La vie de tous les jours dans une petite ville d'Amérique : les maisons aux pelouses ombragées, les enfants qui jouent dans les jardins, les hommes qui s'affairent dans leurs bureaux...
Et puis, silencieusement, insidieusement, une faille, une fêlure qui menace cet univers tranquille : des enfants qui empruntent un toboggan vers l'ailleurs, une vieille dame qui joue du piano pour dérober le bonheur des autres, des bruits de pelle dans la nuit, des balançoires qui oscillent toutes seules et sans l'aide du vent, un accident de voiture condamné à se répéter pour l'éternité, un amour absolu aux conséquences horribles, un héritage de sang, des souvenirs d'adolescence qui se révèlent mortels...
Et, tout au bout, la terreur, une terreur si douce...
Onze contes fantastiques modernes par celui que Stephen King considère comme « un des meilleurs écrivains de sa génération, ou de n'importe laquelle ».
Né en 1942, Charles L. Grant est une des figures de premier plan du fantastique moderne anglo-saxon II a écrit dans ce domaine plus d'une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, sans parler de ses œuvres sous pseudonymes, le plus souvent humoristiques. Il est également l'anthologiste le plus important du genre et a déjà fait paraître dix volumes de la série Shadows. ainsi qu'une dizaine d'autres anthologies comme Nightmares,Terrors,Horrors, etc.. où l'on trouve les meilleurs auteurs de fantastique. Charles L. Grant a reçu deux fois le Nebula Award pour ses œuvres de science-fiction et il a été couronné par trois fois du World Fantasy Award pour ses nouvelles et ses anthologies dans le domaine du fantastique. En France, ses nouvelles ne figurent que dans quelques anthologies (dont, chez NéO, « Trois saigneurs de la nuit » de Jacques Finné). Ce volume constitue donc une première à ne pas manquer.
1 - Jean-Daniel BRÈQUE, Charles L. Grant ou la terreur douce, pages 5 à 9, préface 2 - Et l'ombre coule dans ses veines (Through All His Blood Runs Shadow, 1976), pages 11 à 27, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 3 - Quand tous les enfants m'appelleront (When All the Children Call My Name, 1977), pages 28 à 50, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 4 - Le Chant d'une aiguille (Needle song, 1979), pages 51 à 62, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 5 - Chez nous (Home, 1981), pages 63 à 78, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 6 - Creuse (Digging, 1981), pages 79 à 97, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 7 - Ne me quitte pas (When Love Turned Round and Whispered You're Mine, 1982), pages 98 à 114, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 8 - La Valse des générations (The Generation Waltz, 1984), pages 115 à 123, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 9 - A quoi servent les morts (What Are Deaths For, 1984), pages 124 à 135, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 10 - Les Copains d'abord (And We'll Be Jolly Friends, 1984), pages 136 à 151, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 11 - Andrew Patterson (Andrew Patterson, 1985), pages 152 à 160, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE 12 - Penny Daye (Penny Daye, 1986), pages 161 à 170, nouvelle, trad. Jean-Daniel BRÈQUE
Critiques
(Critique de deux livres de Charles L. GRANT : « Les Proies de l'ombre » paru chez NéO et « La force Hideuse » paru chez J'ai Lu, Col Epouvante)
« Mes livres ne se lisent pas vite », dit Charles L. Grant. Et il ajoute : « Ils sont faits pour être lus durant l'hiver, devant une cheminée. » Ces propos, restitués par Jean-Daniel Brèque dans son introduction au recueil de onze nouvelles qu'il a compilées pour NéO, explicitent bien la méthode de l'auteur — et, plus même qu'une méthode, son mode profond d'expression. Comment démarrent la plupart de ses textes courts ? « Une pluie douce et dure dans une saison déplacée : la grisaille morte de l'hiver bien avant les premières gelées... » (Ne me quitte pas). Par ce genre de notation d'une « atmosphère » qui va au-delà de la simple description climatique ou géographique, mais qui contient déjà l'ombre des inquiétudes à venir : une saison « déplacée »... Et comment démarre son long roman (The Pet, qui est son plus récent, et qui a été un best-seller outre-atlantique) ? « Une nuit fraîche et limpide de fin Septembre... une lune piquetée d'ombres grises... » Par la même chose : une approche douce des choses, une lente mise en condition.
L'essentiel du talent de Grant est là, dans ce velouté qui parait anodin, mais qui ouvre sur des gouffres à peine perceptibles : autre caractéristique, qui place Grant bien loin de tous ses confrères attachés à la terreur et au sang, quand ce n'est pas au gore. Pas de sang, peu de violence chez Grant, juste l'émergence d'un « ailleurs » tranquille qui ne prend du relief que parce qu'il s'insère dans ces petites villes américaines où il semble ne jamais rien se passer (c'est son point commun avec King). Un petit jardin d'enfants est le lieu de bien étranges assassinats (Quand tous les enfants m'appelèrent), d'autres enfants disparaissent près de la maison d'un paisible retraité, chez qui on entend parfois hurler des chiens (Chez nous — ce sont les deux meilleurs textes d'un recueil qui comporte aussi des récits plus allusifs, et plus proche du poème en prose cher à Clark Ashton Smith) : voilà qui est typique de l'auteur, dont les accents sont parfois indéniablement bradburyen, les ambiances aussi — des « pays d'Octobre. »
Les enfants sont aussi les personnages principaux de La force hideuse, des adolescents plutôt, à l'âge de la terminale, et en proie aux problèmes habituels de rivalités entre eux et pour des filles, et aux ennuis avec les parents qui s'engueulent et se trompent. On pourrait croire évidemment à une banalisation, à une insertion de Grant dans le moule des récits à teenagers (The Pet a été effectivement acheté par le cinéma), si on ne connaissait pas ses nouvelles, si lui-même ne précisait pas que« »...Ce qui m'effraie... ce sont les relations entre les êtres humains, qui tournent mal, ou qui ne démarrent jamais vraiment« . Des relations faussées, donc, qui sont à la base de la montée du surnaturel : ici, le jeune Donald (mal aimé de ses camarades, qui l'appellent »le Canard« , et mal dans sa peau face à ses parents qui se déchirent), suscitent un noir et maléfique cheval, échappé d'un poster qu'il a dans sa chambre, et qui réalise ses souhaits un peu trop bien.
Ce roman épais ne vaut tout de même pas les meilleures de ses nouvelles : à force de vouloir rester dans le quotidien, on a parfois l'impression que Grant s'édulcore, et dans la deuxième moitié du livre, le lecteur a du mal à croire véritablement à l'existence de l'étalon vengeur — peut-être tout simplement parce que l'animal est mal choisi, parce qu'un cheval est plutôt, dans l'imaginaire, une bête amicale et rassurante. N'empêche qu'avec ces deux parutions, Grant atteint une belle hauteur au firmament du fantastique moderne, juste en dessous du maître King, aux côtés de Clive Barker. Reste à réparer une injustice : dans son introduction au recueil NéO, Jean-Daniel Bréque, fin connaisseur pourtant (et excellent traducteur), feint de se scandaliser que Grant soit « relativement inconnu du public francophone qui n'a pu lire de lui que quelques nouvelles dispersées au fil des revues et des anthologies. » Quelques nouvelles, vraiment ? Et dans quelles revues ? Brèque aurait pu avoir honnêteté de citer Fiction, qui le publia dès 1978, il y a donc dix ans (à un moment de son histoire où notre revue était dirigée par Daniel Riche, rendons-lui cet honneur !), et qui a à son actif quatorze nouvelles de Grant. Voilà une injustice (ou un oubli ') réparée.