2029 : on s'apprête à célébrer le soixantième anniversaire des premiers pas de l'homme sur la Lune, à présent habitée par une communauté de scientifiques, et quelques riches redoutant la guerre nucléaire.
Car le vieil appétit humain de domination n'a pas disparu... A preuve ces télescopes installés sur le satellite terrestre, et qui, derrière les aparences d'une démocratie mondialisée, exercent leur surveillance sur les habitants de la Terre.
Membre d'une organisation secrète de résistance, Michel Vivien a justement pour mission de contribuer à les détruire. Mais pourquoi Estrella, son amante, le supplie-t-elle de ne pas obéor à ces instructions ? Et quel démon pousse Vivien, aux prises avec un regret lancinant de la vie simple et confiante qu'il a connue jadis, à utiliser cet oeil cosmique pour surveiller son ancienne épouse ?
Dans l'envoûtement à la fois angoissant et serein du paysage lunaire, à mi-chemin de l'anticipation et du conte philosophique, Eric Faye nous invite à une interrogation sur l'éternelle blessure de l'homme.
Le dernier roman d'Eric Faye est une belle réflexion sur ce que les hommes ont osé faire de la liberté.
Marie-Laure Delorme, Le journal du dimanche
Il faut compter désormais avec cet écrivain exceptionnel.
Pierre Billard, Le point
Critiques
Parij n'avait pas convaincu les fans de SF. Mais Eric Paye a d'autres livres à son actif, une thèse où, sans se limiter au genre, il n'écrit pas de bêtises sur lui (Dans les laboratoires du pire, totalitarisme et fiction littéraire au XXe siècle, José Corti, 1 993), et, à côté d'essais sur Ismaïl Kadaré, ce roman, publié d'abord chez Stock en 1999.
On est sur la Lune, en 2029, dans la base européenne peuplée de savants dont les noms renvoient à Jules Verne. Un télescope géant permet d'observer la Terre, et de voir jusqu'à un enfant dans une cour d'école. Et ce Big Brother prêt à s'armer de lasers inquiète assez pour qu'un réseau secret de savants veuille le saboter. Une allusion à Chomsky et quelques tirades sur une démocratie mondialisée supposée être le comble du totalitarisme semblent renouvelées de la science-fiction politique d'il y a vingt ans, revue par José Bové, mais on a aussi les arguments inverses. Et surtout, le récit préserve l'ambiguïté, d'autant que des masques et des rôles ne peuvent que permuter dans une affaire d'agents doubles. C'est une littérature non pas consolatoire, mais dérangeante. Tant mieux. Et cela n'interdit pas le suspense, même dans la seconde partie du roman, pourtant en flash-back, à partir d'un aboutissement funèbre dont on découvre les causes, sans être à l'abri d'un rebondissement, assez différent il est vrai de la tradition du roman-feuilleton.
S'y ajoutent des considérations sur les effets de la conquête spatiale, et du spectacle de la Terre vue d'en haut. Et puis une intrigue psychologique, avec moins la maîtresse « lunaire » du personnage principal que son ex-épouse et leur fils, vus d'en haut, de cour d'école en vacances, du Sud-Ouest à Cancale, de regrets en jalousie tant il est dur de voir « l'autre » refaire sa vie, et tentant de déléguer à l'enfant la tâche d'éjecter poliment un intrus. Ce n'est pas ce qui intéressera le fan, mais contribue à la richesse d'un livre qui sans marquer une étape dans la SF, relève bien du genre, et est tout aussi acceptable par nous, ses amateurs, que par ceux qui le dénigrent a priori.