Tout le monde se rappelle l'histoire d'Un bébé pour Rosemary grâce au film qu'a réalisé Roman Polanski, à partir d'un roman écrit en 1967. Ce récit paranoïaque, où de charmants voisins deviennent progressivement de plus en plus inquiétants, est d'autant plus terrifiant que le personnage de Rosemary est ordinaire, et bien banal son quotidien où le fantastique fait son entrée de manière insidieuse. On se souvient aussi que le fameux bébé n'est autre que le fils de Satan...
Une fois le frisson passé, il est tentant de se demander ce qui se passerait si le Diable parvenait à ses fins. On accueille ainsi cette suite, écrite en 1997 (soit exactement trente ans plus tard), avec une certaine nostalgie mêlée de curiosité.
Hélas...
Quand Rosemary se réveille miraculeusement d'un long coma de 27 ans, elle découvre qu'Andy, son fils, est devenu un charismatique leader religieux. Le lecteur – à qui on ne la fait pas – comprend aussitôt que ce fiston est bien trop gentil pour demeurer longtemps honnête : le suspense ne joue plus, puisque nous savons déjà que Satan n'est pas loin. La paranoïa fonctionne mieux avec le doute.
A peine déboussolée dans ce présent qu'elle ne connaît pas, Rosemary se remet vite en selle et fait preuve d'une belle énergie : la voilà qui passe à la télévision et qui suit son fils pour prêcher la bonne parole à ses côtés. Il lui faudra un certain temps pour se rendre compte que quelque chose cloche, au point qu'on souhaiterait la secouer pour lui ouvrir les yeux. Le récit s'étire en longueur car Rosemary s'arrange pour repousser les révélations finales, par exemple en refusant d'écouter ceux qui souhaiteraient la mettre en garde.
L'intrigue traînaille ainsi jusqu'à ce que nous apprenions enfin quel vaste complot prépare Andy pour l'an 2000. Quoi ? C'est tout ? Le fils de Satan n'aurait trouvé qu'un minable stratagème pour anéantir l'humanité ? Un truc même pas digne d'un savant fou et dont la réussite est d'emblée plus qu'improbable ?
Laissons la surprise (si l'on ose dire) du dénouement au lecteur qui désirera tout de même se lancer dans ce thriller poussif. On notera seulement que la réussite du fameux plan dépend de la célébration de l'an 2000 dans le monde entier. Levin semble oublier que d'autres calendriers existent et qu'il est peu probable qu'un leader se réclamant du christianisme convainque les adeptes d'autres religions de le suivre. Mais peu importe les détails, le plus attristant est de voir à quel point le Diable manque d'imagination et d'efficacité.
Bref, voici un roman qu'il n'est pas indispensable de lire et qui n'ajoutera pas grand chose à la gloire de son auteur. Il vaut mieux se rappeler les classiques que sont devenus Un bonheur insoutenable, Les femmes de Stepford ou encore Ces garçons qui venaient du Brésil.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 2/8/2001 nooSFere