Les conditions de vie sur Terre deviennent de plus en plus difficiles, à cause des dérèglements causés par l'homme sur l'environnement. A tel point que ce pourrait bien être la fin de la civilisation.
A Cambridge, John Renfrew tente alors une expérience de physique qui semble incroyable : il s'agit d'établir une communication avec des savants du passé grâce aux propriétés des tachyons. But de l'opération : leur permettre d'éviter les erreurs qui ont conduit l'humanité dans une impasse. Plus incroyable encore, en ces temps ou l'argent public est réservé en priorité aux problèmes les plus urgents, les autorités soutiennent l'expérience par l'intermédiaire d'un de leurs représentants, pris au jeu de cette entreprise insensée qui sonne comme le dernier espoir de l'humanité.
En Californie, en 1963, Gordon Berstein un autre physicien se heurte lors d'une expérience à un phénomène inattendu : un incompréhensible bruit parasite vient perturber les résultats. Ce qui est d'abord pris pour une défaillance matérielle est peut-être la prémisse d'une découverte fondamentale. C'est en tout cas ce que finit par penser Gordon, au point de mettre en danger sa carrière et sa vie de couple afin de résoudre ce mystère.
Gregory Benford est lui-même physicien et on sent qu'il connaît bien le milieu décrit dans ce roman. La vie quotidienne d'un chercheur y apparaît dans ses moindres détails, complètement démythifiée et bien loin des clichés. La communauté scientifique y est décrite sous toutes ses facettes, pas toujours flatteuses d'ailleurs. On y assiste à de longues et fastidieuses expériences dont les résultats sont aux mieux incertains. Les relations entre collègues sont parfois tendues par des rivalités déplacées où le souci du prestige personnel l'emporte parfois sur la découverte scientifique, du moins pour certains vieux savants aigris. Le plus étonnant est de découvrir le manque d'ouverture d'esprit qui amène le rejet de découvertes remettant en cause des théories bien établies.
Gregory Benford brosse donc avec Un paysage du temps un portrait précis, méticuleux et sans complaisance du monde scientifique. Mais non sans une certaine tendresse. Ainsi, toutes les épreuves, toutes les heures perdues, les interrogations, les déceptions trouvent-elles leur compensation lors de la découverte, instant magique et si bref de la compréhension, dont l'auteur restitue toute l'exaltante intensité.
Un paysage du temps aurait pu être un roman rébarbatif. D'ailleurs nul doute que ce sera l'avis de certains lecteurs totalement allergiques à la science. Pourtant Gregory Benford parvient à maintenir un équilibre délicat où s'entrelacent la vie privée de ses personnages et la description du milieu scientifique. La menace qui pèse sur l'humanité conduit au recours à une forme de voyage dans le temps, un thème classique de la science-fiction traité ici avec une grande rigueur, la trouvaille de l'auteur pour expliquer les paradoxes étant particulièrement habile. L'alternance du passé et du présent et l'opposition de deux époques différentes dynamisent également le récit. Mais ce roman est avant tout une ode un peu nostalgique à la science et à la curiosité face à l'univers ; une oeuvre à l'atmosphère envoûtante, avec une galerie de personnages si riches et si fouillés qu'on a l'impression d'avoir partagé un moment de la vie des protagonistes. Ce n'est pas une mince réussite.
Frédéric BEURG (lui écrire)
Première parution : 25/3/2001 nooSFere