North Pacific Station, évoquée dans le tome IV de La Compagnie des Glaces, n'a pas toujours été une ville fantôme.
Au moment où débute ce récit, cette cité rebelle est en situation de sécession depuis deux ans. Lorsque la dissolution de la Confédération dont elle faisait partie a été prononcée, ses cent mille habitants ont majoritairement refusé de se fondre dans la nouvelle Compagnie Panaméricaine. Depuis, la ville en pleine décadence, dominée par les Gentlemen du Rosaire, subit un blocus économique et tente d'oublier ses soucis dans des jeux du cirque où les baleines ont la vedette.
Motivée par les problèmes de ravitaillement, une émeute éclate et se transforme rapidement en guerre civile. Il n'en fallait pas davantage à la flotte de guerre panaméricaine pour envahir la cité à moitié détruite par les bombardements.
Au milieu de ce chaos, le vétérinaire Reyès Alborne et ses compagnons vont tenter de s'enfuir en passant sous la banquise de l'océan Pacifique. Pour cela, ils vont utiliser des baleines apprivoisées sur la tête desquelles des habitacles ont été greffés.
G.-J. Arnaud est l'auteur de La Compagnie des Glaces, célèbre série de SF en cours de réédition au Fleuve Noir. Pour d'impérieuses raisons liées à la caste des Aiguilleurs, certains points de cette civilisation ferroviaire étaient restés dans l'ombre. Les Chroniques Glaciaires tirées des fonds secrets de la Bibliothèque d'Archives Manuelles de Karachi Station, se proposent maintenant de vous les dévoiler.
1 - Philippe JOZELON, Le Vétérinaire Reyès Alborne, pages 7 à 7, illustration
Critiques
En attendant la reprise annoncée de la Compagnie des glaces sous forme d'une nouvelle saga continue, Arnaud continue de distiller des épisodes détachés, d'explorer des pans oubliés de la première série à partir de nouveaux personnages. Ici, abandonnant espace profond, planétoïdes organiques et débats culinaro-politiques entre sucré et salé, il revient au point de départ, au froid, à la banquise et au rail. Ou plutôt aux stations. A l'une d'elle, évoquée il y a longtemps. Pour raconter son histoire de cité sécessionniste reprise par un réseau, entre guerre de conquête et conflits intestins, force et trahison. Ou plutôt pour parler de chasseurs au front bas, de juge pervers se plaçant au-dessus de la loi, et du sado-masochisme de militaires jouissant tout autant d'obéir que de commander — qu'on se rassure, c'est de la SF. Et pour parler aussi et surtout de baleines et d'orques, d'aquatiques jeux du cirque qu'un blocus et la déglingue condamnent, d'évasion (tant pis si on pense à Sauvez Willy, d'autant qu'il y a un enfant, une fillette cette fois, pour parler au cétacé), de greffes et de l'origine des Hommes-Jonas. On bénéficie du triple plaisir des ficelles du récit d'aventures, du retour de ce qui est connu, et de l'approfondissement qui permet d'y trouver du nouveau. Même si ça peut se lire vite, cela fera agréablement passer une fraction de l'hiver prochain.