Il se pourrait que la mante “au fil des jours” se prénomme Elisabeth. Mais alors, quel est l’âge d’Elisabeth : dix-huit ans ou deux cent cinquante-deux ans ? Qui est-elle vraiment : une jeune fille belle et désirable, ou bien une vieille dame ridée et inquiétante ? Depuis qu’Elisabeth est entrée dans sa vie, Jacques Bréal n’est plus le même — tour à tour passionné et indifférent, plein d’énergie et languissant. Son père se plaisait à raconter l’histoire d’une mante religieuse... mais d’autres y verront les maléfices d’une autre Carmilla. Thomas Owen, enthousiasmé par ce roman, dira toute son admiration à sa “Chère cousine en fantastique” et aj otuera plsu tard : “Une histoire de vampire comme je les aime, insidieuse, ambiguë, menée délicatement dans une atmosphère d’érotisme et de bonne compagnie.” Entre la vie et la mort, entre le rire et les larmes, Christine Renard (1929-1979) se consacra entièrement à l’approche des frontières impalpables. Ecrivain du trouble psychologique, le fantastique et la science-fiction furent ses terrains d’élection. Entrez dans le monde de Christine Renard, mais restez sous vos gardes, car sous le vent des ténèbres l’eau limpide de ses fictions se trouble et laisse le lecteur désemparé.
1 - André-François RUAUD, Préface, pages 9 à 19, article 2 - La Mante au fil des jours, pages 23 à 206, roman 3 - Le Rendez-vous (La chambre de Claude), pages 207 à 212, nouvelle 4 - Le Fond de la bouteille (Le vin de corail), pages 213 à 220, nouvelle 5 - Le Goût du sel, pages 221 à 236, nouvelle 6 - À la croisée des parallèles, pages 237 à 243, nouvelle 7 - De l'autre côté, pages 245 à 266, nouvelle 8 - Le Crocodile, pages 267 à 291, nouvelle 9 - Lettre perdue (Une bouteille à la mer), pages 293 à 302, nouvelle 10 - Transistoires, pages 303 à 322, nouvelle 11 - Dansons la capucine, pages 323 à 347, nouvelle 12 - Le Jour des comptes, pages 349 à 362, nouvelle 13 - Miroir, miroir..., pages 363 à 395, nouvelle 14 - La Vague, pages 397 à 409, nouvelle 15 - Châteaux de cubes, pages 411 à 430, nouvelle 16 - Car il faut que jeunesse se passe, pages 431 à 454, nouvelle 17 - Side effects, pages 455 à 463, nouvelle 18 - Aux abords des sources, pages 465 à 474, nouvelle 19 - Tendre humanité, pages 475 à 494, nouvelle 20 - André-François RUAUD, Bibliographie des œuvres de fiction de Christine Renard, pages 495 à 503, bibliographie
Critiques
La sixième livraison de l'excellente « Bibliothèque du Fantastique » des éditions Fleuve Noir est un événement espéré en vain pendant plus de quinze ans, tellement l'œuvre de Christine Renard semblait vouée — comme celle d'autres auteurs frappés par une injuste malédiction — à disparaître peu à peu des mémoires. Cette parution nous touche d'autant plus que nous avions tenté — dès les années quatre-vingt, avec l'aide d'Éric Vial — de faire aboutir semblable projet. Félicitons donc André-François Ruaud de l'avoir mené à bien.
Les intégristes du fantastique, comme ceux de la SF, auront cependant matière à s'échauffer puisque Ruaud pratique allègrement le mélange des genres en proposant sous le titre La Mante au fil des jours, nom du roman éponyme qui ouvre le volume, dix-sept nouvelles qui se répartissent à peu près également entre les deux genres.
Curieusement, à l'exception de La Mante au fil des jours (sans oublier Le Crocodile, la remarquable nouvelle dont est tiré le roman), qui reste, avec la Carmilla de Le Fanu, l'un des chefs-d'œuvre du thème vampirique — c'est le fantastique de Renard qui s'est le plus démodé. On n'écrirait plus aujourd'hui de textes aussi surannés que Le Rendez-vous — une histoire de revenant conventionnelle — ou Le Jour des comptes — au Diable guère effrayant ! Lire ces textes, c'est saisir la distance qui sépare ce fantastique un peu désuet de la terreur contemporaine. Que l'on se rassure : la remarque vaut pour ces deux textes et quelques autres brefs récits d'archéologie littéraire, mais ne concerne pas l'essentiel du volume, à commencer par Miroir, miroir, inquiétante nouvelle que Dorémieux devait publier dans Territoires de l'inquiétude. Ce fantastique-là n'est certes pas celui que publie d'ordinaire Ténèbres mais les meilleurs textes de Christine Renard sont de petits bijoux de perversité et de ressort dramatique. Mai 68 a en effet permis à l'auteur de se libérer d'un puritanisme issu du gaullisme et le lecteur attentif notera le nombre significatif de lesbiennes ou de bisexuelles chez Renard, dans ses textes fantastiques comme de SF.
Mais plus largement, comme l'a noté fort justement Élisabeth Vonarburg, les thèmes sans cesse abordés par Christine Renard sont « la beauté de l'inconnu, la peur surmontée, l'univers élargi. » Cela méritait bien cette Mante au fil des jours.