GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 40 Dépôt légal : décembre 2000, Achevé d'imprimer : 8 décembre 2000 Recueil de nouvelles, 240 pages, catégorie / prix : F6 ISBN : 2-07-041771-9 Format : 11,0 x 17,8 cm Genre : Science-Fiction
Autour de la Maison Usher ne cesse de s'étendre un trou immense et improbable, un ravin aux profondeurs bientôt insondables qui menace d'engloutir l'antique demeure. Fils du propriétaire des lieux, Rodrigue n'y voit qu'un moyen pour son insupportable géniteur de se rendre intéressant. Il sera pourtant bien obligé de se réconcilier avec lui pour éviter la chute de la Maison Usher.
Avec les trois récits de La Maison Usher ne chutera pas, prix du jury littéraire au festival de Gérardmer 1999, Pierre Stolze nous invite à découvrir une Lorraine magique et décalée, où les dragons s'attaquent aux centrales nucléaires et où les barres H.L.M. abritent d'étranges armées.
Où veillent malicieusement, suspendues dans le ciel, des étoiles aux noms mythiques...
Né en 1952, Pierre Stolze a soutenu en 1994 une thèse de doctorat sur La rhétorique de la science-fiction. Professeur de lettres classiques, il est également l'auteur de plusieurs romans et recueils dont Cent mille images (Editions Denoël), récompensé par le prix Rosny Aîné 1991.
1 - Élucidation du Gouzipanpan, pages 7 à 55, nouvelle 2 - Le Déménagement, pages 57 à 133, nouvelle 3 - La Maison Usher ne chutera pas, pages 135 à 235, nouvelle
La maison Usher ne chutera pas ? Peut-on alors s'intéresser à ce non-événement, même s'il s'agit de l'un des plus remarquables depuis que la guerre de Troie n'a pas eu lieu ?
Dans ces trois longues nouvelles, les narrateurs doivent faire face à des obligations familiales : l'un a une nièce à garder, l'autre une tante à déménager, le dernier un père à supporter... Au départ, rien d'extraordinaire, en dehors de quelques patronymes inhabituels ou de quelques exigences étonnantes... Pourtant, subtilement et sans effet théâtral, le récit glisse vers un fantastique absurde et poétique, qui doit plus au merveilleux qu'à l'horreur.
A l'instar de celui de Matheson, le fantastique de Pierre Stolze plonge en effet ses racines dans le quotidien le plus banal. Mais alors que Matheson distille angoisse et terreur, le climat est ici à l'ironie et à l'optimisme... Bourrées de références littéraires ou cinématographiques, ces nouvelles prennent des allures d'allégories, mais avec malice et bonne humeur, grâce et légèreté.
Un immeuble semble contenir l'univers, un dragon s'envole pour un destin inconnu... Pierre Stolze n'explique guère, et le lecteur devra donc se débrouiller seul pour chercher un sens à ces images fortes et mystérieuses. L'intrigante nouvelle qui donne son titre au recueil présente d'ailleurs de nombreuses similitudes avec le très étrange album La fièvre d'Urbicande des Cités obscures de Schuiten et Peeters : un phénomène physique inexplicable prend une ampleur impossible peut-il refléter un trouble mental ? , puis cesse subitement... Quelle morale doit-on en tirer ? Y'a-t-il même une morale à en tirer ?
Finalement, ce non-événement est un joli moment qu'il serait bien dommage de manquer…
Dans ces trois récits, Pierre Stolze œuvre dans un registre devenu fort rare : un fantastique jovial, le genre de fantastique qu'on n'a guère de chance de lire dans la plupart des collections, à moins que Pocket ne se décide à rebaptiser son label « Terreur » en « Bonne Humeur », et J'ai Lu ses « Ténèbres » en « Clarté Enjôleuse ». Bref, un fantastique pas effrayant pour deux sous, et même plutôt rigolard, où les petites filles ont pour copine des créatures célestes, où les monstres les plus répugnants sont toujours prêts à vous filer un coup de main, et où les vieillards esseulés sont capables de creuser un trou profond de plusieurs kilomètres uniquement pour faire leur intéressant. Une seule fois, dans « Le Déménagement », Stolze opte pour une ambiance plus angoissante, le temps de quelques pages, et le contraste est alors saisissant. Mais l'impression ne dure pas, et le chapitre se termine sur cette sentence sans appel : « Ouais, demain est un autre jour. » Evidemment, vu ainsi, pourquoi s'inquiéter ? D'ailleurs, lorsque son ami se met à imaginer les pires catastrophes, l'un des protagonistes saura le remettre dans le droit chemin par un imparable « Tu délires ! Tu lis trop de Brussolo ! »
L'intérêt de ces trois contes doit également beaucoup à l'écriture de l'auteur, qui manie comme personne et avec un appétit vorace le procédé d'accumulation, sans jamais lasser le lecteur. Il fait montre d'une telle gourmandise narrative, et ses personnages sont pour la plupart tellement extravagants, que l'on ne peut suivre qu'avec délectation leurs pérégrinations. Dans ces conditions, le titre de ce recueil apparaît comme une véritable profession de foi : non, cent fois non, la maison Usher ne chutera pas. Pourquoi voudriez-vous qu'elle chute, d'abord ? En voilà une idée...