Au XXIe siècle, l'Europe est séparée en deux blocs dont la frontière coupe Paris au niveau de la Seine. À Parisud, tandis que les francs-tireurs surveillent les îles en quête de gibier à prime et que la population continue à faire semblant de vivre, un gigantesque programme de neutralisation sexuelle va être lancé pour que cessent les naissances sauvages et que succèdent enfin aux hommes imparfaits les duplicata parthénogénétiques de surdoués sélectionnés. À l'hôpital de la Salpétrière, Noémie Landès est placée dans un cercueil de verre...
Cependant, l'Europe confédérée connaît de plus en plus de troubles dans ses provinces. L'Éminence grise de la Confédération envoie donc llyana, une jeune femme sans scrupules, en mission là où le désordre s'installe : à Narbonne, puis à Clermont-Ferrand et jusque dans de minuscules hameaux du Gévaudan, dans les sierras de l'Andalousie et à Londres enfin où va finalement se jouer le destin de deux univers avec la rencontre d'Ilyana et de Noémie. Mais cette rencontre est-elle possible ? Et si les deux jeunes femmes s'interpénétraient ?
Roman à facettes, hommage à tous ceux qui ont joué aux univers parallèles, La femme truquée est aussi un divertissement où la sexualité, partout présente, constitue le moteur même de l'action.
Jean-Pierre Fontana, promoteur infatigable de la science-fiction en France, s'est d'abord fait remarquer, de 1964 à 1967, comme le réalisateur de Mercury, un fanzine devenu légendaire. Après avoir animé divers clubs et ciné-clubs, il réunit en 1974 le Premier Congrès de la Science-Fiction 'Française. Depuis 1962, il a publié une cinquantaine de nouvelles (en particulier dans la revue Fiction), deux romans : La geste du Halaguen (Marabout, 1975) et Sheol (Denoël, 1976), ainsi qu'une anthologie consacrée à la science-fiction italienne : Demain l'Italie (Opta) qui va être suivie d'un Livre d'or de la science-fiction italienne (Presses Pocket). Il a collaboré étroitement à l'édition française de l'Encyclopédie visuelle de la science-fiction de Brian Ash (Albin Michel). Auteur de nombreuses études, préfaces, interviews et critiques, il est enfin le Président-Fondateur (1974) du Grand Prix de la Science-Fiction Française.
Critiques
Une héroïne hors du commun est le double onirique de la banale Noémie, ses activités démesurées sont l'envers cathartique de l'extrême passivité imposée à cette dernière : les manipulations psychiques sont une arme à double tranchant, la plus puissante des bombes puisqu'elle peut faire éclater les limites du réel. La province a donné un membre de plus à la très dickienne école française.
George W. BARLOW Première parution : 1/4/1981 L'année 1980-81 de la SF et du Fantastique Mise en ligne le : 15/3/2002
Après Les espaces enchevêtrés de B.R. Bruss, c'est le deuxième roman français inédit publié par la collection « Fantastique-Science-fiction-Aventure ». De Jean-Pierre Fontana, on a pu lire deux précédents romans : La geste du Halaguen (Marabout) et Sheol (Denoël, « Présence du Futur », ainsi que dans Fiction les nouvelles de ses débuts, à l'époque où il signait du pseudonyme de Guy Scovel. La femme truquée, pour sa part, débute comme une variation autour de 1984 (première partie), se poursuit à la façon d'une jamesbonderie du futur (deuxième partie, phases 1 à 4) et se conclut par une série de retournements dickiens (phase 5 et troisième partie), évoquant par surcroît le Fredric Brown de L'univers en folie et le Bruss des Espaces enchevêtrés. Singulier collage, qui tient du pari surréaliste, et ne cesse de réorienter la perspective de lecture à mesure que nous « sautons » d'un registre à un autre. Après la lenteur de l'exposé psychologique du début, nous embrayons sans transition sur un récit d'espionnage écrit à la façon d'un Fleuve Noir au rythme infernal, mêlant érotisme et Grand-Guignol. Les décrochages de la fin tentent de souder les deux parties, de les couler en une même narration qui résorbe leur hétérogénéité. Vainement : c'est à un nouvel et inéluctable éclatement qu'assisté le lecteur. Au total, un roman, comme on le voit, déconcertant, hésitant entre la parodie et l'exercice de style, qui se nourrit de multiples références — un peu comme Un soupçon de néant de Philippe Curval (Presses Pocket), à ceci près que le délire naît à posteriori de la juxtaposition de styles hétéroclites mais ne perturbe pas en profondeur la logique propre de chaque partie cloisonnée. La chose ne va pas sans causer un certain sentiment d'artificiel, mais elle permet au lecteur de prendre conscience sans didactisme du niveau de codification qui régit ses lectures et de jongler, comme Jean-Pierre Fontana, avec l'arsenal des conventions du genre.