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Othon ou l'aurore immobile

Nicolas D'ESTIENNE D'ORVES



LES BELLES LETTRES , coll. Le Grand Cabinet noir précédent dans la collection n° (5) suivant dans la collection
Dépôt légal : février 2002
Première édition
Roman, 272 pages, catégorie / prix : 18 €
ISBN : 2-251-77164-6
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Que s'est-il passé la nuit du 13 au 14 juin 2012, à 5 h 51 du matin ?
     Pourquoi les Parisiens vivent-ils sous la lueur immuable d'un soleil levant ? Pourquoi la France est-elle dirigée par un collège de scientifiques, avec, à leur tête, le mystérieux Othon Athanaric Sempronius, personnalité crainte autant que révérée par le peuple ? Pourquoi a-t-on rétabli la peine de mort ? Pourquoi les condamnés sont-ils dévorés par des lions dans des arènes romaines, guillotinés en pleine Révolution, noyés dans le Titanic, crucifiés en Palestine ? Pourquoi le gouvernement a-t-il engagé une politique antinataliste, interdisant toute famille de plus d'un enfant ? Pourquoi certains bébés sont-ils mis en location ? Pourquoi les attentats vont-ils grandissant, à Paris ? Pourquoi des gangs de vieillards organisent-ils des commandos suicides, à seule fin d'être attrapés et condamnés ? Pourquoi l'Allemagne est-elle sous les bombes, envahie de chars et de soldats ? Pourquoi l'Histoire est-elle la seule science officielle ? Pourquoi les gens passent-ils leurs loisirs vissés devant un écran qui ne diffuse aucune image ? Pourquoi ne peut-on plus quitter le territoire français ? Quelle différence y a-t-il entre les permanents et les évolutifs ? Qu'est-ce que le Bouleversement ? Pourquoi Étienne Bressoud, nègre d'édition, doit-il écrire la première biographie d'Othon Athanaric Sempronius ?

     Né en 1974 à Neuilly-sur-Seine, Nicolas d'Estienne d'Orves est critique littéraire au Figaro littéraire et au Spectacle du Monde. En 2001, il a publié au Grand Cabinet noir un recueil de nouvelles, Le Sourire des enfants morts. Othon ou l'Aurore immobile est son premier roman.
Critiques
     Curieuse œuvre que ce premier roman de Nicolas d'Estienne d'Orves. D'entrée de jeu, on songe irrésistiblement à Maurice Renard, à Jacques Spitz ou aux premiers textes de SF de Barjavel : ambiance franco-française, vision désuète du savant génial, catastrophe cosmique et humour noir. Cependant, il ne s'agit pas là de steampunk (l'intrigue se déroule dans un futur proche), mais de la représentation volontairement surannée et faussement naïve d'un contexte moderne.

     La Terre a connu le Bouleversement, moment ultime qui a vu le temps se figer de manière irrémédiable. Un scientifique français, Othon Atanaric Sempronius, avait prévu le cataclysme et il a réussi à en limiter les dégâts... dans notre pays. Doté d'un nom prédestiné, Othon, secondé par Ovidia, sa délicieuse fille, ne tarde pas à devenir président de la République, puis à s'arroger des pouvoirs dictatoriaux pour faire face aux multiples conséquences de la catastrophe temporelle. Mais voici qu'il charge Etienne Bressoud, un jeune nègre littéraire, d'écrire sa biographie. Cet événement a priori anodin marque le début d'une machination bien orchestrée destinée à installer Othon dans un pouvoir politique éternel.

     Il est difficile de résumer ce livre. C'est avant tout une œuvre d'idées, où les situations les plus étonnantes, voire les plus saugrenues, s'entrecroisent dans une joyeuse pagaille pour mieux dépayser le lecteur. On sent que l'auteur a pris beaucoup de plaisir à construire cette dystopie délirante en imaginant les effets inattendus du Bouleversement. On l'aura compris, Nicolas d'Etienne d'Orves n'est pas un adepte de la hard science. De la fable politique aux paradoxes temporels imbriqués, en passant par les séquences faussement historiques, l'auteur se faufile habilement entre les mailles d'un filet un peu lâche. Il ne se préoccupe ni de vraisemblance, ni même de cohérence interne — ce qui est parfois un peu trop désinvolte. En revanche, ce qui l'intéresse, c'est le jaillissement d'idées foisonnantes, de préférence iconoclastes et lestées d'un humour noir bien grinçant. L'architecture de l'ensemble et la logique de l'intrigue en souffrent parfois, mais on ne peut s'empêcher de succomber à la jubilation d'un second degré si ravageur.

     Les passages qui requièrent psychologie et sensibilité sont, par contre, moins réussis. Certaines scènes érotiques ou cruelles, complaisamment développées, demeurent sèches. En effet, si le discours intellectuel distancié est bien adapté au récit d'idées, il est moins judicieux dès qu'il s'agit d'émouvoir. Ce défaut de perspective pèse assez lourdement dans l'économie du récit : on a du mal à s'intéresser aux démêlés sentimentaux et familiaux d'Etienne, car le texte suggère assez peu dans le domaine des sentiments et des émotions. D'une manière générale, la psychologie des personnages pèche par excès de schématisme. C'est dommage. Les relations entre les nouvelles castes imaginées par l'auteur auraient pu fournir matière à des analyses plus approfondies.

     Mais ces faiblesses sont atténuées par un style qui, malgré quelques maladresses (et, malheureusement, des erreurs d'orthographe non corrigées par l'éditeur) est brillant, vif et délié, ce qui contribue grandement au plaisir de la lecture.

     Au total, Othon ou l'aurore immobile est un roman de science-fiction atypique et à bien des égards réjouissant. Ne boudons pas notre plaisir.

Robert BELMAS (lui écrire)
Première parution : 1/3/2004 nooSFere


     Autant afficher la couleur dès le début : avec Nicolas d'Estienne d'Orves et Jérôme Leroy (voir critique dans Galaxies n°24), Hélène et Pierre-Jean Oswald tiennent deux remarquables auteurs, les découvertes les plus stimulantes de ces cinq dernières années, des écrivains totalement inconnus du public SF et qui méritent amplement une reconnaissance du milieu et du lectorat spécialisés. J'aimerais écrire que Nicolas d'Estienne d'Orves est le résultat du croisement de Gaston Leroux et de George Orwell, mais à la lecture d'une interview pour zone-littéraire.com, je reprendrai ses influences et le consacrerai comme fils spirituel de Ray, Aymé, Barjavel et Serge Brussolo (ne soyez pas effrayé !).
     Dans la nuit du 13 au 14 juin 2012, à 5h51 (heure française), le temps s'est figé définitivement. Ceux qui vivaient à ce moment-là sont devenus des permanents (des immortels dont l'état physique et intellectuel est tel qu'au moment de la catastrophe). Les enfants des permanents sont des évolutifs qui vieillissent comme vous et moi. Dans ce monde pétrifié soumis à la lueur immuable d'un soleil levant, Etienne Broussard — nègre dans une prestigieuse maison d'édition — est chargé de rédiger la biographie d'Othon Athanaric Sempronius, le président/dictateur/sauveur de la France. Au fur et à mesure de ses entretiens, il va découvrir pourquoi la peine de mort a été rétablie grâce à des jeux du cirque (in)temporels, pourquoi les vieillards immortels deviennent des kamikazes incontrôlables, pourquoi le gouvernement interdit plus d'un enfant par famille, pourquoi les bébés permanents se louent, pourquoi les autres pays sont figés dans des périodes historiques très sombres. Surtout, Broussard va découvrir pourquoi Othon et sa fille lui vouent une attention des plus surprenantes, des plus inquiétantes.
     Impossible de résumer un tel premier roman ! Nicolas d'Estienne d'Orves nous avait déjà foudroyé avec son premier recueil de nouvelles (Le Sourire des enfants morts paru aux Belles Lettres) et continue à nous remuer la cervelle grâce à ce roman de « politique-fiction » comme l'annonce la première de couverture. Ne vous y trompez pas, vous avez affaire à de la SF extravagante, riche, incroyable, grotesque, mais surtout une science-fiction forte, fraîche, exaltante, envoûtante. L'auteur prend à contre-pied ses lecteurs, les entraîne dans des envolées lyriques savoureuses et des scènes cinématographiques dignes de Brussolo et nous concocte un final remarquable à base de concepts éculés. Une magnifique variation, un époustouflant premier roman. Dans l'interview citée plus haut, d'Estienne d'Orves affirmait que ce qui le flattait le plus, c'est qu'on s'endorme chez lui. Raté, impossible, inimaginable. Autant dire que pour les lecteurs de Galaxies, la lecture de Othon ou l'aurore immobile sera un choc, une révélation. Croyez-moi : vous ne verrez plus la science-fiction française du même œil. Contrairement aux habitudes, ne pressons pas Nicolas d'Estienne d'Orves, attendons avec patience son prochain roman ; je suis persuadé que nous serons gâtés. Merci, Monsieur.

Daniel CONRAD
Première parution : 1/9/2002 dans Galaxies 26
Mise en ligne le : 16/2/2004

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