Né en Caroline du Sud en 1948, William Gibson vit à Vancouver et est un passionné d'informatique. Véritable précurseur en S-F, il renoue ici, après Lumière virtuelle, avec le mélange polar et cyberpunk dont il est l'inventeur, pour une nouvelle plongée dans son univers sombre et technologique.
Dans un Tokyo reconstruit sur les décombres d'un séisme, un scandale éclate lorsque le leader d'un groupe de rock annonce ses fiançailles avec une star du petit écran — en fait, une intelligence artificielle.
Alors que fans, hackers, internautes et mafia russe s'en mêlent, Colin Laney, investigateur spécialiste de la réalité virtuelle, est chargé de découvrir ce qui a bien pu passer par la tête du chanteur.
Une vision du futur tout en fragments brisés d'électronique avec la baie de Tokyo comme site étonnant de cette cybersaga
Critiques
Rez, leader de l'inaltérable groupe de rock Lo/Rez, va se marier avec Rei Toei, une chanteuse vedette des écrans nippons. Cet événement est médiatique surtout parce que Rei Toei est une idoru, une créature virtuelle. Le mariage se concrétiserait par l'intermédiaire d'un module de programmation biomoléculaire qui intéresse les Russes, raison pour laquelle trafiquants et agents secrets se pressent à Tokyo en même temps que les fans de musique. Parmi eux, Chia, adepte de ce groupe né pourtant avant elle, qui veut vérifier la véracité de l'information, ou la directrice de Slitscan, acharnée à détruire l'image de la pop star trop sage et surtout à la trop grande longévité.
L'information est le nerf de la guerre, d'où l'intérêt manifesté pour le module de programmation. Une idoru est en effet conçue par des agents softwares qui analysent ce qui plaît au public afin de toujours se conformer à ses goûts. Ce sont des softwares qui sont à l'origine de la musique populaire japonaise enka, éminemment commerciale, qui envoie des sons groupés comprenant entre autres des influences pop occidentales diluées, ou des EDHS, Elaborations diatoniques d'une harmonie statique, à base d'airs de Bach ou de Procol Harum. Comme toujours, la provocation remplace l'originalité : ainsi, en révélant une prédilection pour la chair fœtale irakienne, les Duke of Nuke Them, groupe de roidhead metal, sont disque de platine. Sans surprise, les sons nouveaux proviennent des labels indépendants : Skyline, le premier album de Lo/Rez a été produit par Dog Soup, à East Taipei, label que Rez a racheté pour produire d'autres groupes moins commerciaux.
L'intrigue sert de décor à une société dominée par les apparences, incapable de maîtriser ses mutations désormais trop nombreuses, et dont l'industrie de la musique ne constitue qu'un exemple.
Un tel livre ne peut que laisser le critique dubitatif. Si son lecteur est un fan de Gibson, il n'a plus rien à dire car le mal est déjà fait et le livre dévoré depuis bien longtemps. Si son lecteur ne connaît pas Gibson, le pauvre critique ne peut que lui conseiller de commencer par les premiers textes de la « saga » (Neuromancien, Comte Zéro...) pour s'imprégner de l'univers du maître du cyberpunk. Reste tous ceux qui ne rentrent dans aucune des deux catégories, mais sont-ils bien nombreux ?
Comme à son habitude, Gibson nous livre un texte rythmé au style très affûté, dans lequel l'histoire importe bien moins que les décors et les personnages. À ma gauche, une rockstar amoureuse d'une intelligence artificielle : à ma droite, Chia, une groupie envoyée à Tokyo par la section de son fan club pour vérifier la « rumeur » et, au centre des services de sécurité, la matrice, la mafia russe, les trafics de nanotechnologie et... un lot impressionnant d'images fortes.
Sur le net, une rumeur venue du Japon met le monde en émoi : Rez, star du rock, aurait annoncé ses fiançailles avec une femme virtuelle, icône de synthèse de la télévision. Un homme peut-il épouser une image ? C'est ce que veut découvrir Chia, la présidente d'un fan-club de Rez au États-Unis. Elle embarque donc pour le Japon, à la recherche d'informations qui confirmeraient cette rumeur.
Parallèlement à cela Laney, sorte de virtuose de l'informatique qui vient de perdre son boulot, est recruté par les gardes du corps de Rez. Lui aussi essaie d'y voir plus clair dans cette affaire mais sa rencontre avec la fiancée de Rez le laisse perplexe. L'entité virtuelle aurait-elle réussi à se créer sa propre vie, quelque part dans le réseau ?
Le nouveau livre d'un des pères fondateurs du cyberpunk est une réussite. William Gibson mène de front ses deux intrigues dans un Japon futuriste et déjanté, assez évocateur. Rez et sa fiancée n'apparaissent que très tardivement dans le roman, ce qui donne au lecteur une vision kaléidoscopique de ces personnages et qui lui laisse le temps d'échafauder différentes théories. Chaque connexion d'un des personnages sur le réseau est l'occasion d'une plongée dans un univers miroitant, qui nous fait regretter que la technologie n'ait pas encore rattrapé la fiction.
Gibson poursuit son exploration d'un futur cyberpunk où la frontière entre la réalité et le virtuel demeure très floue. Idoru aborde cependant un univers factice différent du cyberespace, celui du show-business, avec ses vedettes fabriquées que l'on invente un jour pour les effacer le lendemain et avec ses lumières artificielles qui dissimulent mal un monde commercial aux intérêts financiers considérables.
Si l'analyse de l'évolution du monde du spectacle — où les intelligences artificielles peuvent assez facilement remplacer les anciennes stars — est attrayante, le manque de consistance et de cohérence des personnages demeure le principal défaut des romans de Gibson. Au lieu de montrer l'influence de cette Rock machine sur les individus, il noie ainsi son sujet principal sous d'improbables rebondissements tels qu'attentats ou enlèvements, en pimentant cette sauce de mafieux et de hackers. Les errances de ses personnages fantômatiques en deviennent fastidieuses à suivre, et les révélations finales, dont les perspectives auraient pu être intéressantes, ne seront accueillies qu'avec tiédeur.
Neuromancien avait l'intérêt d'être un livre précurseur, qui demeurera un point de repère dans l'histoire de la science-fiction. En outre, le style de Gibson y était étrange et très personnel, véritable « lyrisme technologique » (« Le ciel au-dessus du port était couleur télé calée sur un émetteur hors service » est devenu une citation classique pour illustrer ce style). Cette poésie obscure a constitué une partie du charme de ce roman couronné par le prix Hugo, même si elle a pu dissuader certains lecteurs d'entrer dans une histoire par ailleurs assez tortueuse. Dans Idoru, le décor persiste, toujours très influencé par le Japon, mais le style s'est affadi. Gibson y a perdu en mystère ce qu'il a gagné en lisibilité. Au total, il ne demeure qu'un roman mineur et qui semble déjà daté, ou en tout cas moins moderne que ne l'est encore Neuromancien.
Elle est belle, elle est célèbre. Elle va se marier avec Rez, de l'indétronable groupe rock Lo/Rez. Mais elle n'existe pas. Rei Toei est une idoru, une créature virtuelle des petits écrans, nippons. Le medium dE ce mariage serait le module primaire de programmation biomoléculaire Rodel-van Erp C\7A qui intéresse également les russes, auxquels il est interdit de fournir de la technologie sensible. Une course poursuite commence alors, mettant en scène des trafiquants et leurs porte-valises, des fans du chanteur comme Chia, qui effectue le voyage jusqu'à Tokyo pour juger de la véracité de la rumeur, et des ennemis jurés comme la directrice de Slitscan, acharnée à détruire l'image de la pop star
Comme souvent chez Gibson, l'intrigue importe moins que le décor. Elle n'est qu'un support pour décrire un futur immédiat chrome et acier qui bascule dans l'univers des apparences, noyé d'informations plus que d'informatique, un monde grouillant incapable de maîtriser ses mutations, où les personnes capables de dégager des points nodaux dans des masses de données informes sont très prisées et recherchées
Cette plongée hallucinante est à sa façon une fable sur la célébrité, qu'il convient de fuir non parce qu'elle est désormais factice mais parce qu'elle empêche de goûter aux joies sereines de l'anonymat.
Si la lecture de ce roman est vivement conseillée, elle est cependant gâchée par les irritantes coquilles qui le parsèment, mots oubliés, participes passés à l'infinitif et autres malveillances syntaxiques. Il aurait été décent, pour un livre cyberpunk, d'utiliser un correcteur orthographique et grammatical.