L'ATALANTE
(Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne Date de parution : 26 mai 2004 Dépôt légal : mai 2004, Achevé d'imprimer : mai 2004 Première édition Recueil de nouvelles, 240 pages, catégorie / prix : 3 ISBN : 2-84172-273-2 Format : 13,0 x 17,9 cm✅ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Bienvenue dans ces mondes qui seront peut-être bientôt le nôtre. Tout s'y vend, tout s'y achète, jusqu'au patrimoine génétique et l'être humain qui le contient. Faites confiance au marché comme à ceux qui le gouvernent. D'ailleurs ils se sont emparés des technologies nouvelles. Tous les clonages sont possibles, la nature humaine et la vie dérivent...
Qu'importe si les sociétés se délitent, si des territoires d'exclus s'étendent d'où la violence remonte, si le pouvoir des groupes financiers convoque des armées d'adolescents pour son profit ? Il y a encore moyen de survivre dans un monde virtuel ou de prendre racine... dans un potager.
Bon séjour dans une humanité en déroute. Mais s'il reste « l'amour qui meut le soleil et les autres étoiles », un monde bien ordonné commencerait-il par soi-même ?
Douze nouvelles et un préambule : le premier recueil de Pierre Bordage.
1 - Préambule : Cheval de Troie, pages 11 à 14, préface 2 - Nouvelle Vie TM, pages 15 à 31, nouvelle 3 - Ma main à couper, pages 33 à 54, nouvelle 4 - La Classe de maître Moda, pages 55 à 73, nouvelle 5 - Eurozone (2004), pages 75 à 94, nouvelle 6 - Paix bien ordonnée, pages 95 à 110, nouvelle 7 - Kali la démente, pages 111 à 131, nouvelle 8 - Jour de noces, pages 133 à 149, nouvelle 9 - Dans le potager, pages 151 à 167, nouvelle 10 - Les Frères du G5, pages 169 à 185, nouvelle 11 - Juliet, pages 187 à 202, nouvelle 12 - Godéron, pages 203 à 213, nouvelle 13 - Tyho d'Ecce, pages 215 à 232, nouvelle
Critiques
Premier recueil de nouvelles de Pierre Bordage, Nouvelle vie™ reflète parfaitement les thèmes chers à l'auteur, avec cette petite touche de désespoir qui en rend la lecture déprimante. Mais si le constat est dur, le livre n'est finalement pas autre chose qu'un appel à la résistance, ce dont aucun lecteur de S-F ne se plaindra.
Parmi ces treize courts textes, on retiendra la nouvelle titre, inquiétante exploration d'une société qui a fini de breveter le vivant. Conséquence logique, le capital génétique des individus peut tout à fait appartenir à une entreprise... Autant pour la liberté démocratique tant vantée, autant pour les lois éthiques tant louées, autant pour les bienfaits du libéralisme tant désiré, autant (et c'est sans doute le plus grave) pour les relations normales entre parents et enfants. Au fil des pages se dessine le paysage mental d'un auteur tout à tour intimiste (« Cheval de troie », une jolie parabole sur la création), polardeux techno-SF (« Kali la démente », traitement classique du clonage à la sauce Maigret) ou franchement désespéré (« Tyho d'Ecce », brillante description d'une sanglante campagne colonisatrice), avec cette obsession systématique de l'oppression des individus par des entités si puissantes qu'elles en perdent toute notion d'humanité au profit de la rentabilité. Dès lors, aucune morale, aucune éthique n'est applicable, et les individus doivent survivre comme ils peuvent, sans que jamais se dessine ne serait ce que l'espoir d'une porte de sortie. On pourra reprocher une certaine forme de simplisme à l'auteur, mais on ne pourra nier l'efficacité de ses nouvelles, toutes intelligentes et angoissantes, porteuses de questions et parfaitement logiques quant au futur qu'elles anticipent. Brrrrr.
Bordage écrit peu de nouvelles : il a davantage le souffle long. Les douze qui composent ce recueil, écrites entre 1999 et 2004, souvent pour des revues et anthologies, permettent de constater que l'auteur de Wanget Abzalonest aussi à l'aise dans la forme courte. Ses récits ont la fluidité et la simplicité qui font mouche. On reste d'ailleurs séduit par sa puissance d'évocation qui, avec trois dialogues et deux descriptions, fournit au lecteur la vision d'un univers entier.
Certes, l'originalité est parfois absente : organiser une chasse à l'homme pour des jeux télévisés (Ma Main à couper)est un sujet difficile à renouveler depuis Sheckley, les clones prenant la place des originaux (Les Frères du G5)sont aussi un thème rebattu. Mais qu'il s'agisse de traquer un tueur en série faisant appel à des clones (Kâli la démente)ou de perpétrer un cambriolage dans une société indifférente à ses exclus (Eurozone), Bordage s'approprie le sujet à sa façon bien particulière, en s'attardant davantage sur les personnages que sur la situation.
Ses récits font cependant froid dans le dos, comme Jour de noces, paru à l'origine dans Galaxies, où l'humanité est réduite à vivre une existence numérique, ou Tyho d'Ecce, qui montre des enfants soldats exterminant une race extraterrestre pacifique pour servir des intérêts financiers. Dans le potager développe jusqu'au bout une société basée sur les modifications génétiques mais surtout sur l'esprit de compétition. On est davantage effrayé, dans la nouvelle éponyme du recueil, par l'insensibilité des enfants élevés dans une société où l'homme devient à son tour une marchandise.
Si Bordage souligne bien chez ses personnages l'envie, l'avidité, la cruauté qui les font agir, il est tout aussi attentif à déceler les moments de compassion ou de remords qui permettent de formuler quelque espoir pour l'avenir. On teste l'altruisme des élèves d'une école de privilégiés en leur imposant la présence d'un enfant défavorisé (La Classe de maître Moda) ; pour établir la paix dans le monde, mieux vaudrait commencer par la faire avec soi-même (Paix bien ordonnée).
La société qu'esquisse Bordage au fil de ces nouvelles n'est pas très optimiste, mais on y trouve encore des îlots de tendresse et de chaleur humaine. Ce premier recueil de Pierre Bordage est d'une très bonne tenue. Les anthologistes devraient lui commander plus souvent des nouvelles.