La guerre de Sécession a libéré une étrange force magique, apportant à certains hommes, dont de nombreux hors-la-loi, différents «
talents » aux effets toujours surprenants, comme le bavardage, le transformage ou le gribouillage. L'Ouest américain en est bouleversé et ses villes sont moribondes, en dehors de quelques îlots sous la protection de shérifs qui se montrent habiles magiciens autant que fins tireurs.
Pourtant, au début de ce second volet des aventures de Jake Bird, la civilisation semble à nouveau en marche, et le projet d'une ligne de chemin de fer transcontinentale, un temps abandonné, est repris. Mais la motivation réelle de cette entreprise est-elle simplement la libre circulation ? Ces rails faits d'un étrange alliage bleu-vert aux propriétés inconnues ne sont-ils pas au centre de sombres desseins ?
Tout comme dans
La tour du diable, Mark Sumner joue avec l'imagerie traditionnelle du western et retravaille les situations classiques de ce genre devenu mythique, en y apportant un élément de folie, une force surnaturelle qui permet à l'homme de libérer ses instincts les plus sauvages.
Mais ici, la technologie pointe également le bout de son nez. Certains scientifiques ayant appréhendé la nature énergétique du phénomène appelé
talent, ils s'essayent à en prendre le contrôle, épaulés par de puissants financiers.
L'intrigue, beaucoup plus aboutie que dans le précédent volume, s'habille ainsi d'une ambiance
steampunk qui rappelle irrésistiblement les
Mystères de l'Ouest, tout en conservant une profonde originalité.
Aux côtés de Jake Bird, on fait la connaissance de nombreux personnages secondaires, tous presque aussi importants que le héros central. On se souviendra longtemps du Faiseur-de-pluie, qui en déchaînant les tempêtes parvient à se déplacer à bord d'une étonnante diligence à voiles, mais qui se trouve ainsi condamné à ne plus voir le soleil... Ou de William Cody, le fameux
Buffalo Bill, redevenu un simple cow-boy apeuré, car dénué du moindre talent... Ou encore des multiples autres figures marquantes qui traversent cette étonnante aventure.
Inclassable, cette
uchronie fantastique, ce western délirant, est un véritable régal. On regrette cependant que le dénouement, trop rapide, ne soit pas tout à fait à la mesure du roman. Il y avait matière à de nombreux autres rebondissements et à une apothéose grandiose, mais Sumner a choisi de faire court et simple… Heureusement, l'oeuvre est dans son ensemble si plaisante qu'on ne peut lui en vouloir vraiment.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/9/2000 dans Faeries 2
Le Far West. Tel qu'il n'a jamais été... L'horreur de la Guerre de Sécession y a fait éclore tout un chaos de talents surnaturels et on peut y arrêter les balles d'un six-coups en leur parlant... Ceci dit, le Far West reste le Far West. Avec shérifs, chevaux, chapeaux, saloons, diligences parfois à voiles et même son célébrissime Buffalo Bill Cody. Et bien sûr les duels à coups de pouvoirs psi plus que de revolvers...
Tout commence quand le magnat de l'industrie, Jay Gould, décide de reprendre à son compte la construction d'un chemin de fer allant de l'Atlantique au Pacifique. Il recrute Buffalo Bill en tant qu'homme de l'Ouest pour accompagner Kastle et Sean Cullen à Medicine Rock, petite bourgade entre Rapid City et Fort Laramie, dont Jake Bird — déjà héros de
La Tour du diable, premier volet de la série chez le même éditeur — est le talentueux shérif. Les voies ferrées construites depuis l'Est et l'Ouest pourraient y faire jonction, ce qui serait une opportunité de développement pour la localité.
Dans le même temps, Muley Owens, ancien marin, mène la curieuse diligence à voile du Faiseur de Pluie, un talentueux albinos qui traîne en permanence des intempéries au-dessus de sa tête. Il a bien du mal à pousser cet étrange équipage pour échapper à une furieuse bande d'indiens Ute à qui il a malencontreusement causé quelques torts... Et puis il y a Goldy, la femme de tête qui tient le Kettle Black, le saloon de Medicine Rock, et Brodequin, qui annonce l'enfer et a le pouvoir de se déplacer dans le temps, et l'adjoint de Bird, le très louche Tom Sharpe, et Hardin le salopard, capable de se transformer en gorille, et Josie, et les hommes-chiens de prairie, et, et...
Oui, vraiment, Le Train du diable est un roman plein de trouvailles et d'arrangements baroques...
Fantasy à la limite de la SF et du western, voici un divertissement fort original qu'il faudra se garder de négliger lorsque l'on choisira un livre d'aventures. Un univers de fantasy où le surnaturel est la norme, inscrit dans un cadre de western et décliné selon le canon de la science-fiction, tel est le cocktail détonnant que nous offre Mark Sumner avec cette série B de premier plan. Voilà qui devrait ravir les amateurs des Mystères de l'Ouest...
Jean-Pierre LION
Première parution : 1/10/2000 dans Bifrost 20
Mise en ligne le : 13/9/2003