J'AI LU
(Paris, France), coll. Millénaires n° (6062) Dépôt légal : septembre 2001 Première édition Anthologie, 450 pages, catégorie / prix : 15 € ISBN : 2-290-31345-9 Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
« L'amour, la sexualité, la passion. Fantasmée, exaltée, inassouvie, sous toutes ses formes, dans tous ses émois. Le sexe comme moyen, comme but, comme arme, comme sujet d'étude... Dix-huit visions du transport amoureux, de ses errances, de ses mystères, de ses enfers, explorées pour vous par dix-huit auteurs masculins d'Europe et d'Amérique.
Après l'anthologie Cosmic Erotica, où dix-sept écrivaines de l'imaginaire ont réagi à ce cri du coeur — parlez-nous d'amour ! — c'est au tour des hommes oeuvrant dans le même domaine d'aller au bout de leurs désirs, de mettre à nu leurs sentiments. Et, surprise, un cliché s'effondre : avoir toute licence de se livrer à eux-mêmes n'a pas rendu pour autant les auteurs licencieux, pornographes ou libertins. Alors que leurs homologues féminins osaient aborder crûment la violence des rapports amoureux, les écrivains rassemblés dans le présent ouvrage crient leur quête passionnée de l'autre, de l'âme-soeur qui donnera peut-être un nouveau sens à leur vie. Romantique ? Sensuelle ? Possessive ? Sexiste ? L'approche masculine de l'amour présentée ici tord une fois de plus le cou aux idées reçues.«
Jean-Marc Ligny
Dix-huit nouvelles inédites de Clive Barker, Armando Boix, Pierre Bordage, Jean-Claude Dunyach, Andreas Eschbach, Valerio Evangelisti, Patrick Eris, Neil Gaiman, Marcus Hammerschmitt, K.W. Jeter, Serge Lehman, Jean-Marc Ligny, Henryk H. Loeyche, Luca Masali, Paul J. McAuley, James Morrow, Roland C. Wagner et Arthur Zeven.
La nuit, quand les gens honnêtes rêvent de leurs feuilles d'impôts ou de l'émoustillante poitrine de leur voisine, toute une part de la richesse insoupçonnée du monde se réveille : les jouets sortent de leurs coffres pour protéger les enfants endormis, les statues se mettent à danser sous une Lune complice, et, dans les hypermarchés du sud parisien, les haut-parleurs se mettent à crachoter : « Le petit Serge Lehman est attendu à l'accueil par ses lecteurs. » Après un long silence que seule une sympathique nouvelle dans Destination 3001 avait entamé, « Magma » marque le retour de Serge Lehman. À première vue, c'est un texte inepte, navrant et grotesque, narrant une fiesta-partouze sur un yacht gigantesque. Mais c'est surtout la preuve, s'il fallait encore l'apporter, que Serge Lehman est un écrivain complètement bloqué dès qu'il s'agit de parler de la chose sexuelle (difficile d'oublier les scènes de cul ridicules d'Aucune étoile aussi lointaine). Pour le reste de cette anthologie, on lira de très bonnes nouvelles de Luca Masali, Neil Gaiman, Henryk H. Loyche, Clive Barker, James Morrow... Et surtout un chef-d'œuvre, le texte de K.W Jeter, où l'auteur californien se lance dans un ballet d'Eros et de Thanathos en milieu hospitalier, une mise à mort à glacer le sang. Par ailleurs, on notera l'abyssale faiblesse de la sélection francophone, dont le meilleur texte est de loin celui de Roland C. Wagner, ayant le bon goût de ne pas se prendre au sérieux. Et on s'amusera beaucoup à lire l'avant-propos de Jean-Marc Ligny, qui enfonce à peu près autant de portes ouvertes que les chariots de réanimation dans une saison d'Urgences.
Pour conclure, voilà une anthologie à la lecture facile que le texte de K.W Jeter et, dans une moindre mesure, celui de Luca Masali, transforment en livre incontournable. On achète, et vite !
Si Cosmic Erotica(critiqué dans Galaxies n° 17) était composé de 17 textes d'auteurs féminins, ce deuxième volet réunit 18 nouvelles d'écrivains masculins. Une bonne manière, somme toute, de mettre en miroir deux approches du sujet — sexe et science-fiction — que l'on peut pressentir très différentes. De fait, dans sa courte et excellente préface, Jean-Marc Ligny brosse un tableau assez complet de ce qu'est devenue cette séculaire opposition des sexes. À quelques exceptions près, comme le texte de Henrik Loyche, les nouvelles présentées ici sont avant tout basées sur la réflexion intérieure. La portée sociologique qui faisait souvent l'intérêt des textes féminins n'a pas été la préoccupation principale des auteurs d'Eros Millenium : ils ont préféré chercher en eux-mêmes la terra incognita qu'explore traditionnellement la science-fiction. Mais, bien que les auteurs s'appuient sur d'intéressantes visions (Serge Lehman, Valerio Evangelisti ) ou introspections (Armando Boix, Andreas Eschbach), le lecteur reste souvent sur l'impression d'inachevé qui accompagne parfois l'écriture la plus intimiste. On notera toutefois la nouvelle de K.W. Jeter, sensible et lucide (mais totalement mainstream, tant pis pour les allergiques), et celle de James Morrow, cristallisant une conviction qui dans un tel cadre, s'impose comme fondamentale. Certaines autres par contre n'ont que l'intérêt de leur histoire — et encore, pour qui aime le style.
Mais l'émotion peut gagner au fil des pages ce que la réflexion y perd : il est bien plus question d'amour ici que dans Cosmic Erotica, et nombre de textes évoluent dans un sentimentalisme et un romantisme qui tranchent avec la crudité violente des nouvelles féminines. De quoi bousculer certaines idées (paraît-il) reçues.
Par ailleurs, on constate qu'à l'exception peut-être de Luca Masali, aucun des auteurs n'a pris le parti (risqué, on le sait) de prendre le point de vue d'un personnage de l'autre sexe, comme certaines de leurs homologues l'avaient fait. Ce constat, mis en parallèle avec celui que la plupart des textes des deux volumes sont écrits à la première personne, rappelle que la sexualité est un sujet personnel qui ne demande qu'à le rester.
À chacun de trouver son compte dans cette double anthologie, en espérant qu'il le guidera vers une meilleure compréhension de l'Autre.
Xavier NOY Première parution : 1/12/2001 dans Galaxies 23 Mise en ligne le : 2/12/2008