et le sacrifice de l'artiste à son public est une autre grande figure imposée, interprétée notamment par Brian Stableford dont le texte, qui ne prétend pas à la surprise, vaut par son réalisme magistral. Variante du sacrifice, le contrat avec le Diable surgit dans trois textes de l'anthologie ; mention spéciale à L'Envers du Diable, de Léo Henry — autant d'effet de réel que Stableford, et plus retors dans l'intrigue.
Restent quelques inclassables ; Jean-Marc Ligny échoue courageusement à donner une description convaincante d'un art futur (mais qui pourrait ?) ; Mélanie Fazi dépeint brillamment la tragédie de la perte d'un talent, sans doute parce qu'elle est la seule à oser une mise en situation familiale de ses protagonistes. Et qu'elle adopte le mode fantastique, qui semble mieux réussir aux contributeurs de cette anthologie, malgré l'affichage SF en couverture. Johan Heliot, enfin, déjoue les objections à la nostalgie en se plaçant dans un futur de recyclage marchandise des icônes culturelles. Et en opérant un surprenant mélange. C'est de la SF politique, réfléchie et drôle.
À mon applaudimètre personnel ne se détachent tous comptes faits que Fazi, Heliot, Henry, Pagel et Stableford (une poignée d'autres se laissent lire, mais manquent de substance). Pour les passionnés, donc.
Les éditions Nestiveqnen aiment les anthologies thématiques. Celle-ci vise à célébrer les noces d'un vieux couple : la science-fiction et le rock. Et en dix-sept textes, elle nous offre une vision assez variée et représentative des liens existant entre eux.
Les groupes et tendances ayant inspiré les auteurs sont particulièrement divers, et l'on va du blues et du rock'n'roll des origines à l'industriel ou même au rap, en passant par le progressif, le punk ou le heavy metal. Certains s'inspirent d'une chanson (« Quelques grains de riz » de Thierry Di Rollo, dont la fascination du narrateur pour la Eleanor Rigby des Beatles relève de la folie furieuse), d'autres de la vie d'une rock star (« La Route de Memphis » de Michel Pagel, qui nous révèle enfin ce que le King Presley est réellement devenu après sa disparition), d'autres encore mettent en scène leur amour pour tel ou tel genre, non sans une certaine nostalgie souvent (le rock progressif très seventies des héros de David Bischoff dans « Songe d'une nuit de solstice », celui, contemporain, d'Hendrix et Joplin célébré par Brian Stableford dans « Le Dit de Judas »).
Certains écrivains proposent une lecture plus libre du thème imposé. On peut difficilement parler de rock pour qualifier la musique que décrit Jean-Marc Ligny dans « Les Chants de glace », forme artistique multimédiatique d'un futur lointain, celui de ses Chroniques des Nouveaux Mondes. Le rock ne fournit qu'un fond sonore à la réflexion de Mélanie Fazi sur la création artistique (« En Forme de dragon ») ou au vagabondage meurtrier du narrateur de Patrick Eris (« Doctor Jeep »). Quant à Jean-Jacques Killian, il a préféré se concentrer sur un objet emblématique du rock, dans son texte judicieusement baptisé « Stratocaster ».
Denis Labbé et Johan Heliot ont choisi de situer leurs histoires dans un cadre atypique. « Rhapsodie métallique » de Labbé fait jouer en concert un groupe de heavy metal dans un univers de fantasy. Une union logique, tant le heavy metal s'est inspiré de la fantasy dans son imagerie ou dans ses paroles, qui donne un résultat tout à fait amusant. Dommage que l'histoire ne soit qu'anecdotique. Johan Heliot a choisi, dans « A la Bastille, Gabba Gabba Hey ! », de ressusciter les Ramones dans un futur gouverné par la Société du Spectacle, et de leur faire rencontrer un agitateur d'une autre époque, Aristide Bruant. C'est sans surprise l'un des meilleurs textes du recueil.
Globalement, la qualité varie assez d'un texte à l'autre. En bas de tableau, certains pêchent par leur exécution (« Nitro » de Jess Kaan, qui ressemble davantage à un extrait de roman en cours d'écriture qu'à une véritable nouvelle) ou par leur manque d'originalité (le Rencontre du Troisième Type remixé par Pink Floyd que nous offre Jean-Michel Calvez dans « Analogies » me paraît trop prévisible, malgré ses multiples révélations finales). Même chose pour les dystopies futuristes de Léo Lamarche (« Le Code-barre de l'Antéchrist ») ou Laurent Fétis (« Trancers »).
Outre le texte de Johan Heliot, déjà cité, la meilleure nouvelle de ce recueil me semble être « La Chair dans la machine » de Brian Hodge. S'inspirant d'un genre qui pourtant ne m'intéresse pas du tout — le rock industriel — , il nous donne à lire ici une réflexion très pertinente sur ce qui constitue l'essence de ce style musical, sa raison d'être, et le pousse à son paroxysme en y intégrant un élément purement S-F.
Au final, Patrick Eris a su nous proposer une anthologie d'assez bonne qualité, et surtout d'une grande variété. En revanche, mauvais point pour sa préface qui, en plus d'être trop courte pour être réellement intéressante, réussit l'exploit de ne jamais citer le nom de Roland C. Wagner, qui reste quand même le plus rock'n'roll des écrivains de S-F français.