ANTHOLOGIE Titre original : Time Untamed, 1967 Première parution : États-Unis, New York : Belmont Books, septembre 1967 Traduction de Hery FASTRE Illustration de (non mentionné)
Sous-titré "Par les maîtres de la science-fiction américaine, huit manières insolites de défier le temps". L'anthologiste n'est pas mentionné.
Quatrième de couverture
Pour un écrivain, il n'y a qu'un sujet digne d'intérêt, a écrit H.P. Lovecraft, le combat contre le temps. Et lorsque celui-ci déploie ses caprices, lorsqu'il multiplie ses ravages et bouleverse l'harmonie de l'univers, l'homme devient un jouet dérisoire et presque inutile, une poupée mécanique pétrie à l'image du silence...
Mais il arrive aussi que l'homme se rebelle et lance vers les cieux des regards chargés de colère et de haine...
Les nouvelles de ce recueil, écrites par les maîtres de la science-fiction américaine, traduisent cet impossible défi.
1 - Isaac ASIMOV, Sally (Sally, 1953), pages 5 à 30, nouvelle, trad. Hery FASTRE 2 - Clifford Donald SIMAK, Vous ne retournerez jamais chez vous (You'll Never Go Home Again! / Beachhead, 1951), pages 31 à 55, nouvelle, trad. Hery FASTRE 3 - Lyon Sprague DE CAMP, L'Oeil de Tandyla (The Eye of Tandyla, 1951), pages 57 à 87, nouvelle, trad. Hery FASTRE 4 - Ray BRADBURY, Le Futur antérieur (Tomorrow and Tomorrow, 1947), pages 89 à 113, nouvelle, trad. Hery FASTRE 5 - Robert BLOCH, L'Oeil affamé (The Hungry Eye, 1959), pages 115 à 140, nouvelle, trad. Hery FASTRE 6 - Theodore STURGEON, La Chambre noire (The dark room, 1953), pages 141 à 190, nouvelle, trad. Hery FASTRE 7 - John WYNDHAM, L'Ève éternelle (The Eternal Eve, 1950), pages 191 à 223, nouvelle, trad. Hery FASTRE 8 - Fritz LEIBER, Je cherche Jeff (I'm Looking for "Jeff", 1952), pages 225 à 242, nouvelle, trad. Hery FASTRE 9 - Jean-Baptiste BARONIAN, Y a-t-il une science-fiction pure ?, pages 256 à 253, article
Critiques
Le temps sauvage (« Time untamed ») recueil américain de SF traduit chez Marabout, présente deux particularités remarquables qui sont aussi deux paradoxes.
Le premier est que les huit nouvelles qui le composent ont toutes été publiées en français, et chacune dans Fiction. Le cas étant rare (et peut-être unique, il faudrait vérifier) detrouver une anthologie collective déjà entièrement parvenue jusqu'à nous de manière fragmentée, il était bon de le signaler. Ceci étant fait, on ne pourra que s'étonner de trouver au dos du volume le tampon habitue ! : « Inédit en langue française ». C'est peut-être vrai de l'entité recueil, mais c'est là privilégier de manière curieuse le contenant par rapport au contenu. Doit-on penser que la direction littéraire de Marabout ne lit jamais Fiction ? Ou qu'elle est passée maîtresse dans l'art du raisonnement jésuite ? Les lecteurs jugeront...
Signalons en tout cas à l'intention des maniaques les références des nouvelles... Quatre d'entre elles figuraient au sommaire du Fiction Spécial 13 (« Chefs-d'œuvre de la science-fiction », 2ème série), paru en juillet 88. Ce sont : Sally d'Isaac Asimov (dans Fiction : La révolte des voitures — repris enoutre dans le recueil d'Asimov L'amour vous connaissez ?, récemment publié dans « Présence du Futur ») ; Vous ne retournerez jamais chez vous (« You'll never go home again ») de Clifford D. Simak (dans Fiction : Jamais vous ne repartirez) ; Le futur antérieur (« Tomorrow and tomorrow ») de Ray Bradbury (chez nous : J'appelle le passé) ; et L'œil affamé (« The hungry eye ») de Robert Bloch (L'œil avide dans Fiction).
L'œil de Tandyla de L. Sprague de Camp parut au sommaire de Fiction n° 184 ; La chambre noire de Théodore Sturgeon, dans notre numéro 180 (Dans la chambre sombre) ; L'Eve éternelle de John Wyndham, sous le même titre dans Fiction n° 181 ; enfin Je cherche Jeff de Fritz Leiber, dans le n° 176...
Ceci étant précisé, reste le second paradoxe que l'énoncé de ces titres laisse clairement entrevoir (de même que le « dos » du volume). On pourrait, en effet, se croire en présence d'un recueil thématique sur le voyage dans le temps ou les paradoxes temporels. Il n'en est rien. Une seule nouvelle (celle de Bradbury) fait intervenir le temps comme facteur essentiel de l'action. Les autres se partagent honorablement plusieurs sous-genres, et trois d'entre elle (L'œil affamé, La chambre noire et Je cherche Jeff) ne font même pas partie de la SF, puisqu'elles font toutes appel au fantastique moderne ! La prospective scientifique et sociologique (Sally), !e sword and sorcery (L'oeil de Tandyla) et le space-opera (Vous ne retournerez jamais chez vous et L'Eve éternelle) terminent ce choix éclectique... Pourquoi alors ce titre trompeur ? C'est encore un des mystères de l'édition !
II reste maintenant à parler de ces nouvelles ; nous pourrions aisément nous en passer puisque, de par leur publication ici même, elles doivent rester présentes à l'esprit de beaucoup. Mais il faut bien penser aux lecteurs récents...
Malgré les bizarreries du titrage, le choix des nouvelles est assez homogène dans leur qualité, qui est moyenne. Les plus grands auteurs de SF anglo-saxonne y sont présents, mais les textes qui les représentent sont le plus souvent des nouvelles quelque peu mineures dans leur œuvre : d'où cette impression un peu terne mais qui reste dans les limites de l'agréable à lire, parce que le .métier est là, qui soutient ce que les thèmes peuvent avoir de peu original.
Troisième petit paradoxe, c'est la nouvelle de Bradbury (la seule où le temps montre le bout de son nez) qui me paraît la plus faible. Le thème de l'objet venu du futur a été traité avec infiniment plus d'esprit par d'autres (Lewis Padgett. par exemple), et Le futur antérieur reste fâcheusement entaché d'un traitement sentimental assez larmoyant, qu'une chute sans surprise enfonce encore dans la facilité
Sally d'isaac Asimov est une histoire trop connue pour qu'on en puisse faire une critique constructive. Mieux vaut se rapporter à l'introduction que son auteur a fait figurer dans le recueil L'amour vous connaissez ?, et où l'auteur du cerveau positronique (ici appliqué aux voitures) fait avec humour le procès... des critiques et de leurs interprétations freudiennes !
L'œil de Tandyla est une agréable histoire de brigands, de sorciers et de trésors, dans la plus pure tradition du Voleur de Bagdad (version cinématographique de Raoul Walsh). Rien de spécial à signaler, si ce n'est que le Jack Vance de Cugel l'astucieux n'est pas loin — ce qui est un compliment de taille.
Mais les deux récits les meilleurs se trouvent être les deux plus classiques, ceux qui se situent dans l'espace, sur un monde sauvage à conquérir. Vous ne retournerez jamais chez vous exploite le thème archétypal de l'expédition stellaire qui se heurte, sur une planète inconnue, à un danger mortel, mais Clifford Simak l'a traité avec le sens de la nature qu'on lui connaît, son sens des hommes aussi, et il se tire avec honneur d'une aventure finalement très angoissante. Avec L'Eve éternelle, Wyndham remet sur le terrain la seule-femme-capable-de-procréer-dans-un-monde-d'hommes, ceci étant situé sur Vénus après l'explosion de la Terre. Un décor bien dessiné et une fine analyse psychologique de l'héroïne principale font de ce thème rebattu mais toujours émouvant le meilleur texte de ce recueil.
Il est naturellement difficile de comparer l'incomparable, c'est — à — dire la science-fiction et le fantastique. L'œil affamé, La chambre noire, Je cherche Jeff mettent en scène, le premier une pierre maléfique, le second une entité qui se nourrit des émotions humaines, le troisième un fantôme vengeur. Si le récit de Fritz Leiber est incontestablement le meilleur des trois, en raison sans doute de la banalité même du sujet, qui rend les personnages très présents, ces trois nouvelles se ressemblent curieusement : même décor d'une grande ville américaine anonyme, mêmes personnages de joyeux drilles dégoûtés de la vie et qui traînent dans les bars, les parties, les réceptions. II règne dans ces trois textes un climat de film noir des années 50 (c'est d'ailleurs la date de conception des nouvelles) qui leur donne une unité frappante et fait d'eux un deuxième recueil à l'intérieur du recueil.
Voilà donc ce qu'on peut brièvement dire d'un volume qui est comme un bon plat réchauffé : on ne peut guère demander à ceux qui l'ont déjà goûté en tranches séparées d'y revenir, mais il peut figurer honorablement dans la bibliothèque des tard venus à la SF.