Initialement appelée à devenir grande-prêtresse, Lisane a reçu la meilleure éducation et présente d'impressionnantes prédispositions pour la magie. Mais les Envahisseurs sont arrivés, ont emprisonné son peuple et ravagé sa planète ; elle est cependant parvenue à s'enfuir à bord d'une petite navette, qui s'est écrasée dans la forêt d'un monde inconnu. Après un an de survie difficile, elle est recueillie par l'académie de magie locale ; puis elle partira pour son voyage d'initiation, au cours duquel elle découvrira une société austère et inégalitaire.
Il convient d'abord de ne pas se laisser abuser par la quatrième de couverture qui spécifie que « [l'auteur] orchestre les noces de la fantasy et de la science-fiction. » De la fantasy, il y en a, dans sa tradition la plus classique : au cours de son voyage initiatique, Lisane évolue dans une société médiévale-fantastique tout à fait commune. De la science-fiction, en revanche, point : l'action se déroule intégralement sur cette même planète médiévale. Tout au plus pourra-t-on vaguement entendre parler d'autres planètes et d'Envahisseurs extraterrestres.
En revanche, quand cette même quatrième de couverture prévient que ce livre est « rythmé comme une sitcom », elle ne prend certainement pas le lecteur en traître. Lisane, la magicienne sans nom a effectivement de nombreux éléments en commun avec les sitcoms, mais en quoi est-ce un compliment ? La narration, plutôt superficielle, est pour le moins téléphonée. Les personnages sont presque tous archétypaux, du mentor timide à l'enchanteur tout-puissant, calculateur mais bienveillant. Et le voyage initiatique de Lisane n'est que prétexte à diverses amourettes.
Tout cela ne constituerait pas d'obstacle majeur en soi ; il existe d'excellents divertissements basés sur des éléments semblables. Non, le problème, c'est Lisane elle-même. Cette adolescente en pleine crise fait un brillant étalage de réactions incohérentes, contradictoires et indécises du début à la fin du récit. On pourrait espérer que son éducation, la destruction de sa planète, ou les épreuves qu'elle traverse lui apprennent la prudence, la gravité, ou la réflexion avant l'action. Que nenni. Son égocentrisme rare n'est hélas pas compensé par ses capacités d'adaptation et sa vivacité d'esprit. Ce comportement pour le moins irritant risque donc fort de démotiver plus d'un lecteur — même s'il pourrait plaire à d'autres. Et si l'on fait abstraction de cet élément majeur, il ne reste pas grand-chose de marquant. Tout cela est un peu fade. Seule l'opposition de deux visions de la magie, l'une obscurantiste et répressive, l'autre animiste et respectueuse, sort un peu de l'ordinaire.
Il ne s'agit cependant que du premier volume de la série. L'univers a un grand potentiel, qui reste à exploiter. Espérons voir par la suite ces fameuses noces de la SF et de la fantasy — et un personnage central un peu moins... tête à claques.
Lionel DAVOUST (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/6/2002 dans Galaxies 25
Mise en ligne le : 1/2/2004