Frank HERBERT Titre original : The Heaven Makers, 1967 Première parution : Amazing Stories, avril et juin 1967. En volume : Avon, novembre 1968 Traduction de Monique LEBAILLY Illustration de Wojtek SIUDMAK
POCKET
(Paris, France), coll. Science-Fiction / Fantasy n° 5429 Dépôt légal : octobre 1999 Roman, 256 pages, catégorie / prix : 5 ISBN : 2-266-09604-4 Genre : Science-Fiction
Pauvres Chems ! Le réseau leur apporte l'unicité — la multitude qui ne fait qu'un — et l'immortalité. Il ne les sauve pas de la monotonie. La mort est toujours là, c'est l'éternelle tentation et les Chems y prennent plaisir.
Fraffin ? Un simple fabricant d'Edens. Le plus doué de tous. Sans rival dans l'art de manipuler des êtres vivants pour corser le spectacle et dissiper l'ennui, l'éternel ennui des Chems. Ses créatures ne savent pas qu'elles jouent un rôle dans le grand jeu de l'histoire et qu'il en est le scénariste. L'une après l'autre, elles meurent, englouties dans ce temps confus et délabré qui constitue la mémoire des Chems. Mais Ruth est bien vivante. Saura-t-elle résister au manipulateur ?
Cependant la Primatie s'inquiète. Le fabricant d'Eden aurait-il semé chez ses créatures les germes d'une conscience susceptible de se retourner un jour contre les Chems ? Kelexel, l'Investigateur, est convaincu qu'il y a traîtrise.
Ruth est déjà sur sa route et il est loin de s'en douter.
Frank Herbert (1920-1986) n'est pas seulement l'auteur de « Dune ». Il nous montre des hommes créant des dieux, créant des mondes, créant l'histoire et ne trouvant finalement d'autre limite que les modestes créatures qui échappent à leur contrôle. Il est le poète de la génération.
Les Chems, grâce au réseau, ne font qu'un, et sont immortels. La tentation de la mort est pourtant toujours présente, du fait d'un ennui persistant. C'est pour lutter contre lui que Fraffin manipule les émotions de mortels dont il tire des drames distrayant ses semblables ; il joue cependant avec le feu, n'hésitant pas à orchestrer des guerres pour satisfaire ses spectateurs d'émotions brutes, au mépris des règles de la Primatie veillant sur les espèces sauvages. Kelexel, un Investigateur de la Primatie chargé d'enquêter sur Fraffin qu'on soupçonne de contrevenir aux règles, est compromis par ce dernier quand il pousse dans ses bras une femme enlevée à son milieu, Ruth Murphey.
Celle-ci est une jeune femme, jadis fiancée au psychologue Thurlow mais qui lui préféra un autre prétendant dont elle compte aujourd'hui divorcer. Le père, Joe Murphey, pris d'un accès de folie meurtrière que seul Thurlow avait prédit, permet aux anciens amants de se rapprocher. Thurlow est également un immunisé, capable de voir à travers la brume d'invisibilité l'équipe de tournage se repaissant des drames humains. Il comprend que ses accès de colère comme le revirement de Ruth à son égard ne sont que le fruit de manipulations extraterrestres.
Tout en agitant le thème de l'immortalité, récurrent chez lui, Franck Herbert pose quelques débats cornéliens : Thurlow, amené à taxer de démence le père de Ruth, se place en même temps en position délicate vis-à-vis de sa fille et de son supérieur. À ses efforts de neutralité correspondent les doutes coupables que Kelexel nourrit pour avoir poussé une femme à se soumettre à ses désirs. Il ne peut plus condamner Fraffin sans également salir son honneur. Le cynisme de la civilisation Chem, qui se croit affranchie de la violence et de la mort, apparaît au grand jour quand Kelexel trouve une solution à son dilemme.
Le roman n'est cependant pas exempt de défauts, expédiant parfois hâtivement certains éléments de l'intrigue ou s'attachant trop à d'autres moments à des détails secondaires. Opus mineur dans l'œuvre de l'auteur de Dune, l'ensemble reste cependant suffisamment enlevé pour susciter la sympathie.