[ Critiques des livres suivants :
- Chute Libre d'Albert et Jean Crémieux, Ed Métal série 2000 n° 12
- Marée jaune de Francis Didelot, Ed Métal série 2000 n° 11
- Rêves interdits de Michel Lecler, Ed Métal série 2000 n° 13
- Commandos de l'espace de Jimmy Guiei, Fleuve Noir Anticipation n° 51
- Le déclin de Mars d'Alexeï Tolstoï, Ed L.I.R.E.]
Notre ami Jean Birgé a la main heureuse. Depuis qu’il a assumé la direction de la « Série 2.000 », il a réussi à « découvrir » une bonne demi-douzaine d’excellents auteurs français d’A. S. et, d’après ce qu’il nous a dit, il en a autant en réserve. Souhaitons que tous ceux à venir aient écrit des ouvrages de la qualité des trois récemment parus.
« Chute libre », d’Albert et Jean Crémieux (Ed. Métal), est une satire que nous avons lue non seulement avec plaisir, mais encore avec le sourire. Le thème est simple. Des « découvreurs » de la « planète 54 » viennent sur Terre et enlèvent – afin de les « étudier » – cinq représentants significatifs de notre humanité, laquelle, semble-t-il, poursuit des cycles de 18.000 ans, chacun aboutissant régulièrement à un retour à l’âge de pierre. Sont ainsi transportés sur « 64 » un commerçant, un général, un avocat, un médecin et un poète (qu’accompagne son chat). Leurs aventures à bord de l’astronef, puis sur « 54 », sont décrites avec beaucoup d’humour et non sans férocité. (Les auteurs semblent surtout en vouloir aux commerçants.) Le côté scientifique est intéressant, le côté psychologique très juste, le style, empreint d’une naïveté voulue, séduisant. Chose importante, le volume ne nous a jamais semblé monotone. Un roman bien français, qui n’est pas sans faire songer à certains contes philosophiques du XVIIIe siècle et qui est non seulement à lire, mais aussi à méditer.
« Marée jaune », de Francis Didelot (Ed. Métal), est un « espionnage » d’anticipation, plein de rebondissements, écrit d’une main sûre et dans une langue impeccable. Son héros, l’inspecteur-juge Ives Domino, est en fait un véritable as du S. R. chargé de lutter au nom de l’Eurafrique contre les agissements des espions de l'« Empire Jaune », cependant que la Panamérique observe un isolationnisme prudent.
Il élimine l’un après l’autre les agents ennemis, mais aura-t-il le temps de découvrir leur chef, alors que l’Orient est sur le point d’envahir le monde blanc et noir ? Le côté S.-F. du roman (qui fut, croyons-nous, publié en feuilleton dans le temps mais qui, depuis, a été révisé et modernisé) est fort bon ; quant aux aventures de Domino, elles nous tiennent constamment en haleine. Infiniment supérieur aux productions américaines de même genre.
Nous avons déjà eu l’occasion de dire plus d’une fois tout le bien que nous pensions des romans policiers de Michel Lecler. Le voilà qui se lance à son tour dans l’A. S. et qui nous donne, avec « Rêves interdits » (Ed. Métal), un recueil de nouvelles de classe internationale. Il y en a sept, allant de la très courte – cinq pages – à la véritable novelette de soixante-dix pages. Cette dernière, « Triniton », empreinte d’un humour sarcastique, est celle qui nous a paru la mieux venue. Mais il y a aussi le charmant et poétique « Il va pleuvoir » et le spirituel « No man’s land », où l’on voit Arsène Lupin se matérialiser et « posséder », si l’on ose dire, un magnat de la publicité. Michel Lecler, voilà un nom qui aura très certainement dépassé, dans quelques années, les frontières nationales.
« Commandos de l’espace », de Jimmy Guieu (Fleuve Noir), est la suite d’« Opération Aphrodite » et de « L’homme de l’espace », mais il s’en distingue par l’absence complète d’hommes. Ses héros sont, en effet, des habitants d’autres planètes, les uns représentant le Bien, les autres le Mal, et le thème de l’ouvrage est la lutte qu’ils se livrent pour la domination de l’Univers. La fin laisse prévoir que ce n’est pas encore achevé et que nous assisterons bientôt à d’autres combats entre Polariens et Denebiens. Bien écrit comme d’habitude et se laissant lire très facilement, voici un roman d’A. S. qui fait passer deux bonnes heures de détente.
Nous avons plus d’une fois exprimé le souhait de connaître des ouvrages d’A. S. soviétiques. Ce souhait aurait-il trouvé un écho chez un éditeur ? Mystère. Toujours est-il que, grâce aux Éditions L.I.R.E., nous voici en présence du premier roman « fantastique-scientifique » (comme on les appelle en russe) made in U.R.S.S. et ayant pour auteur l’illustre écrivain Alexis Tolstoï, à qui l’on doit entre autres le célèbre « Pierre-1er ». « Le déclin de Mars » est intéressant à plus d’un titre ; il nous indique notamment – bien qu’il ne soit pas très récent – la tendance générale de la S.-F. soviétique.
La question purement scientifique n’est pas son élément essentiel, puisque Tolstoï développe davantage le côté psychologique et social. Quant au sujet, il est fort simple : deux Russes parviennent sur Mars où règne une civilisation assez avancée, mais avec des relents de féodalité. Menacés de mort, les astronautes s’allient aux ouvriers révoltés.
Chose curieuse, on y trouve plus d’un point commun avec « Les Atlantes du Ciel », de Y. F. J. Long (Ed. Métal), que nous avons analysé en son temps, en particulier la théorie selon laquelle il y aurait eu des relations très étroites entre Terriens et Martiens du temps de l’Atlantide.
Ce que nous souhaiterions maintenant, c’est connaître des spécimens de l’A. S. russe de ces dernières années.