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La Pièce d'à côté

Jack FINNEY

Titre original : The Woodrow Wilson Dime, 1968
Première parution : New-York, USA : Simon & Schuster, 1968
Traduction de Nathalie SERVAL
Illustration de Jean-Jacques CHAUBIN

DENOËL (Paris, France), coll. Présence du futur n° 556
Dépôt légal : janvier 1995, Achevé d'imprimer : décembre 1994
Première édition
Roman, 224 pages, catégorie / prix : 5
ISBN : 2-207-30552-X
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     À l'approche de la trentaine, Benjamin Bennell commence à soupçonner qu'il n'a pas tiré le bon numéro à la loterie de la vie : son travail le barbe, ses fins de mois sont difficiles, son mariage avec Hetty bat de l'aile. Jusqu'au jour où il découvre dans sa poche une pièce de monnaie d'un modèle unique, véritable ticket d'entrée pour le monde « d'à côté », un univers parallèle presque semblable au sien. Ici, les vieux bus à impériale roulent toujours dans les rues de New York, la fermeture Eclair reste à inventer, et surtout, Ben est un publiciste réputé marié à une superbe rousse... Seulement voilà, Ben reste Ben dans sa tête et dans son coeur d'artichaut, et la redistribution des cartes présente certaines configurations qui empêchent que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes parallèles...
 
L'auteur
Jack Finney, né en 1911, est l'auteur de nombreuses nouvelles et d'une dizaine de romans touchant à tous les genres, dont Le Retour de Marion Marsh et Le Voyage de Simon Morley, considéré comme son chef-d'oeuvre (tous deux dans la collection Présences). Surtout connu pour L'invasion des profanateurs (qui a donné lieu à trois adaptations cinématographiques !), il sait aussi faire merveille, témoin cette Pièce d'à coté, dans le registre de l'humour et de la loufoquerie. 
 
Critiques
     Né en 1911, Jack Finney est un des doyens de la Science-Fiction américaine — aux côtés de Lyon Sprague de Camp ou Jack Williamson, autres octogénaires de choc qui continuent, sinon de nous surprendre, au moins de signer des romans toujours dignes d'intérêt. Même génération mais itinéraire littéraire beaucoup plus « classe » : Jack Finney n'est pas resté confiné dans le ghetto des pulps — et pour tout dire, dans celui de l'édition SF spécialisée. Tout comme Robert Heinlein ou Ray Bradbury, il a su vendre aux « slick magazines », toucher leur clientèle, et incidemment bénéficier de leurs tarifs ! C'est dans Collier's Weekly que paraît, en 1951, sa première nouvelle de Science-Fiction : Such interesting Neighbors, déjà une histoire de voyage comme seule la SF en propose ! Ce sera dans le Saturday Evening Post que paraîtra, en 1960, le second roman SF de Jack Finney, The Woodrow Wilson Dime ; une version « de librairie » allongée verra le jour en 1968. Les éditions Denoël nous en donnent aujourd'hui une traduction, sous le titre amusant et bien trouvé de La pièce d'à côté. Mieux vaut tard que jamais...
     Sauf erreur de ma part, Graines d'épouvanté fut le premier roman de Jack Finney présenté aux lecteurs français, en 1977, dans la collection « Azimuth » des défuntes éditions Guénaud. Il connut au moins une réimpression, sous jaquette différente de la couverture initiale, et les éditions Denoël l'ont réédité récemment, sous le titre L'invasion des profanateurs (« PdF » n° 546). Il s'agit d'ailleurs du premier roman SF de Finney : The Body Snatchers, paru à l'origine en 1955 et adapté l'année suivante au cinéma par Don Siegel, diffusé en France sous le titre choc (mais sans rapport avec le scénario du film) de L'invasion des profanateurs de sépultures. Roman intéressant et film admirable dans lequel certains critiques ont vu une dénonciation du péril communiste. Les deux remakes, par contre et selon l'usage, n'ont aucun intérêt.
     Après The Body Snatchers et The Woodrow Wilson Dime, Jack Finney livre en 1970 ce qui reste à ce jour son chef-d'œuvre : le formidable Time and Again. Un des livres les plus fascinants de toute l'histoire de la Science-Fiction. Comme ne cessent de le répéter tous les critiques et historiens anglo-saxons sérieux ; comme continuent de l'ignorer la plupart des lecteurs français, en dépit du bel effort entrepris récemment par les éditions Denoël pour promouvoir enfin Jack Finney en France. Time and Again a été traduit et publié dans l'intéressante collection « Présences », sous le titre Voyage de Simon Morley. Tout comme le quatrième roman SF de Jack Finney : Marion's Wall (version française sous le titre : Le retour de Marion Marsh). En 1977, Finney signe encore The Night People, inconnu du signataire (confus et honteux) de cette chronique ; et récemment il donna une suite à Time and Again.
     Romancier d'envergure et à la technique implacable — Time and Again est un de ces invraisemblables pavés qui vous tient éveillé jusqu'à la dernière page : l'anti-Dune ! l'anti-Hypérion ! nous parlons ici de littérature, mon bon monsieur, pas d'annuaires du téléphone... — Jack Finney est également, et peut-être surtout, un délicieux auteur de nouvelles. Les meilleures sont réunies dans trois recueils : The Third Level (1957, parution en Grande-Bretagne l'année suivante sous le titre The Clock of Time), I Love Galesburg in the Springtime : Fantasy and Time Stories (1963) et Forgotten News : The Crime of the Century and other Lost Stories (1983). Une bonne sélection a été proposée en 1988, dans la défunte collection « 33 » des éditions Clancier-Guénaud, sous le titre Contretemps : un petit volume aujourd'hui difficile à trouver mais qui vaut son pesant de bonheur. Profitons-en pour faire remarquer qu'avant que Jacques Chambon ne se mette à publier Finney aux éditions Denoël, seuls François Guérif et Stéphane Bourgoin avaient, pour le compte des diverses incarnations des éditions Clancier-Guénaud, fait « quelque chose » pour notre auteur. Saluons les pionniers !
     Et la critique dans tout cela ? Imbécile et aveugle, comme d'habitude. Dans un travail bibliographique aujourd'hui fort heureusement épuisé et oublié, Jack Finney était qualifié par les auteurs de l'épithète assez méprisante de « transfuge de la littérature policière », tandis que The Body Snatchers, alors son seul roman traduit en français, était présenté comme un « fond de tiroir ». Il faut des imbéciles. Ne serait-ce que pour donner du mérite aux autres. Mais il n'en faut pas trop...
     Œuvre admirable et à la cohérence fascinante. Jack Finney n'a qu'une obsession : le temps qui passe ; avec pour corollaire ce constat désabusé : c'était tout de même mieux hier. Luttons contre le temps (luttons contre la mort) et retrouvons le « bon vieux temps ». Le campagnard Clifford D. Simak aurait été pleinement d'accord ! Pour Finney le citadin, cet amoureux d'un New-York disparu, il existe deux moyens de se replonger dans le bon vieux temps : y voyager à rebours ou bien visiter un univers parallèle dans lequel les choses se sont « mieux » passées. C'est ainsi que Benjamin Bennell, le héros de The Woodrow Wilson Dime (enfin, « héros »... autant que puisse l'être le personnage principal d'un roman de Brown ou d'une nouvelle de Sheckley, si vous voyez ce que je veux dire...), se retrouve, grâce à une simple pièce de monnaie, dans un « New York d'à côté », non défiguré par les promoteurs immobiliers et où l'on roule dans des véhicules bien de chez nous — et non dans ces caisses nippones avec leurs culs ronds et bas. Cette dernière remarque (quant à la nipponicité des moyens de transport individuels) me permettra de terminer cette chronique par une double interrogation : dans quel monde d'à côté la traductrice a-t-elle appris la langue française ? et de quel monde d'à côté (le même ?) provient l'édition en langue anglaise ayant été utilisée pour cette traduction ?
     Fauteur en orthographe moi-même (à l'occasion et comme tout le monde !) je suis pourtant totalement réfractaire à tout projet de « réforme de l'orthographe », en particulier lorsqu'il s'agit d'appauvrir la langue française en castrant ses mots de tout indice quant à leur origine linguistique (que l'on pende les ennemis de l'accent circonflexe !), en particulier aussi lorsqu'il s'agit de la laisser glisser, par pure démagogie, vers une novlangue nipponisée, sans temps ni genre : désolé, mais « on » ce n'est pas « nous » ! Chacun le sait qui écrit « on dit » et non « on disons ». Alors pourquoi accorder systématiquement participes ou adjectifs selon un pluriel inexistant : on s'est agenouillés (sic), on s'est dévisagés (sic), on s'est extirpés (sic)... Le chapitre trois tient du festival ! Notons, d'ailleurs, que le ton familier de l'œuvre originale ne me paraît pas rendu par le ton parfois un peu vulgaire de la traduction, en particulier dans les premiers chapitres où le « on » est utilisé systématiquement à la place de « nous ». Pourquoi ? Mystère et boule de gomme.
     Même type d'interrogation quant au choix de la version du texte américain utilisée pour la traduction. J'ai beaucoup de mal à croire qu'en 1968, Jack Finney ait pu évoquer l'envahissement des rues par des voitures japonaises Honda ou Toyota (p. 68) ou le plaisir d'un personnage s'apercevant qu'Elvis Presley était toujours vivant — sans même parler de la référence à Cindy « Time after Time » Lauper ! Explication : en 1987, The Woodrow Wilson Dime a été réédité, en compagnie de deux autres romans de Finney, sous le titre Three by Finney. L'auteur a alors procédé à une actualisation (bien inutile à mon avis) de son texte. C'est cette « version actualisée » qui a été utilisée pour la traduction de Denoël. Renseignement pris, l'éditeur français n'y est strictement pour rien, ce choix ayant été imposé par les représentants de l'auteur. Dommage. Cela étant, comme nous l'a fait remarquer Jacques Chambon : « on va pas en faire un fromage ! ».
     Je remiserai donc mes regrets de vieux puriste râleur au fond de ma poche et conclurai en vous exhortant, lecteurs fidèles et confiants, à vous précipiter sur l'œuvre de cet écrivain magnifique qu'est Jack Finney.

Francis VALÉRY
Première parution : 1/1/1996 dans Cyberdreams 5
Mise en ligne le : 14/9/2003

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