DENOËL
(Paris, France), coll. Lunes d'Encre Dépôt légal : novembre 1999, Achevé d'imprimer : octobre 1999 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 95 FF ISBN : 2-207-24790-2 Format : 14,0 x 20,5 cm✅ Genre : Fantastique
Quatrième de couverture
Dans l'Irak de l'après guerre du Golfe, une équipe archéologique découvre un manuscrit extrêmement ancien qui recèle bien des secrets. Il y est grandement question de Jéricho et des trompettes qui jetèrent au sol les remparts de la cité. Pour Scott Lorne, jeune idéaliste dont le courage frôle la témérité, il n'est plus question que d'une chose : soustraire ce document aux autorités irakiennes en traversant le désert en Land Rover, jusqu'à l'Arabie Saoudite. Une expédition qui n'est pas sans risque. Aux Etats-Unis, Hope, une jeune femme qui fait des recherches pointues sur la mémoire et l'existence des mondes parallèles, a servi de cobaye à ses propres expériences, en toute illégalité. Alors qu'elle pensait que ses expérimentations seraient sans conséquences, voilà qu'elle se met à avoir des visions et des malaises. Refusant de croire à l'hypothèse du surmenage, elle veut comprendre pourquoi elle rêve éveillée de trompettes vieilles de plusieurs millénaires et d'un ancien compagnon, qu'elle a perdu de vue et dont elle sait qu'il est devenu archéologue. Trente siècle après la destruction de Jéricho, Hope et Scott pourront-ils résoudre le mystère des trompettes de Josué ?
Surtout connu pour ses œuvres policières et ses délicieux pastiches de Sherlock Holmes, René Reouven a écrit queqlues-uns des plus beaux romans de la science-fiction française, dont Les grandes profondeurs et Les survenants. Avec La partition de Jéricho, il mêle avec bonheur l'aventure archéologique selon saint Indiana Jones et la thématique des mondes parallèles.
Critiques
Après le chapitre 1, où on parle à Boston de neuropsychologie et d'ordinateurs quantiques mais aussi de prémonitions, on renoue avec le prologue algérien, même si c'est en passant du Maghreb au Machrek, et en restant en 1997 : tensions géopolitiques, objets archéologiques, catastrophes telluriques au moins potentielles, énigme et références — jusqu'à une explication du tremblement de terre de Lisbonne, de voltairienne mémoire. Le titre et les premières pages ayant pour cela tué le suspense, on peut dire ici que les héros cherchent une ou plusieurs des trompettes qui, selon la Bible, firent tomber les murailles de Jéricho. Ils sont guidés par le jeu de piste mis en place par un savant juif de Babylone, mort depuis mille ans. Le lecteur a d'ailleurs la joie de décrypter avant de supposés spécialistes telle allusion transparente à Samson et Dalila, ou de faire avant certains d'entre eux le lien entre Kfar Nahum et capharnaüm — bon moyen de se sentir très fort. Et il apprendra des choses, plus agréablement qu'avec un Guide bleu. Pour le suspense, les mêmes héros sont confrontés à une accumulation de difficultés, allant vite jusqu'au tragique, mais il ne saurait s'agir de prendre parti. On est dans l'œcuménisme de bon aloi au cœur même d'Israël-Palestine, terre trop promise, pour une fois sans camp des bons ou des méchants mais face à des coups de folie inexplicables et destructeurs.
Il y a là de solides ficelles de roman populaire, rachetées par le rythme, l'efficacité, le métier. On dévore avec plaisir, sans trop d'arrière-pensées. Avant de se retrouver, pour l'épilogue, en 2020. Et là, une partie de ce qui pouvait sembler des astuces faites pour complaire à n'importe quel lecteur révèle sa nécessité, et ce qui pouvait sembler trop simple, sa complexité. Si l'archéologie décrite ne pouvait être vraiment mise sous le signe de « saint Indiana Jones », la quatrième de couverture pouvait à bon droit parler de « thématique des mondes parallèles ». Ils étaient simplement cachés dans le double fond d'une histoire bien plus astucieuse qu'on l'avait cru, et bien mieux reliée à ses prémisses. On croyait avoir passé un excellent moment de lecture facile, on a été en fait possédé par un maître du récit. Chapeau.
Aventures archéologiques fantastiques. Ces trois mots évoquent immédiatement Indiana Jones, et René Reouven ne nie d'ailleurs pas la parenté d'inspiration, citant à plusieurs reprises ce personnage devenu un véritable archétype.
Les Trompettes de Jéricho auraient d'ailleurs pu faire l'objet d'un film, au même titre que le Saint Graal. C'est à cette quête que nous convie l'auteur et, après quelques chapitres d'introduction un peu superflus, le récit devient très accrocheur, dès que l'expédition se met en place.
On reprochera cependant la trop grande facilité avec laquelle nos archéologues déchiffrent les énigmes d'une sorte de jeu de pistes. Celles-ci auraient mérité un peu plus de sérieux, même si l'auteur nous gratifie d'un bon nombre d'informations sur la Bible et les civilisations mésopotamiennes. L'action n'en est bien sûr que plus rapide, mais l'enquête y perd un peu de son intérêt.
De même, on peut regretter que les difficultés des archéologues dans cette région du Proche Orient, liées au contexte politique, ne soient que superficiellement abordées.
En revanche, le rythme est excellent, avec de nombreuses péripéties, où l'on reconnaît le talent de l'auteur de roman policier qu'est par ailleurs René Reouven. Qui s'attaque à l'expédition, et surtout par quel moyen ? Pourquoi les membres les plus honnêtes deviennent-ils subitement des saboteurs, comme en proie à une volonté plus forte que la leur ?...
De plus, Reouven abandonne l'ambiance fantastique pour s'orienter vers des explications rationnelles. Il complète cette première intrigue par de nombreux éléments de science-fiction, portant notamment sur la mémoire, sur le temps, sur les univers parallèles et sur un ordinateur quantique. Si ces éléments semblent longtemps n'avoir qu'une importance secondaire, ils prennent tout leur sens dans un épilogue qui est sans doute la partie la plus forte du roman.
Les sentiments sont donc partagés. D'un côté, il s'agit d'un bon livre d'aventures, avec d'excellentes idées et un dénouement intéressant... Mais d'un autre côté, on constate que l'auteur a peut-être manqué d'ambition, car il y avait dans ce récit matière à de plus amples développements. On ne peut se défaire d'une sensation d'inachevé et de superficialité, y compris dans la description des personnages. Alors que l'on reproche souvent aux romans anglo-saxons d'être trop longs et de pouvoir souvent être allégés de quelques centaines de pages, on se désole que celui-ci soit trop court, d'autant qu'il aborde des thématiques assez complexes.
Ce défaut a cependant un avantage : nous n'avons pas le temps de nous ennuyer, et ce roman plaisant se lit donc d'une traite, avec un réel intérêt.