Le Sherlock Holmes de la Sainte Inquisition est de retour : cette fois son enquête conduit Eymerich en France en 1358, à Castres, où il va devoir combattre le règne de terreur des « masc », une secte aux rites impies et sanglants.
Mais les conséquences de son intervention dans la cité, où la lutte pour le pouvoir faut rage entre les Montfort et les Armagnac, dépasseront de loin l'éradication d'une bande d'hérétiques.
Car devant le grand inquisiteur se dresse le spectre de la Mort Rouge...
En tête des listes de best-sellers en Italie, couronné en France par le Grand Prix de l'Imaginaire et le Prix Tour Eiffel, Valerio Evangelisti nous offre avec Le corps et le sang d'Eymerich l'aventure à ce jour la plus cruelle de son personnage-culte. Des aveuglements de l'Inquisition au racisme du Ku Klux Klan, de la guerre d'Algérie à l'assassinat de Kennedy, d'effrayants parallèles historiques s'y dessinent.
Ce troisième volet des aventures d'Eymerich est dans ses thèmes et sa construction assez proche du second tome, Les chaînes d'Eymerich.
L'effet de surprise joue donc un peu moins, et le récit paraît un peu plus sage que le précédent, les histoires du passé et du futur semblant davantage parallèles qu'intriquées.
Centrée sur les manipulations génétiques et médicales, les armes bactériologiques et le racisme, l'intrigue demeure toutefois passionnante, et nous sommes à nouveau étonnés par la virtuosité et la maîtrise de l'auteur, qui réussit à construire des histoires à la fois complètement folles et parfaitement cohérentes.
Eymerich s'y révèle de plus en plus austère, machiavélique et intransigeant - pour tout dire détestable - mais d'une efficacité à toute épreuve.
Ceux qui ont apprécié les deux premiers épisodes seront donc enchantés de retrouver ce singulier personnage...
Le troisième volume des aventures de Nicolas Eymerich confirme les promesses des précédents. On retrouve la mise en parallèle d'une enquête menée au XIVe siècle et d'aspects peu ragoûtants de notre passé immédiat et d'un futur proche effrayant. D'un côté, à Castres et aux alentours, sur fond de politique internationale et de guerre de Cent ans, on a des paysans égorgés, des cathares, des gnostiques, et un inquisiteur aussi brillant qu'effroyable, même si ses faiblesses transparaissent fugacement. De l'autre, le Ku-Klux-Klan des années cinquante, l'OAS en 1962, les réfugiés anticastristes et — un instant — Lee Harvey Oswald, le suicide de la secte de Jonestown en 1978, la guerre du Golfe et ses bombes fuel-oil, avant l'anémie falciforme de Metallica (cf. Galaxies n° 11). Avoir lu cette dernière nouvelle, située un peu après la conclusion du volume, nuit à peine au suspense.
On pourrait chipoter. Chez un autre auteur, on s'inquiéterait d'une maladie qui ne s'en prend qu'aux « gens de couleur » — Arabes compris — avant que la suite remette les pendules à l'heure, doublement (mais on ne peut écrire « heureusement »). La sympathie pour le gourou de la secte déjà évoquée peut également énerver. Mais ces aspects sont noyés sous tous les autres. Il y a plus de folie dans le volume suivant, Le Mystère de l'inquisiteur Eymerich, encore plus de travail et de construction dans celui d'après, Cherudek, mais avec ce roman-ci, on a déjà et encore un mélange remarquable et jamais gratuit entre les époques, entre des inquiétudes tout à fait actuelles et les efficaces ficelles du roman populaire, et surtout entre roman historique, fantasy apparente, science-fiction réelle et politique-fiction. De quoi accrocher ceux qui ne jurent que par le mainstream, et passionner les lecteurs de Galaxies, conjonction encore plus rare et plus précieuse que les précédentes.
Pour sa troisième aventure, Nicolas Eymerich, inquisiteur d'Aragon, se rend à Castres, en 1358, pour enquêter sur la secte des masc buveurs de sang. Il y rencontrera également quelques cathares, et ceux qui ont lu Les Chaînes d'Eymerich 1 ont sans doute déjà commencé à se frotter les mains à l'idée d'apprendre comment il a gagné son surnom de Saint Mauvais. Parallèlement, au XXe siècle, un savant fou propose à diverses factions extrémistes – Ku Klux Klan, OAS, etc. – de propager une maladie mortelle pour les gens de couleur, l'anémie falciforme, qui a pour conséquence une gigantesque hémorragie de tous les vaisseaux sanguins.
Sur cette base peu ragoûtante, Valerio Evangelisti a construit un roman d'horreur et de suspense plutôt enlevé et dynamique. Tout va très vite dans cette histoire, où le roman policier médiéval se taille la part du lion par rapport à la S-F réduite ici à la portion congrue – sauf dans les dernières pages où elle revient en force. Outre une documentation historique toujours impressionnante, on retiendra notamment la frappante description de Castres, avec ses murs rougis par la teinture de garance, et quelques affreux personnages au côté desquels Eymerich finirait par paraître presque sympathique. L'intérêt principal du livre est d'ailleurs le développement de la personnalité de l'inquisiteur, qui révèle ici des aspects insoupçonnés, et notamment une propension à la pitié dont on ne se serait pas douté au vu des épisodes précédents – une propension, toute relative, rassurez-vous, et qui ne l'empêchera pas de jouer du briquet au détriment des hérétiques.
A l'évidence, Le Corps et le sang d'Eymerich est un roman de transition qui, derrière son apparente simplicité, procure d'intéressants indices sur le mode de composition de la série dans son ensemble. Les psytrons du premier volume établissaient un lien direct entre les deux lignes de narration, puisque l'expédition du Malpertuis et l'enquête d'Eymerich se déroulaient pour ainsi dire simultanément par la vertu du voyage dans l'imaginaire. Dans le second, la relation entre les intrigues parallèles se limitait à l'exploitation à l'époque moderne des anomalies médiévales. Le troisième reprend ce dernier schéma en le simplifiant : cette fois, l'anomalie est unique. Aux manipulations génétiques tous azimuts de la RACHE succède l'obsession d'un savant fou raciste. Mais les conséquences en seront, historiquement parlant, bien plus considérables. Véritable prologue à « Métallica » 2,Le Corps et le sang d'Eymerich n'est peut-être pas le meilleur livre pour découvrir le terrible inquisiteur car il semble de prime abord manquer d'ampleur, mais les perspectives qu'il ouvre en filigrane devraient titiller agréablement les neurones des habitués de la série – en attendant impatiemment le prochain volume, où le chaste dominicain rencontre un célèbre psychanalyste adepte de l'énergie orgasmique...
Notes :
1. Bien qu'il soit le précédent titre de la série, Les Chaînes se déroule après Le Corps et le sang – du moins, en ce qui concerne la partie moyenâgeuse. 2. Cette novella, parue dans Galaxies n° 11, qui présente un dossier Evangelisti, est la première du recueil Métallo Urlante, qui décrit un avenir dystopique.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesJean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantasy (liste parue en 2002) pour la série : Eymerich Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000) pour la série : Eymerich