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Déjà demain

Henry KUTTNER & Catherine L. MOORE

Titre original : Ahead of Time, 1953
Première parution : Ballantine, 1953   ISFDB
Traduction de P. J. IZABELLE
Illustration de (non mentionné)

HACHETTE / GALLIMARD (Paris, France), coll. Le Rayon fantastique précédent dans la collection n° 89 suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1961, Achevé d'imprimer : octobre 1961
Première édition
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Format : 11,7 x 18,1 cm
Genre : Science-Fiction

Éditeur : Gallimard.
Les nouvelles de ce recueil sont regroupées sous 3 chapitres : "Mœurs de l'Age de Science" pour les 4 premières, "Le Ressac du Futur" pour les 2 suivantes et "Les Abhumains" pour les 3 dernières.
On notera le titre "De profondis", pas très juste pour les latinistes (normalement, ce devrait être "De profundis")...


Quatrième de couverture
Déjà demain... Un voyage mental dans l'insolite. Non point tellement par la divination du futur que par le dépaysement, le don d'étrangeté. Avec un sens acéré de la satire, appliqué sans douceur au culte de la machine, dont Kuttner et Moore perçoivent à merveille toutes les possibilités phénoménales. Et un humour pénétrant, pas tellement « noir » que gris, comme l'acier.
  Déjà demain... Un choc dont la puissance rivalise d'effet avec un charme tout poétique.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Henry KUTTNER, Jour de l'An (Year Day, 1953), pages 9 à 23, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
2 - L'Œil était dans... (Private Eye, 1949), pages 24 à 55, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
3 - Camouflage (Camouflage, 1945), pages 56 à 94, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
4 - Fantôme (Ghost, 1943), pages 95 à 112, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
5 - Catherine L. MOORE, Saison de grand cru (Vintage Season, 1946), pages 115 à 162, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
6 - Point de rupture (When the Bough Breaks, 1944), pages 163 à 191, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
7 - Choc (Shock, 1943), pages 195 à 213, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
8 - Le Twonky (The Twonky, 1942), pages 214 à 237, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
9 - De profondis (The Visitors / De Profundis, 1953), pages 238 à 249, nouvelle, trad. P. J. IZABELLE
Critiques

    Lorsque Henry Kuttner mourut le 3 février 1958, dans sa quarante-quatrième année, la science-fiction américaine fut prématurément privée d'un de ses auteurs les plus féconds et les plus originaux. Le nombre des ouvrages de Henry Kuttner traduits en français est très restreint, et « Déjà demain » permettra donc de combler partiellement une lacune. Soulignons sans tarder qu'il s'agit ici d'un recueil de nouvelles, et félicitons Gallimard d'avoir eu le courage d'offrir celui-ci au public français – lequel a la réputation de bouder les récits relativement courts…

    Cet ouvrage est présenté comme étant la traduction de « Ahead of time » ; en réalité, cinq seulement des neuf nouvelles offertes ici au lecteur français faisaient partie de l'ouvrage paru en 1953 sous ce titre aux États-Unis : « Jour de l'an », « Camouflage », « Fantôme », « Choc » et « De profundis » – ce dernier orthographié, on ne sait trop pourquoi, « De profondis » pour la circonstance.

    « Ahead of time » avait porté aux États-Unis la signature de Henry Kuttner seul, mais il est bien connu que Catherine Moore collaborait très étroitement avec son mari pour ses nouvelles, à tel point qu'il est à peu près impossible de déterminer la part revenant à l'un ou à l'autre dans les récits qu'ils publiaient sous leurs signatures ou sous l'un ou l'autre de leurs très nombreux pseudonymes. À propos de ces derniers, on peut remarquer que, lors de leurs publications originales en magazines, « Point de rupture » et « Le Twonky » étaient signés Lewis Padgett, « De profundis », C. H. Liddell, et « Saison de grand cru », Lawrence O'Donnell.

    « Lorsquelevant le nez de dessus son livreGregg aperçut la tête de l'homme traversant le mur de son appartementil crut un instant qu'il était devenu fou. » Ainsi commence « Choc », donnant au lecteur un parfait échantillon d'un des talents de l'auteur : celui de présenter sans perdre de temps un événement ahurissant, dont la suite fournira l'explication et les développements. Ici, c'est un visiteur qui, venant du futur, dérange profondément la tranquillité mentale d'un physicien contemporain. Sans s'appesantir lourdement là-dessus, Henry Kuttner lui fait parler un réjouissant jargon extrapolé de l'anglais contemporain, dont P. J. Izabelle a réussi à donner un équivalent français savoureux : « Je suis un cutronche… Difficulture sémanticale… Je faut rentrer pour jeudi… Crépristi !…» Mais la substance de la nouvelle n'est évidemment pas là. Sa richesse réside dans la finesse avec laquelle la chute finale se trouve préparée, à travers les angoisses et les espoirs de l'homme contemporain, qui se voit à deux doigts d'acquérir de fabuleuses connaissances futures. Le tout occupe moins de vingt pages.

    Il n'y a pas de thème commun à l'ensemble de ces récits. La table des matières, il est vrai, les groupe en trois séries (« Mœurs de l'âge de science », « Le ressac du futur » et « Les abhumains »), mais il s'agit sans doute là d'une sorte de camouflage, destiné à vaincre la répulsion réelle ou supposée du lecteur français à l'égard d'un ensemble de nouvelles. Les deux premières scènes de l'âge de science, puisque âge de science il y a, sont des caricatures assez mordantes de petits travers contemporains. « Jour de l'an » évoque l'esclavage de l'être humain sous une publicité toute-puissante ; en dépit d'un traitement plein de virtuosité, ce récit demeure un peu décevant, la substance en étant assez mince. « L'œil était dans» constitue en revanche un petit tour de force : la présentation d'un crime, depuis la genèse de son projet dans l'imagination du meurtrier, jusqu'à son accomplissement effectif. Henry Kuttner n'est évidemment pas le premier à s'être essayé dans ce genre de récit policier, mais il corse le sien par la description vivante d'une société future, dans laquelle les lois ont acquis une complexité telle, qu'un assassin peut s'attendre presque à coup sûr à un acquittement. L'œil du titre est une machine qui permet de « filmer » le passé, et dont la présence virtuelle oblige l'assassin à un contrôle minutieux de tous ses actes, « Camouflage » est une autre pièce mineure, dans laquelle le thème de l'astronef contrôlé par un cerveau humain se trouve traité de façon un peu délayée. Quant à « Fantôme », qui conclut la première série de nouvelles, il s'agit d'un récit dans lequel est examinée la psychothérapie des temps futurs, Henry Kuttner ayant manifesté à plusieurs reprises un intérêt particulier pour ce domaine de la science. Il y revient d'ailleurs dans « De profundis » – qui termine ce livre sur une note inquiétante : le narrateur est-il simplement fou, ou se trouve-t-il au contraire sous la domination d'êtres venus d'ailleurs, qui sont parvenus à contrôler sa volonté et ses actes ? L'alternative n'est évidemment pas résolue, et Henry Kuttner excelle dans l'art de laisser son lecteur sur un petit frisson terminal. 

    « De profundis », de même que « Choc », fait partie de la série « Les abhumains », qui est complétée par une troisième nouvelle, « Le Twonky ». Il s'agit d'un crescendo terrifiant, dans lequel des événements simplement insolites font progressivement place à des phénomènes de plus en plus menaçants, et dont la fin laisse apparaître la possibilité d'une suite plus sombre encore. Le tout est raconté sur un ton volontairement retenu, très simple et tranquille, qui souligne, par contraste, la menace suggérée dans le récit. On pourrait penser à Ray Bradbury, si le récit de Henry Kuttner et de Catherine Moore n'était dépourvu de toute intention moralisatrice ou didactique. Ce n'est ni la mécanisation de notre civilisation qui se trouve dénoncée en ces lignes, ni le manque de maturité des humains ; il n'y a ici, tout compte fait, aucune leçon, ni aucun message, mais simplement le désir de communiquer au lecteur un frisson devant l'inconnu et les menaces qu'il peut cacher sous des apparences quotidiennes. 

    « Le ressac du futur » : après tout, un tel titre pourrait convenir à l'ensemble des récits de ce livre, et à la majorité de ceux qu'on groupe sous le terme de science-fiction. Ici, ce sont deux nouvelles qui se trouvent présentées avec cette étiquette. Ne disputons pas de son opportunité, car l'un de ces récits est excellent, et l'autre véritablement exceptionnel.

    « Point de rupture » constitue une combinaison brillante de deux thèmes connus : celui de la cruauté de l'enfance et celui du surhomme. Alexandre Calderon, surhomme possesseur du secret de la longévité, décide que son développement d'enfant avait été négligé par ses parents. Il envoie donc un petit groupe d'« éducateurs » vers le passé, en les chargeant de le retrouver alors qu'il était encore bébé, et de lui faire rattraper le temps qu'il juge gaspillé. Quant aux effets de cette rééducation sur son père et sa mère, c'est là une autre histoire ; ou, plus exactement, c'est là l'histoire que nous content Henry Kuttner et Catherine Moore. 

    La plus longue des nouvelles formant ce livre s'intitule « Saison de grand cru ». Elle met en scène de bizarres visiteurs, qui sont manifestement des étrangers, et qui tiennent à louer une certaine demeure pour la saison. De cette entrée en matière très simple, le lecteur se trouve progressivement guidé vers le secret de ces êtres aimables mais distants, et parvient enfin jusqu'à la réalité qui se cache derrière leur visite, réalité aux résonances véritablement cosmiques. En dire davantage serait abîmer le plaisir qu'on prendra à lire cette magnifique nouvelle ; celle-ci est, au même titre que « Tout smouales étaient les Borogoves », des mêmes auteurs, un des chefs-d'œuvre de la nouvelle de science-fiction.

    Bien que tous les récits ne soient pas de cette même classe, « Déjà demain » est un Livre à lire, car il contient plusieurs exemples d'un talent (ou de deux talents, si l'on préfère) extrêmement attachant. Comme les plus grands auteurs contemporains de la science-fiction anglo-saxonne, Henry Kuttner s'intéressait en premier lieu au récit qu'il racontait. Successivement acerbe, ironique, détachée ou inquiétante, sa manière « accroche » l'attention du lecteur dès les premières lignes de la narration, pour ne plus la lâcher qu'à la fin.

    Une remarque finale : souhaitons que la formule de ce livre – une collection de nouvelles d'un même auteur – soit fréquemment reprise par Gallimard dans l'avenir : des gens comme Théodore Sturgeon, A.E, van Vogt, Isaac Asimov ou Fritz Leiber ont également écrit des nouvelles dont il vaudrait la peine d'offrir, à l'occasion, un volume au lecteur français.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/2/1962 dans Fiction 99
Mise en ligne le : 2/1/2025

Prix obtenus par des textes au sommaire
Le Twonky : Retro Hugos nouvelle / Short story, 1943

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Out of the Unknown ( episode : The Eye ) , 1966, Peter Sasdy (d'après le texte : L'Œil était dans...), (Episode Série TV)
Twonky (The) , 1953, Arch Oboler (d'après le texte : Le Twonky)
Timescape, le passager du futur , 1992, David Twohy (d'après le texte : Saison de grand cru), (Téléfilm)

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