Lorsque le jeune Nath traverse les plaines de boue désertiques d'Almoha, « la planète-deux-fois-morte », à bord de l'antique cannonière des chasseurs de nuages qui le ramène chez lui, il n'a pas réellement conscience de tous les sortilèges secrétés par ce monde hostile où l'on s'abrite de la pluie sous des armures de fer, où les maisons font naufrage et coulent dans les abîmes d'un sol trop mou pour les soutenir. Il lui faudra donc surmonter bien des épreuves avant de savoir qui est réellement Ghun, le chasseur solitaire, qu'un étrange tirage au sort a rendu maître de la grande tour au sommet de laquelle les guetteurs sacrés s'usent les yeux à déceler les formidables dangers nés du brouillard et de la nuit...
Un roman palpitant où, à chaque page, une surprise guette le lecteur.
Critiques
Les sentinelles d'Almoha est aussi le premier roman publié de Brussolo, mais le problème se pose ici en des termes bien différents : Brussolo s'est déjà affirmé par deux superbes recueils de nouvelles chez Denoël. La question était de savoir comment il adapterait son style plutôt statique et descriptif aux canons d'une collection qui présenterait plutôt des romans d'aventure pour la jeunesse.
La mission est accomplie de façon fort satisfaisante ; sur un canevas assez classique où l'on voit un héros adolescent résolvant les problèmes de sa communauté tout en s'enrichissant tant sur le plan de l'expérience que sur le plan affectif, Brussolo accroche de grands pans de ses propres descriptions invraisemblables, mais qu'il sait toujours nous faire accepter.
On retrouve d'ailleurs ici les caractéristiques d'autres oeuvres de Brussolo : « sentinelles » et « Almoha » renvoient déjà à certaines de ses nouvelles, et tous les problèmes de la planète Almoha relèvent de l'imagination typiquement brussolienne : la transformation de la nature et de la consistance des choses accompagnée d'une conservation de leur forme. Almoha est couverte d'une mer de boue superficiellement durcie sur laquelle on ne peut ni bien marcher ni bien naviguer ; sur les quelques îles, les maisons s'enfoncent dans le sol ; et les nuages, aussi durs que résistants, font quand ils passent à basse altitude autant de ravages que les bulldozers. C est une armure qu'il faut porter quand il pleut...
Nath. au retour d'un voyage de « formation de la jeunesse », retrouve son village et son amie d'enfance, et doit reconquérir une place dans sa communauté tout en faisant face à l'inquiétante montée de la secte des Rampants, qui passent leur vie à plat ventre sur le sol (autre motif brussolien). Il y parvient, Bien sûr ; et le roman lui aussi est réussi, même si ce n'est pas le mode d'expression naturel de Brussolo. Il vaut la peine de ne pas se laisser décourager par les couvertures de chez Nathan pour se le procurer.